November 1, 2005

Azouz Begag conteste

"Il faut que les esprits s'apaisent. Il faut que la loi s'applique fermement et dans un esprit de dialogue et de respect", a déclaré Jacques Chirac, mercredi 2 novembre en Conseil des ministres.
Le Monde, le 2 novembre 2005


Libération, le 1er novembre 2005
REPORTAGE «C'est la présence des flics qui nous énerve»
Par Gilles WALLON

Lundi vers minuit, à Clichy-sous-Bois, autour de la mosquée Bilal. Là où, la veille, une grenade a relancé les hostilités, il ya ce soir une quarantaine de CRS. Ils coupent l'avenue liant Clichy à Montfermeil. Quelques jeunes sont là, quatre ou cinq. Ils grondent, toisent les CRS, leur lancent des regards noirs, mais ne font rien. Plus tôt, un cocktail Molotov a pourtant été jeté sur les policiers.
Pour l'instant, la rumeur court. « Parmi les CRS, là en face de nous, il y a une petite blonde. C'est elle qui a lancé la grenade sur la mosquée », assure Aziz, la trentaine, un bonnet enfoncé sur les oreilles. Les autres ne l'écoutent pas. « C'est la présence des flics qui nous énerve, c'est de la provocation. », enrage Stéphane sous sa capuche noire. « Ça ne fait que stigmatiser encore plus le quartier. Comme toujours, on ne parle de nous que quand ça va mal. » Plus tôt dans la journée, trois jeunes ont été condamnés à deux mois de prison ferme, pour avoir lancé des pierres et des bouteilles sur les policiers. « Ici, on pense tous qu'ils ont été pris pour faire un exemple, poursuit Stéphane. On continue de nous enfermer, sans preuves. »


Le Monde, le 1er novembre 2005
Azouz Begag sous le feu des critiques

Les propos du ministre délégué ont fait vivement réagir les proches de Nicolas Sarkozy. Thierry Mariani, député UMP du Vaucluse, a affirmé qu'Azouz Begag, "a perdu une bonne occasion de se taire" en critiquant Nicolas Sarkozy. Selon lui, les propos du ministre sont "un peu une condamnation du travail de la police".

Alain Marleix, député du Cantal, est allé plus loin , exigeant la démission de M. Begag. "J'ai été très choqué par le comportement" de M. Begag, a déclaré M. Marleix, par ailleurs secrétaire national UMP aux élections. "Dans pareille circonstance, la solidarité gouvernementale est une exigence minimale", a déclaré M. Marleix. "M. Begag a besoin d'exister, il a un ministère gadget et doit montrer qu'il a une utilité", a poursuivi le député. "Mais ça ne doit pas se faire au prix d'un manquement grave à la solidarité gouvernementale".

PARIS (AP), le 1er novembre 2005 - Après plusieurs nuits de violences à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) consécutives à la mort par électrocution de deux adolescents, Azouz Begag critique les propos du ministre de l'Intérieur sur les banlieues mais entend faire aussi son "mea culpa".

Dans une interview publiée mardi par "Libération", le ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances "conteste cette méthode de se laisser déborder par une sémantique guerrière, imprécise", en réaction aux termes "voyous et racaille" utilisés par Nicolas Sarkozy à Argenteuil (Val-d'Oise) la semaine dernière.

"Je regrette de ne pas être associé (au ministre de l'Intérieur) quand il y a un dialogue difficile avec des jeunes. A chaque fois que mon collègue (Nicolas Sarkozy, ndlr) intervient en banlieue même quand il s'agit d'égalité des chances, je ne suis jamais contacté. Quand on nomme un préfet musulman, quand on dit vouloir donner le droit de vote aux étrangers et qu'on envoie des CRS contre les jeunes de banlieue, il y a un décalage", souligne Azouz Begag.

