August 23, 2007

L'« enquête » sur ces faits se limita à un petit mot d'explication

Les références d'un ouvrage de Vladimir Boukovsky qui dépeint assez bien ce que peut être une « maison d'enfant » et des usages au sein du dispositif de la protection de l'enfance.

Evidemment, ce ne sont pas les surveillants qui tabassent les enfants, ce sont les plus grands, les jeunes majeurs, qui tabassent les petits, lorsque les éducateurs (ou les stagiaires) ont le dos tourné.

Dans un tel dispositif, l'enfant a le choix : accepter le placement en famille d'accueil ou rester à l'internat.

Plaignez vous auprès des instances compétentes et vous vous appercevrez qu'un petit mot d'explication émanent de la « maison d'enfant » suffira pour faire classer l'affaire. Insistez et le juge pour enfant suspend tous vos droits puis fait disparaitre l'enfant.

« Une nouvelle maladie mentale en URSS : l'opposition ». En 4ième : « Un humoriste a déjà donné un nom à cette répression en blouse blanche : "le stalinisme à visage humain". »

Chez Seuil, 1971, extrait de la page 31 :





Page 32 : « Si un passage à tabac s'ébruite par trop, les médecins réagissent en déplaçant le malade dans une autre section. (...) Les surveillants, encouragés par une telle tolérance, multiplièrent dès lors leurs exactions contre les malades, se vantant ouvertement de leur impunité. »

Page 28 : « Dès l'arrivée d'un détenu politique dans un hôpital spécial, les médecins, lors de la première visite, le placent devant l'alternative suivante : ou renoncer à ses opinions, ou rester interné jusqu'à la fin de ses jours. »

Page 34 : « Le système en place est tel que même les personnes qui ont une attitude humaine à l'égard des malades ne peuvent pratiquement leur être d'aucune aide. »

Page 36-37 : « Toutes les plaintes et toutes les protestations des malades restent, bien évidemment, lettre morte, si on laisse de côté les mutations des protestataires d'une section à l'autre. (...) Le plus souvent, ce sont les victimes de ces exactions ou ceux qui s'efforcent de les dénoncer et d'en défendre les victimes - et non leurs auteurs - que l'on mute. »

Page 37 : « Un tel cas est impossible dans notre hôpital. »

Page 38 : « Si l'on arrive par hasard à esquiver tous les obstacles et à faire acheminer les lettres jusqu'aux instances supérieures, ces dernières ne manquent jamais de les retourner à leurs "destinataires", c'est à dire à l'administration de l'hôpital même. Et nous continuons à vivre dans cet "anti-monde" clos, régi par ses "anti-lois". »

Page 38 : « Après ce qui vient d'être dit, un problème se pose tout naturellement : celui de la légalité et de l'utilité de ces hopitaux spéciaux. Du point de vue du droit, leur existance est illégale et absurde... du point de vue de l'efficacité thérapeuthique et de l'humanité, jugez vous-même ! »

Page 39 : « Enfin, la limitation des visites et de la correspondance non seulement traumatise les malades et mène à la dislocation des familles, mais favorise également l'arbitraire car les parents des malades sont, en règle générale, privés de la possibilité de les défendre de manière organisée. La sélection du contingent des malades (dont la majorité viennent d'autres villes) et l'atmosphère de secret qui entoure l'hôpital ne font que renforcer cet état de choses. »

Page 40, « il n'existe point dans notre pays d'instance officielle à laquelle on pourrait recourir » :





Page 63, « personne, moi pas plus que d'autres, ne peut avoir de garanties contre l'arbitraire », puis, en page 65, « les enquêtes que l'on a ouvertes (...) contre nous sans jamais nous interroger » :







Page 170, « Et comme rien ne permet de m'arrêter, on veut m'effrayer », qui n'est pas sans faire écho à « Sorcières, justice et société », « En un mot "l'idée mère de l'ancienne procédure criminelle était l'intimidation" » :





La page 171 ne fait que conforter cette impression, « en août 1539 (...) L'instruction du procès, devenue écrite et secrète, se substitue au débat oral et public » :

- Nous recevons néamoins des demandes de renseignement. Il y a donc bien une raison qui les poussent à s'adresser à nous.
- Dites moi concrètement quelle est cette cause... Alors nous discuterons au fond.
Ils ne nous disent rien de concret.
- Eh bien je ne sais pas... Pourquoi donc ne vous renseignez-vous pas auprès d'eux ? Ce serait bien naturel, après tout...
Nous avons tout le temps. Vous avez, quoi qu'il en soit, quelque chose à vous repprocher.

(...) Des infirmiers entrent dans le bureau.
- Que faites-vous ? Vous allez m'interner dans un hôpital ?
Oui, pas pour longtemps...


« Oui, pas pour longtemps... » C'est comme les placements d'enfant dans le secteur de Nanterre : du provisoire qui s'inscrit dans la durée.

