June 3, 2007
Résidence alternée des enfants - Auditions
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Mercredi 23 mai 2007, extraits, pour références ultérieures
M. Gérard Neyrand, professeur de sociologie à l'Université de Toulouse III, directeur du Centre interdisciplinaire méditerranéen d'études et de recherches en sciences sociales, a indiqué avoir réalisé une enquête sur la résidence alternée au début des années quatre-vingt-dix, à une époque où cette pratique n'était pas encore reconnue par la loi. Il a estimé qu'actuellement, dans les faits, 15 % à 20 % des enfants dont les parents sont séparés sont concernés par la résidence alternée, sans d'ailleurs qu'une décision de justice ait été nécessairement rendue en ce sens.
Son enquête portait sur soixante-dix couples, dont la moitié pratiquait la résidence alternée. Cette pratique peut être à son avis bénéfique, tant pour les parents que pour les enfants, dans la mesure où elle permet de maintenir un lien concret et régulier entre l'enfant et chacun de ses deux parents, tout en étant conforme au principe d'égalité entre les parents. Elle est facteur d'enrichissement de la vie sociale des enfants et conduit chaque parent à être plus disponible pour l'enfant pendant la période où il en assume la garde. Ces résultats ont été confirmés par des études nord-américaines, qui ont montré que les enfants en résidence alternée ne souffrent pas de problèmes particuliers. Les troubles psychologiques qui sont éventuellement observés chez ces enfants ne sont pas liés à leurs conditions de résidence, mais plutôt à la poursuite du conflit parental.
Les réticences suscitées par la résidence alternée concernent le plus souvent les très jeunes enfants, sachant que dans les trois quarts des cas, les demandes de résidence alternée portent sur des enfants de moins de dix ans et, dans un tiers des cas, de moins de quatre ans. Certains pédopsychiatres estiment que, seule, la mère est apte à s'occuper d'un très jeune enfant. Aucune étude ne démontre pourtant qu'une résidence permanente chez la mère soit absolument indispensable dans ce cas : s'il est vrai que certains pères ne souhaitent pas assumer les mêmes tâches que la mère, d'autres, en revanche, s'occupent de leur enfant dès sa naissance et établissent avec lui un lien d'attachement très fort. Il est alors important de préserver les relations nouées avec les deux parents. Les témoignages recueillis montrent que la résidence alternée peut être bien vécue à tout âge quand des liens psychologiques forts sont établis avec les deux parents. Il peut être utile, cependant, d'accélérer le rythme de l'alternance de la résidence quand l'enfant est plus jeune, dans la mesure où les enfants en bas âge n'ont pas le même rapport au temps que les enfants plus âgés.
Pour conclure, M. Gérard Neyrand a considéré que l'hostilité de principe de certains pédopsychiatres à la résidence alternée n'est donc pas fondée scientifiquement. Les possibilités de réorganisation du lien familial sont multiples et les parents ne défendent pas leur seul intérêt quand ils demandent ce mode de résidence. Si cette formule répond aux besoins de certaines familles, elle ne peut bien sûr pas être appliquée à toutes les situations : même dans les pays où elle est la plus pratiquée, elle ne concerne pas plus de 40 % des enfants dont les parents sont séparés.
Mme Mireille Lasbats, psychologue clinicienne, expert près la cour administrative d'appel de Douai, a rappelé son expérience de terrain comme psychologue clinicienne et expert auprès des tribunaux dans de nombreux cas de divorces conflictuels. Elle a estimé que, depuis l'application de la loi du 4 mars 2002, les besoins de l'enfant sont trop rarement pris en compte. Ces besoins évoluent avec l'âge ; aussi bien les décisions de résidence alternée doivent-elles être prises au cas par cas en fonction de la situation de l'enfant et du contexte familial, étant entendu que le lien affectif avec les deux parents est indispensable à l'équilibre de l'enfant. Le calme et le respect des rythmes de vie, ainsi que la qualité de la relation entre les parents, constituent également des facteurs d'équilibre et de sécurisation indéniables. En fait, pour qu'une résidence alternée réussisse, chaque parent doit accepter l'altérité et la suppléance de l'autre.
Elle a proposé quatre critères dont le respect devrait être vérifié par le juge avant de décider la mise en place d'une résidence alternée : l'âge de l'enfant, puisque la faible capacité de mémorisation des figures et des lieux d'attachement rend difficile le changement de résidence avant l'âge de trois ans, la proximité géographique des domiciles des parents, la bonne entente de ces derniers sur les principes éducatifs et une organisation pratique efficace. La décision du magistrat ne doit donc pas être prise à la hâte. Elle a fait valoir, à cet égard, que de nombreux cas d'aliénation parentale sont observés dans des situations où la résidence partagée a été décidée trop rapidement, sans une étude approfondie de la situation familiale.
Mme Isabelle Juès, vice-présidente de l'Association pour la médiation familiale, a fait part des observations et réflexions des médiateurs familiaux au sujet de la résidence alternée, en prenant soin de préciser que ceux-ci interviennent par définition dans le cadre des conflits familiaux, ce qui influence sans doute leurs conclusions.