Par ailleurs dans une autre interview au "Parisien-Aujourd'hui en France", Azouz Begag tient à faire son "mea culpa": "Ca fait cinq mois que je suis au gouvernement et je n'ai pas été assez incisif. J'ai été trop faible. A moi de faire le tour des ministères pour discuter avec mes collègues et leur expliquer ce qui se passe réellement dans ces quartiers où l'on souffre. A moi d'aller voir Sarkozy pour qu'on trouve des solutions ensemble, qu'on répare les malentendus, qu'on apaise les tensions".

"Il faut certes tenir un langage de la fermeté, pour le rétablissement de l'ordre. Mais c'est en luttant contre les discriminations dont sont victimes les jeunes qu'on rétablira l'ordre, l'ordre de l'égalité. Pas en amenant plus de CRS", insiste le ministre dans "Libération".

Pour autant, Azouz Begag dénie à la gauche le droit de critiquer l'action du gouvernement: "La gauche n'a rien à dire, quand on voit la manière dont elle nous (les enfants d'immigrés, ndlr) a éloignés de la représentation politique. Aujourd'hui profiter de la mort ces deux jeunes pour se refaire une virginité politique sur la question des banlieues, c'est un scandale".

"Le PS n'a rien à dire sur la question des banlieues", ajoute Azouz Begag dans "Le Parisien-Aujourd'hui en France": "Elle est où la France black-blanc-beur que les socialistes nous promettaient. Nulle part. De Mitterrand à Jospin, cela n'a été qu'un grand bla-bla saupoudré d'un peu de SOS-Racisme. Et nous payons aujourd'hui ces vingt ans d'inaction". AP

PARIS (AFP), le 1er novembre 2005 - Ministre hors norme grandi dans un bidonville, Azouz Begag, resté jusqu'ici dans l'ombre, a fait entendre sa différence dans le dossier brûlant des banlieues, avec des critiques contre la "sémantique" du ministre de l'Intérieur qui ont suscité mardi la colère des sarkozystes.

Ses propos ont résonné d'autant plus fort que le président de la République et le Premier ministre étaient restés jusqu'à mardi en fin d'après-midi silencieux sur la crise de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

Azouz Begag, sociologue d'origine algérienne, natif de Lyon, promu en juin par Dominique de Villepin ministre délégué à la Promotion de l'égalité des Chances - un intitulé inédit - a pris la parole à plusieurs reprises depuis le déclenchement de ces événements pour regretter le vocabulaire de Nicolas Sarkozy.

Dimanche, il jugeait impropre de "dire aux jeunes qu'ils sont des racailles". "Il ne faut pas dire aux jeunes qu'on va leur rentrer dedans et qu'on va leur envoyer la police. Il faut y aller avec une volonté d'apaiser", avait-il déclaré à France 2.

Le mot "racaille" a été utilisé par le ministre de l'Intérieur lorsqu'il s'était rendu la semaine dernière dans le Val-d'Oise pour vérifier un dispositif contre les violences urbaines.

Azouz Begag est revenu à la charge dans deux interviews mardi.

Au Parisien-Aujourd'hui en France, il livrait des recommandations : quand on parle avec des pauvres, "il faut toujours choisir ses mots".

Interrogé par Libération sur les formules de son collègue à l'Intérieur, ("racaille", mais aussi "Kärcher"), il a marqué une désapprobation plus vive, dénonçant une "sémantique guerrière, imprécise". "Il faut cesser d'aller avec caméras et journalistes dans ces zones de pauvreté et de susceptibilité", a-t-il demandé.

De plus, il a déploré ne jamais avoir été "contacté" par Nicolas Sarkozy pour des déplacements en banlieue. "J'en suis surpris, alors que je suis l'un des rares au gouvernement à être légitimé par 25 ans d'expérience et de travail sur ces quartiers".

Des propos qui ne pouvaient manquer de susciter l'ire des amis du ministre de l'Intérieur. Begag "a perdu une bonne occasion de se taire", selon Thierry Mariani (UMP, Vaucluse). "Il a manqué à la nécessaire solidarité gouvernementale", a dénoncé Alain Marleix (UMP, Cantal), réclamant carrément la démission du ministre délégué.