Page 170 : « Ne pensez pas, surtout, que nous sommes avec le K.G.B. contre vous. Au contraire, notre devoir est d'aider les malades et de les protéger. »


En page 76, Piotr Grigorenko verse, lui également, dans le cynisme. Selon ce même ouvrage, de nombreux « malades » souffraient de paranoïa.


Extraits du mémoire de recherche présenté par M. Guillaume Nicolas-Brion, IEP Toulouse, 2004, « Un rouage contre la machine ou les combats de Vladimir Boukovski »...

« L'histoire de cette création -de l'homme nouveau soviétique-, ses vecteurs et ses instruments sont expliqués par Michel Heller : "la transformation physique et mentale des habitants du nouveau monde s'effectue à l'aide de puissants instruments : la peur, la haine, la corruption. Le `bâton` va de pair avec la `carotte`, des mythes spécialement crées pour servir les buts de l'Etat. [C'est] l'histoire d'une expérience jamais vue." »

« [Une] vision (...) vivement contestée dans la communauté scientifique des historiens (...) Car cette volonté totalitaire d'imposer à tous l'idéologie en vigueur est impossible, comme nous l'ont appris les utopies les plus fictives - c'est à dire celles que nous a léguées la littérature et pouvant être rapprochée du système soviétique - ou les apports de l'école révisioniste. Une société où l'Etat arrive à s'imiscer dans chaque branche de la vie des populations ne peut pas exister, c'est un idéal-type selon un terme emprunté à la sociologie de Max Weber  il reste toujours certains domaines dans lesquels l'Etat ne peut pas intervenir, même s'il le désire. Il peut s'agir de moments de la vie quotidienne, mais aussi des volontés personnelles de ne pas adhérer à l'idéologie officielle : il se trouvera toujours des personnes pour refuser le régime en place, quelle que soit la force que l'Etat leur oppose. Pour synthétiser et généraliser à l'extrême, tout régime totalitaire, par sa nature même, entraîne des actions de dissidence selon Jean-François Revel. »

« C'est la maîtresse d'école qui fait un cours de géographie devant une mappemonde. "Les enfants, ici ce sont les Etats-Unis. Les gens y vivent très mal et comme ils n'ont pas d'argent ils ne peuvent pas acheter de bonbons et de glaces et ne peuvent pas emmener leurs enfants au cinéma. Là, par contre, c'est l'Union soviétique : tous les hommes sont heureux, ils vivent bien, achètent tous les jours des glaces et des bonbons et emmènent les enfants au cinéma." A ce moment là, une petite fille se met à pleurer. La maîtresse l'interpelle et lui demande la raison de ses larmes. La petite fille déclare : "je veux aller en Union soviétiqueé. Racontée à Boukovski enfant, cette histoire crée en lui le "premier malentendu". »

« La véritable cause de l'anti-communisme de Boukovski se trouve dans une autre anecdote... » A lire en page 30 et 31... « Comment peut-il être le plus juste et le meilleur système du monde si les relations haut placées peuvent mettre à l'abri celle qui fait pipi dans sa culotte au moment d'un tel privilège -saluer notre bien-aimé leader- ? Ma foi dans le communisme fut gravement anéantie. »

« Agir ou non ? Le troisième épisode se situe après l'affaire du complot des blouses blanches, un an avant la mort de Staline. Après que le régime ait lancé une grande campagne antisémite, un camarade de confession juive est roué de coups à la récréation. Si Boukovski ne le bat pas, il ne fait rien pour lui non plus. Il en tire une incompréhension de la violence à l'état pur (quel lien cet enfant pourrait-il avoir avec les médecins juifs ?) et surtout un sentiment de culpabilité (pourquoi n'a-t-il rien fait ?). (...) A l'époque de ses 10 ans, la mort de Staline le touche comme elle touche un enfant à qui on a toujours parlé du dictateur comme le petit père des peuples : "Pour nous, pour tous, Staline était plus que Dieu". Il explique aujourd'hui que c'était le jour le plus triste de sa vie "car Dieu était mort" ; mais au même moment il comprend que tout n'est qu'une mascarade : "s'Il était Dieu, Il aurait dû être immortel, tout n'était qu'un gros MESONGE". Quelques années plus tard, la déstalinisation lui donne raison. Il cherche alors à comprendre pourquoi on dit maintenant de Staline qu'il est criminel et qui est à l'origine de ces crimes. »

« Le contact avec la réalité soviétique. Ce stage en usine puis dans un sovkhoze est sensé le rapprocher de la réalité des travailleurs. Or, le résultat est tout autre. "Nous avons vu, pour la première fois, ce qu'était une usine soviétique, son bluff, son imposture et ses contraintes." »

« [En 1997, par un sondage portant sur les articles publiés dans le Monde entre 1990 et le 14 juin 1997, il apparait que] La famine en Ukraine, responsable de cinq à six millions de morts est inconnue, de même que le nombre de camps dont l'existence est au centre de `L'Archipel du Goulag'. Alors que des expositions, des films ou des musées entretiennent le souvenir de l'horreur nazie, il n'est pas fait de même pour le régime soviétique. »

