November 3, 2005

Tolérance zéro

Libération, le 19 juillet 2005
Tolérance zéro sans limite d'âge en Californie
Par Emmanuelle RICHARD, extraits :

En voyant débouler trois voitures de police et un hélicoptère, un quartier défavorisé de Fresno, dans la vallée agricole de Californie, a cru à une opération antigang. Au lieu de cela, la police est repartie avec une fillette hispanique joufflue, âgée de 11 ans.

Menottée, visiblement apeurée, elle était arrêtée pour avoir lancé une pierre sur un voisin de 9 ans qui l'attaquait à coups de bombe à eau.

Aujourd'hui, près de trois mois après l'incident, la jeune Maribel Cuevas se retrouve inculpée d'attaque avec une arme mortelle : un crime sérieux qui conduit à un jugement au pénal.

L'affaire est en passe de devenir le symbole des excès de la tolérance zéro des autorités américaines.

Los Angeles correspondance.


PARIS (AFP) 3 novembre 2005 - Le gouvernement français apparaissait jeudi impuissant à mettre un terme à la flambée de violences sans précédent ces dernières années dans des banlieues pauvres et à forte population d'origine immigrée près de Paris, théâtres d'une septième nuit d'émeutes.

Le Premier ministre Dominique de Villepin a réuni jeudi matin ses principaux ministres, dont celui de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, et des maires de villes "sensibles" autour de la capitale.

Les appels à "l'apaisement", lancés mercredi par le président Jacques Chirac et les efforts des responsables locaux, notamment des éducateurs souvent d'origine immigrée, surnommés "les grands frères", pour ramener le calme sont tombés dans le vide dans plusieurs cités déshéritées.

Des quartiers, situés à dix minutes en métro de Paris, qui comptent parmi les plus pauvres de France, là où le chômage et l'échec scolaire ont explosé, et où les jeunes Français, originaires pour beaucoup du Maghreb et d'Afrique, se sentent exclus, se sont de nouveau embrasés dans la nuit de mercredi à jeudi.

Des groupes de jeunes gens cagoulés, armés de pavés et de cocktails molotov ont affronté les policiers anti-émeutes notamment dans le département de Seine-Saint-Denis (nord de Paris).

Dans ce seul département, les émeutiers ont incendié 177 véhicules. Signe d'une escalade, la police a recensé quatre tirs à balles réelles, qui n'ont pas fait de blessés, contre la police et les pompiers.

Neuf personnes ont été blessées, dont un pompier brûlé au deuxième degré au visage par un cocktail Molotov.

Une concession automobile Renault a été incendiée, de même que deux écoles primaires, un gymnase, et des émeutiers ont aussi saccagé un poste de police, qui était fermé, et attaqué des commerces.

Selon la police, des jeunes âgés de seulement 10 à 12 ans ont été aperçus dans les rues lors de ces violences.

La situation était en revanche redevenue plus calme dans la ville de Clichy-sous-Bois, "berceau" de ces émeutes.

Les violences avaient démarré le 27 octobre après la mort accidentelle de deux jeunes de 15 et 17 ans, qui s'étaient réfugiés dans un transformateur électrique croyant être poursuivis par la police, à tort selon les autorités.

Les familles de Zyed Benna et Bouna Traore, d'origine tunisienne et malienne, ont porté plainte contre X pour non assistance à personne en danger.

Le ministre de l'Emploi et de la Cohésion sociale Jean-Louis Borloo a prôné jeudi "la fermeté" mais estimé que les autorités devaient aussi avoir "la main tendue".

Mais des jeunes ont promis de poursuivre la "guerre" contre la police.

"Cela va peut-être leur faire comprendre, aux gens du gouvernement", a lancé un jeune de 23 ans durant la nuit. "C'est que le début", dit un autre, "ça va continuer jusqu'à ce que Sarkozy démissionne!"

Le ministre de l'Intérieur, président du parti majoritaire UMP et candidat déclaré à la présidentielle de 2007, apparaissait isolé par les critiques, y compris venant de son propre camp, qui l'accusent d'avoir jeté de l'huile sur le feu par ses déclarations martiales contre la "racaille" de banlieue.

En visite privée à Paris, le président du Sénégal Abdoulaye Wade a déclaré qu'il fallait "casser les ghettos et intégrer les Africains qui demandent à être intégrés".

Des sociologues ont en effet jugé que ces émeutes témoignaient plus globalement de l'échec depuis 25 ans des différentes politiques de la ville et des "ratés" de l'intégration.

Les gouvernement successifs ont laissé se former des banlieues-ghettos -la France compte 750 zones urbaines "sensibles"- où les jeunes Français souvent d'origine immigrée sont exclus du marché de l'emploi, et perçoivent tout ce qui est extérieur à la "cité" -police, pompiers, services de l'Etat- comme des "ennemis".


Voir également :

Punir les pauvres par Loïc Wacquant

A propos de Punir les pauvres, une critique de Champ Pénal

Monde diplomatique de février 2001
Dossier : "L'obsession sécuritaire"
Envahissants experts de la tolérance zéro

VINGT ans de politique de la ville, élaborée sur fond de décentralisation au rythme des échéances électorales, ont accouché d’une nouvelle figure : l’expert en sécurité. Depuis le retour de la gauche au pouvoir en 1997, une poignée de ces experts multiplient les interventions médiatiques et disséminent leurs idées dans un nombre croissant d’instances et d’ouvrages. Naguère inconnus du public, ils s’imposent comme les analystes des « désordres urbains » et éclipsent les « spécialistes des banlieues » promus dans les années 1980. Ces derniers tentaient d’analyser un problème politique, économique et social, dont il fallait chercher les causes avant d’y remédier.

L’« expert » balaye les causes et propose une approche gestionnaire des effets : à la question de la situation économique et sociale des quartiers populaires, il substitue celle de la « lutte contre la violence urbaine ».

Posted 20 years, 1 month ago on November 3, 2005
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