Interrogé par l'AFP sur cette demande, Brice Hortefeux, bras droit de M. Sarkozy, a glissé : "je peux comprendre l'exaspération d'Alain Marleix, car notre pays a besoin d'unité et le gouvernement de cohésion, même si je ne partage pas toutes ses conclusions".

Yves Jégo (UMP, Seine-et-Marne) a souhaité que Dominique de Villepin rappelle Azouz Begag à l'ordre. Pierre Cardo (UMP, Yvelines) lui a demandé de "remettre l'église au milieu du village".

Pour un sarkoziste qui a requis l'anonymat, si le ministre délégué a tant parlé, c'est "qu'il en a, au minimum, reçu le feu vert".

"Je ne crois pas au caractère spontané d'Azouz Begag", a fait valoir cette source : "voilà un type qu'on n'a pas entendu pendant cinq mois, et brusquement il est partout".

"Une déclaration, ça peut être spontané et normal. Mais quand on donne des interviews dans tous les sens, surtout pour un ministre sans assise politique, ça ne peut être qu'après un feu vert" (sous-entendu : du Premier ministre).

Avant d'entrer au gouvernement, M. Begag s'était vu confier une mission sur l'égalité des chances par M. de Villepin, alors ministre de l'Intérieur, qui, deux mois avant, lui avait remis la légion d'honneur.

PARIS (Reuters), le 1er novembre 2005 - Nicolas Sarkozy, qui continue de prôner la fermeté dans les quartiers sensibles, apparaît isolé au sein du gouvernement face au feu nourri des critiques de la gauche.

Le ministre de l'Intérieur a été reçu à Matignon par Dominique de Villepin pendant une heure lundi en fin d'après-midi pour "faire le point" sur la situation en Seine-Saint-Denis, où des émeutes ont éclaté après la mort accidentelle de deux jeunes, électrocutés jeudi dans un transformateur EDF après une course-poursuite avec la police.

Mais le chef du gouvernement ne s'est pas exprimé sur l'affrontement entre son numéro deux et les jeunes de Clichy-sous-Bois, parmi lesquels Siyakah Traore, le frère de l'un des jeunes décédés, qui a refusé de rencontrer Nicolas Sarkozy, le taxant d'"incompétence", et a demandé à être reçu à Matignon.

Et c'est un proche du Premier ministre, Azouz Begag, ministre de la promotion de l'égalité des chances, qui s'est exprimé pour "contester" la méthode de son collègue de l'Intérieur, qui se laisse à ses yeux "déborder par une sémantique guerrière imprécise".

"Quand on nomme un préfet musulman, quand on dit vouloir donner le droit de vote aux étrangers et qu'on envoie des CRS contre les jeunes de banlieues, il y a un décalage. Il faut certes tenir un langage de la fermeté, pour le rétablissement de l'ordre. Mais c'est en luttant contre les discriminations dont sont victimes les jeunes qu'on rétablira l'ordre, l'ordre de l'égalité. Pas en amenant plus de CRS", souligne-t-il dans une interview à Libération publiée mardi.

Fin juin, Nicolas Sarkozy avait déjà suscité la polémique en affirmant son intention de "nettoyer au Karcher" la cité des 4.000 à La Courneuve, également en Seine-Saint-Denis.

Dominique de Villepin n'avait alors pas condamné les propos du ministre de l'Intérieur mais s'était démarqué en douceur de la méthode de son rival désigné dans la perspective de l'élection présidentielle de 2007.

"MENACES ET PROMESSES"

"Ce qui me choque, c'est de ne rien faire", avait-il dit, sur France 3, avant d'ajouter: " Chacun aborde ces questions avec sa sensibilité. Je suis un républicain convaincu, je crois au respect de la règle. Vous le voyez bien dans ce gouvernement, (...) il y a des sensibilités différentes. Ces sensibilités font la richesse de ce gouvernement et j'assure la direction, la cohérence de l'ensemble et je le fais dans l'esprit de la République".