Elle a d'abord constaté que l'alternance est inhérente à toute séparation des parents, quel que soit le régime juridique adopté pour la résidence des enfants. Même si elle est source de difficultés, elle est vitale pour l'enfant, car elle lui permet de rester au contact de ses deux parents et donc de construire son identité. Le rôle des médiateurs familiaux est d'aider toutes les parties à prendre acte de cette alternance et d'encourager les parents à faire preuve de créativité dans son organisation, en rappelant que l'équilibre de l'enfant ne réside pas nécessairement dans un partage de son temps à part égale entre ses parents.
La résidence alternée est parfois revendiquée par ses défenseurs comme une forme d'égalité, alors que ses détracteurs la dénoncent comme une manifestation de l'égoïsme des adultes et d'oubli de l'intérêt de l'enfant. Or, il est stérile de vouloir opposer parents et enfants dans ces situations.
La résidence alternée pose des difficultés tant que l'enfant reste l'enjeu de la séparation. Dans ces situations, la médiation familiale peut aider les parents à distinguer ce qui relève de leur conflit de couple et de leur responsabilité de parents. Par ailleurs, ce mode de résidence présente ses propres contraintes, notamment en matière de logement et de communication entre les parents. Il est dommage que la reconnaissance juridique de la résidence alternée ne se soit pas accompagnée de la reconnaissance de l'égalité des parents, en particulier en matière de prestations familiales.
En conclusion, elle a plaidé pour une inscription dans la loi de la réalité de l'alternance pour les enfants de parents séparés, quel que soit leur mode de résidence, et pour une meilleure information des parents sur la possibilité d'adapter le rythme de l'alternance aux besoins propres de chaque enfant. Le recours à la médiation familiale est utile, notamment dans les cas où une résidence alternée est imposée par le juge.
M. François Fondard, président de l'Union nationale des associations familiales, a soutenu le principe de la résidence alternée, comme moyen d'égalité entre les parents et de préservation des liens de l'enfant avec son père et sa mère. Il est important de recueillir l'avis de l'enfant sur son mode de résidence, dès lors que celui-ci est en mesure de l'exprimer.
Toutes les séparations reflètent nécessairement des situations conflictuelles et la difficulté pour les enfants réside moins dans la gestion du temps que dans la gestion du conflit. Telle est la raison pour laquelle il faudrait développer la médiation familiale en permettant au juge de l'imposer aux parents et en la dotant des moyens nécessaires.
Me Hélène Poivey-Leclercq, avocat, représentante du Conseil national des barreaux, de l'Ordre des avocats au barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers, a estimé que le débat sur la résidence alternée s'inscrit dans le cadre d'un débat plus large sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Tout comme ce dernier, il ne peut faire l'objet d'une réponse définitive.
S'appuyant sur sa pratique professionnelle, elle a relevé que les couples qui s'engagent dans des procédures de divorce connaissent en général l'existence de ce mode de résidence : les hommes ont tendance à considérer qu'il devrait constituer le principe, et non l'exception, et les femmes à y voir une menace au motif que leur conjoint n'a pas eu, dans l'éducation quotidienne des enfants, une implication aussi importante que la leur. La demande de résidence alternée s'apparente, pour certains couples, à un « droit de jouissance alternée » des enfants. Les demandes des parents ne sont pas toujours guidées par le seul intérêt de leur enfant, mais par deux autres types de considération : le regard des autres et l'argent.
Après avoir indiqué que le tribunal de grande instance de Bobigny compte neuf juges aux affaires familiales, Mme Valérie Goudet, vice-présidente du tribunal de grande instance de Bobigny chargée des affaires familiales, a fait remarquer que la part des demandes de résidence alternée y est inférieure à celle enregistrée au niveau national : 6 %, contre 10,3 % environ. Cette différence s'explique par les conditions matérielles plus difficiles, notamment en matière de logement, des personnes résidant dans le ressort du tribunal. On note aussi la faible présence des pères dans les procédures à Bobigny, un tiers d'entre eux ne se présentant pas aux convocations.
Après avoir salué la qualité de la justice civile française, M. Robert Badinter s'est interrogé sur les raisons de la diminution du nombre des enfants en résidence alternée passé l'âge de onze ans.
Après avoir précisé que les études réalisées sont exclusivement quantitatives et non qualitatives, M. Marc Guillaume a estimé que cette diminution peut s'expliquer par le changement d'établissement scolaire lié au passage au collège, par l'augmentation des charges financières afférentes à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, mais aussi par une expression plus nette et une plus grande écoute de ses attentes.
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Soit un individu - ou un groupe - qui poursuit un but de son propre choix, sur lequel il n'appartient pas à l'ethnopsychiatre de porter un jugement de valeur. Si la poursuite de cet objectif produit une situation de stress que le «sujet» (individu ou groupe) apprécie comme telle et si tous ses efforts pour atténuer ce stress par un recours à des contre-mesures nouvelles et (ou) renforcées ne fait qu'accroître le stress, le «sujet» est pris dans les engrenages d'un cercle vicieux. La présence d'un cercle vicieux de ce genre caractérise toute psychopathologie individuelle et toute pathologie sociale - et souvent aussi les maladies organiques.
Voir au 28 janvier 2006.
Personne ne saurait dire ni établir quoi que ce soit, tous n'en restent qu'à leurs estimations, interrogations, revendications et hypothèses, certains se plaignant car ils seraient calomniés. Voir surtout le mot de la fin que se partagent M. Robert Badinter et M. Marc Guillaume, « les études réalisées - par l'institution judiciaire - sont exclusivement quantitatives et non qualitatives » :