May 14, 2007

« elle me traitait de "gros porc" »


Carnets de justice
«L'élection justifie les vitrines casseés?»
Libé, 14 mai 2007

«Il faudrait peut-être ramener les choses à de justes proportions !» proteste l'avocate d'Olivier, 36 ans, ébéniste, prostré dans le box. «Ce qu'on reproche à mon client, en tout et pour tout, c'est d'avoir lancé une canette de bière en métal, vide.» Alors, entendre le procureur réclamer six mois de prison dont trois avec sursis, ça lui paraît exagéré, même si la canette a percuté un policier.

Le procureur, lui, tient à ramener l'ordre à Lyon : «Toutes les nuits, deux cents à trois cents personnes manifestent parce qu'elles n'acceptent pas le résultat de l'élection présidentielle. Et, au bout de quelques heures, la situation dégénère en affrontements avec les forces de l'ordre.» Résultat : trente personnes poursuivies en trois jours, pour des jets de projectiles, feux de poubelles et autres outrages et rébellions.

«Le résultat des élections est incontestable. L'Etat de droit s'impose à tous, martèle le procureur. Ce sont des comportements inquiétants qui ne doivent pas être banalisés et je le rappellerai dans tous les dossiers.»

A Lyon, cas unique en France, une audience spéciale avait été organisée pour évacuer les cas de vingt-deux de ces trublions. Or, normalement, toute création d'audience nécessite une délibération de l'assemblée générale des magistrats. Dans les couloirs du palais, on jasait beaucoup sur la légalité de cette séance exceptionnelle, et les possibles contestations des condamnations prononcées.

Carnets de justice
«Je l'ai traitée de "grosse vache" parce qu'elle me traitait de "gros porc"»
Libé, 12 mars 2007

Tous les vendredis après-midi, à la 11e chambre, c'est «l'audience femmes battues», indique une employée de l'accueil. Devant une juge unique, les affaires défilent. Simon a 35 ans, il porte la kippa, un costume sombre et une chemise à rayures colorées. Il est conseiller d'éducation dans un lycée public. Son épouse l'accuse de violences volontaires : il l'aurait projetée contre le mur de leur cuisine, la blessant à la nuque et à l'épaule. «Votre femme rapporte également des insultes : "grosse vache", "sale pute"...», lit la présidente. Simon se racle la gorge. «Je l'ai traitée de "grosse vache", effectivement. C'est parce qu'elle me traitait de "gros porc", de "vermine", d'"homosexuel", et de tout ce qu'on entend par là. Je n'ai fait que répondre.»

La présidente se tourne vers la femme de Simon. Grande, fine, élégante, elle semble absente, le regard flottant. «Vous dites que les violences durent depuis votre mariage en 1999 ?» Elle soupire. «Je n'ai pas porté plainte avant, parce qu'il m'a parlé de son enfance. Il m'a dit qu'il avait lui-même subi des violences. J'espérais l'aider.»

Le couple a deux enfants de 7 et 5 ans. Une procédure de divorce est en cours. Simon reprend la parole. «Deux semaines après mon mariage, elle me faisait déjà une tentative de suicide. Elle est tout le temps en dépression. Je suis un homme et j'ai toujours travaillé pour qu'elle ne manque de rien. Je suis un bon père. J'ai mon fils qui m'appelait "maman" quand il était petit, je ne sais pas si c'est un signe pour vous. A vous de juger, moi je pense qu'il y a un dieu qui a créé le monde...» La présidente le coupe. «On est là pour examiner des faits.» Elle décide d'ajourner le prononcé de la peine de six mois, avec injonction pour le couple de se rendre d'ici là dans une association d'aide familiale. «Parce qu'il y a des enfants, et qu'avec ce climat entre vous, on court à la catastrophe pour eux. Dans six mois le tribunal évaluera si monsieur a fait les efforts nécessaires.»

Le couple suivant est arrivé ensemble. Il a la trentaine, les cheveux ras, le buste courbé dans une veste trop large. Elle porte un jean et un blazer cintré, ses traits soulignés par un discret maquillage. La présidente laisse échapper un sourire. «Dans leur rapport, les policiers écrivent : "Une femme à peine vêtue se jette en pleurs dans nos bras..." Bon, c'est leur vision des choses. Je me permets de sourire car vous m'avez l'air réconciliés. Mais tout de même, Monsieur, votre compagne avait une plaie à la tête qui a nécessité trois points de suture. Vous dites : "Je voulais faire du bruit pour attirer son attention." Mais exploser une table avec une batte de base-ball, c'est beaucoup de bruit.»

Il murmure qu'il regrette, sa compagne ajoute que, depuis les faits, «il a beaucoup changé». La présidente ajourne le prononcé de la peine de six mois, avec l'obligation pour lui de voir un psychologue.

C'est un homme seul qui se présente ensuite.
Drissa a 48 ans. Malien résidant en France, il vit de «petits boulots». «Nous avons une lettre de la victime qui dit avoir "le désir le plus absolu" de retirer sa plainte», commence la présidente. «Simplement, elle n'est pas là. On ne sait pas si c'est vraiment elle qui a écrit ça. Et elle est quand même sérieusement abîmée votre concubine. Elle a des cheveux arrachés par plaques... Elle a déclaré à la police : "Il me frappe comme si j'étais un homme, il me donne des coups au visage, me tire les cheveux, il me traite comme au pays, m'empêche de sortir..." Qu'est-ce que vous avez à dire de ça, monsieur ?»

Drissa regarde ses pieds. «Je regrette mon acte. Mais elle aussi a dit qu'elle regrettait sa plainte.» La présidente durcit son ton : «Oui, elle veut retirer sa plainte. Mais Mme la procureure, elle, vous poursuit.» La procureure requiert 1 500 euros d'amende avec sursis «pour que ça fasse épée de Damoclès». Jugement : 1 000 euros avec sursis, «car vous avez exprimé des regrets».


- Jugement : 1 000 euros avec sursis -


Posted 18 years, 4 months ago on May 14, 2007
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