Mardi matin, le député-maire UMP de Montereau (Seine-et-Marne) Yves Jégo, un proche de Nicolas Sarkozy, a apporté son soutien au ministre de l'Intérieur, jugeant qu'il ne lui appartenait pas de répondre au malaise des banlieues.

"Ce qui manque sans doute aujourd'hui, c'est peut-être la partie intégration, (...) mais ce n'est pas la compétence du ministre de l'Intérieur que de s'avancer sur ces sujets", a-t-il expliqué sur France-Info, appelant à "un grand plan Borloo pour l'intégration".

La gauche s'est emparée de ce dossier des violences urbaines pour faire le procès de la politique de sécurité menée depuis la réélection de Jacques Chirac en 2002.

Pour le porte-parole du Parti socialiste, Julien Dray, l'un des fondateurs de SOS-Racisme, "Sarkozy confond la fermeté réelle avec la fermeté télévisuelle". "Nous sommes au coeur d'une communication spectacle, où l'on préfère l'effet d'annonce au travail sérieux et patient", a-t-il dit dans Le Parisien.

Pour la secrétaire nationale du Parti communiste, Marie-George Buffet, invitée de France Inter, les habitants de la Seine-Saint-Denis "en ont assez de voir le ministre de l'Intérieur qui arrive, qui repart après avoir proféré des menaces ou des promesses".

Pour l'ancien ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy "a manqué de sang-froid et n'a pas mesuré ses propos à plusieurs reprises".

Le président d'honneur du MRC a dénoncé sur France Inter l'"abandon" de la "police de proximité" mise en place "de 1998 à 2000". Il a appelé à "renforcer les unités territorialisées, redonner de la chair à cette action de terrain" et à "ne pas croire qu'on va résoudre les problèmes en faisant intervenir les BAC, CRS et escadrons de gendarmerie mobile".

Mais l'ancien ministre de Lionel Jospin a reconnu que "le ministre de l'Intérieur ne peut pas faire tout ça: faire reculer le chômage, enrayer la ghettoïsation, l'ethnisation des rapports sociaux". "C'est une politique d'ensemble du gouvernement tout entier", a-t-il souligné.

Libération, le 1er novembre 2005
Hollande : «Tolérance zéro pour Sarkozy !»
par RD et PQ

Interrogé par Libération sur les violences de Clichy-sous-Bois, François Hollande a répondu : «Non seulement la politique de Nicolas Sarkozy est dure à l'égard des plus faibles et outrageante à l'égard des quartiers, mais en plus, elle ne marche pas ! Jamais les violences aux personnes n'ont atteint un tel niveau (+3,5% depuis le début de l'année). Je ne nie pas la difficulté de l'action en la matière et je refuse la polémique simpliste. Mais depuis trois ans et demi, Sarkozy et Chirac ont multiplié les législations de circonstances et les effets d'annonce sans résultat probant ! Aurais-je la cruauté de rappeler les propos du Président, le 14 juillet 2001 : il dénonçait un “manque d'autorité de l'Etat”, il s'affolait d'une “déferlante de l'insécurité”. Et où est-il, Jacques Chirac, aujourd'hui ? Quelqu'un a-t-il entendu le son de sa voix après les très graves événements de Clichy ? Ou l'odieux assassinat d'Epinay. Sarkozy, de son côté, prône la “tolérance zéro”. Et bien, “tolérance zéro” pour Sarkozy ! “Tolérance zéro” pour les provocations verbales, la disparition de la police de proximité, l'absence de toute politique de prévention. En fait, le président de l'UMP n'est plus obnubilé que par sa candidature. Il n'est plus ministre de l'Intérieur, il est ministre de lui-même. Tous les mots sont prétextes à médiatisation. Les uns pour durcir jusqu'à l'extrême, les autres pour amadouer jusqu'à l'ambiguïté. Il parle ainsi de “discrimination positive”, mais stigmatise les jeunes des cités.

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