July 12, 2007

Le juge s'est justifiée par son « intime conviction »

PARIS/STRASBOURG (Reuters) - L'acquittement à Strasbourg des seize co-accusés de Pierre Bodein ravive les questions sur les failles du système judiciaire français, apparues en 2005 après le scandale de l'affaire Outreau.

Acquittés par la cour d'assises du Bas-Rhin d'une participation supposée à l'un des trois meurtres reprochés au multirécidiviste Pierre Bodein, condamné à la perpétuité avec 30 ans incompressibles, huit ont connu la prison et cumulent près de 15 ans de détention provisoire.

Quatre d'entre eux comparaissaient détenus et ont été libérés après le verdict après avoir passé trois ans en cellule. Trois autres suspects du même groupe qui n'ont pu être jugés pour des raisons techniques ont aussi été emprisonnés, dont une femme, toujours détenue aujourd'hui.


Le parquet général, qui avait requis des peines de 10 à 30 ans de réclusion contre cinq accusés acquittés, et trois ans à cinq ans d'emprisonnement contre les 11 autres, n'a pas encore décidé s'il ferait appel.

L'association ATQ-Quart Monde a estimé jeudi que ces "vanniers" ou "yennisch", nom donné en Alsace à ces nomades sédentarisés au mode vie fruste, ont été victimes au départ de préjugés.

"La justice a triomphé sur les préjugés, en dépit de l'incompréhension, la méconnaissance et le mépris qu'entraine le plus souvent l'exclusion sociale. Cette décision rappelle que personne ne doit être considéré a priori comme coupable en raison de son passé ou ses origines", dit-elle dans un communiqué.


L'affaire jugée à Strasbourg pendant trois mois présente de nombreuses analogies avec celle d'Outreau, qui avait abouti à l'acquittement de 13 des 17 personnes accusées de pédophilie lors de deux procès en 2004 et 2005.

DEPOSITIONS D'ENFANTS

Les accusés ont été mis en cause, comme à Outreau, sur le fondement de dépositions d'enfants, suivies de leurs propres aveux et mises en cause réciproques, contradictoires, voire invraisemblables sur certains points, et finalement rétractées.

L'accusation ne disposait, hormis ces éléments, que d'une trace ADN pouvant être reliée probablement, mais sans certitude absolue, à une des victimes, retrouvée un an après les faits sur une couette d'une maison habitée par les suspects.

L'accusation recensait 165 déclarations auto-accusatrices mais la défense mettait en doute leur validité, soulignant le très faible niveau intellectuel des accusés, leur alcoolisme, leur suggestibilité et leur difficulté à résister aux pressions psychologiques imputées aux gendarmes.

L'absence d'enregistrement audiovisuel des dépositions les a fragilisées, comme dans l'affaire Outreau.
Les impératifs de la recherche d'une des victimes ont pu amener des mises en cause incertaines.

"Il est évident qu'à un moment donné, nous avons cru nous-mêmes à leur culpabilité. (Au départ) il fallait sauver une petite fille. On aurait été horribles si on avait demandé à nos clients de se taire", a dit à Reuters Me Thierry Zaiger, un de leurs avocats.

Différence de taille avec le dossier Outreau, où la solitude du juge Fabrice Burgaud était dénoncée, le dossier de Strasbourg a été instruit par deux magistrates, souligne l'avocat.

"(Ce système) a montré ses limites. Il ne marche plus du tout quand les deux juges ne sont pas d'accord", estime Me Zaiger.


La magistrate la plus sceptique, Hélène Blondeau-Patissier, a été dessaisie de l'affaire en cours d'enquête. Citée par la défense au procès, elle a fait part de ses doutes, partagés par certains enquêteurs.

L'autre juge, Lydia Pflug, qui a signé l'ordonnance de mise en accusation, s'est justifiée devant la cour d'assises par son "intime conviction", notion que peuvent retenir les jurés d'assises mais non les juges enquêteurs, qui doivent établir des "charges suffisantes".


- « (Ce système) a montré ses limites » -


Posted 18 years, 2 months ago on July 12, 2007
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Re: Le juge s'est justifiée par son « intime conviction »
COLMAR, Bas-Rhin (Reuters) - Les seize co-accusés de Pierre Bodein, qui ont été acquittés il y a deux semaines par la cour d'assises du Bas-Rhin, ne seront pas rejugés, le parquet général ayant renoncé à faire appel.

"J'ai décidé de ne pas relever appel", a déclaré mardi le procureur général de la cour d'appel de Colmar, Bernard Legras, à qui revenait cette prérogative.

Pierre Bodein a été condamné le 11 juillet à la réclusion criminelle à perpétuité dont trente années incompressibles, soit la peine la plus lourde existant en droit français. Il a fait appel, suivi "pour le principe" par le parquet et sera donc rejugé seul dans un délai d'un an.

Les jurés ont déclaré ce repris de justice de 59 ans coupable d'avoir tué et éventré Jeanne-Marie Kegelin, 10 ans, Julie Scharsch, 14 ans, et Hedwige Vallée, 38 ans, après avoir violé les deux premières au mois de juin 2004 en Alsace.

Ils ont en revanche estimé les charges insuffisantes concernant ses co-accusés, des nomades sédentarisés à la personnalité fruste, soupçonnés d'avoir participé au meurtre de Jeanne-Marie, sur la foi de témoignages d'enfants et d'aveux contradictoires et fantaisistes.

L'avocat général avait requis des peines de 10 à 30 ans de réclusion contre cinq d'entre eux, et trois ans à cinq ans d'emprisonnement contre les onze autres.

Le procureur général, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse, a précisé que sa décision avait été prise à l'issue d'une "vaste concertation" avec les magistrats du parquet et la partie civile et qu'elle était "consensuelle".

Il a laissé entendre que les parents de Jeanne-Marie Kegelin, qui souhaitent tourner la page selon l'un de leurs avocats, ne lui avaient pas demandé de faire appel.

"Ils ont indiqué qu'ils s'en remettaient à ma décision et qu'ils la comprenaient", a dit Bernard Legras.

Il s'est élevé contre les parallèles établis par certains avocats et médias entre l'affaire Bodein et celle d'Outreau qui avait abouti à l'acquittement de 13 des 17 personnes accusées de pédophilie lors de deux procès en 2004 et 2005.

Dans les deux affaires, la mise en cause des accusés était fondée sur des témoignages d'enfants suivis de leurs propres aveux et mises en cause réciproques, sans qu'aucun élément matériel irréfutable ne vienne soutenir l'accusation.

"Je voudrais d'une manière très ferme m'opposer à cette interprétation", a dit Bernard Legras en rappelant que "contrairement à l'affaire d'Outreau", trois juges avaient participé à l'instruction.

Tous les co-accusés de Pierre Bodein n'en sont pas pour autant quitte avec la justice. Deux femmes et un mineur, qui n'ont pu comparaître pour des raisons médicales ou juridiques, devront être jugés à leur tour, les deux premières devant une cour d'assises, le troisième devant le tribunal pour enfants.

Quant aux seize acquittés, dont huit ont été incarcérés et cumulent près de 15 années de détention provisoire, ils pourront engager une procédure en indemnisation dès mercredi soir, terme du délai d'appel au-delà duquel l'arrêt de la cour d'assises sera définitif.

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