« Le `regard amer' porté par Boukovski sur sa vie est analysé par Nicole Zand, dans sa critique écrite dans Le Monde sur `Jugement à Moscou'. Dans une lettre adressée au Monde, Boukovski fait lui-même part de ses `réflexions amères'. Il compare les ex-dissidents aux `hommes en trop' (litchnyï tchelovek) de la littérature russe des XVIIIe et XIXe siècles. »

Les ex-dissidents, des « gens en trop » ?
Lettre de Boukovski au Monde paru dans l'édition du 16.05.96, extrait :

En effet, aucun de nous n'a été assez naïf pour espérer le triomphe instantané de la démocratie après l'effondrement du communisme. Mais au fond du coeur, beaucoup espéraient montrer à nos compatriotes (par l'exemple personnel, s'il le fallait) que l'on pouvait changer le cours de sa propre vie, et par conséquent le destin du pays, en barrant la route à l'arbitraire et à l'oppression.

Nous espérions démontrer que la démocratie n'était pas une simple farce électorale à échéance de quelques années, mais la participation responsable des gens aux affaires quotidiennes de leur pays. Nous espérions, je crois, qu'un jour l'opinion publique deviendrait une force réelle, comme les ruisseaux du dégel forment un torrent puissant.


« L’opération qui instaure la “totalité” requiert toujours celle qui retranche les hommes “en trop” ; celle qui affirme l’Un requiert celle qui supprime l’Autre. Et cet ennemi, il faut le produire, c’est-à-dire le fabriquer et l’exhiber, pour que la preuve soit là, publique, réitérée, non seulement qu’il est la cause de ce qui risquerait d’apparaître comme signe de conflit ou même d’indétermination, mais encore, qu’il est éliminable, en tant que parasite, nuiseur, déchet » • Claude Lefort, Un homme en trop, Paris, Seuil, 1986, p. 68.

« Le totalitarisme nazi débuta par une organisation de masse qui ne fut dominée que progressivement par les formations d'élites, tandis que les bolchevicks débutèrent par les formations d'élites et organisèrent les masses en conséquence. Le résultat fut le même dans les deux cas. De plus, les nazis, à cause de leur tradition et de leurs préjugés militaristes, modelèrent d'abord leurs formations d'élites sur l'armée, tandis que les Bolcheviks confièrent dès le début l'exercice du pouvoir suprême à la police secrète. Pourtant, au bout de quelques années cette différence disparue également : le chef des SS devint chef de la police secrète, et les formations SS furent progressivement incorporées à la Gestapo, dont elles remplacèrent le personnel en place, bien qu'il fût déjà constitué de nazis sur qui l'on pouvait compter » • Hannah Arendt, Le système totalitaire, Seuil, septembre 2005, p151-152.

« [Thierry] Wolton postule lui à l'idée d'un phénomène déclanchant : en ce qui concerne le communisme, c'est le procès des Khmers rouges qui pourrait être un élément déclenchant, sinon il faudra encore attendre. Mais il se dit assuré que d'ici 2020, l'historiographie sera dominée par l'étude du régime soviétique. »


- Un petit mot, amplement suffisant pour classer l'affaire -


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Re: L'« enquête » sur ces faits se limita à un petit mot d'explication
Culture Loisirs | Figaro Littéraire
Les hommes "de trop"
CLÉMENCE BOULOUQUE. 28 juin 2007

Yakov Braun - Seuls deux de ses textes ont paru du vivant de l'auteur exécuté en 1937. Aujourd'hui, on publie un recueil de ses nouvelles qui témoigne d'une page de l'histoire soviétique.

LES TEXTES de Yakov Braun ont été retrouvés dans la « commission pour l'héritage artistique des victimes de la répression » et le nom de ces archives témoigne à lui seul d'une page de l'histoire soviétique.

Yakov Braun naît en Ukraine en 1889 dans une famille juive et poursuit des études en Autriche, interrompues par la Première Guerre mondiale - c'est dans ce conflit et dans la tradition juive russe, parcourue par le spectre des pogroms qu'il puise son inspiration, et ses motifs romanesques. De retour en Russie en 1914, il se laisse gagner par l'effervescence politique qui le conduit à adhérer au Parti socialiste révolutionnaire, puis à monter à Moscou en 1917, où il devient critique littéraire et théâtral, brièvement : en 1922, commence la vague des procès des socialistes révolutionnaires et, arrêté en 1923, Yakov Braun connaît le destin des assignés à résidence et autres relégués aux confins de l'URSS.

Une prose aux adjectifs malicieux

En 1937, il est condamné à mort pour appartenance à une organisation terroriste ; exécuté le 7 décembre, il est réhabilité en novembre 1956. Seules deux de ses nouvelles ont paru du vivant de l'auteur. La quasi-intégralité de ses écrits confisquée, détruite, est sans doute à jamais perdue. Comme semblaient l'être les trois nouvelles assemblées dans le recueil Le Gambit du diable, avant d'être retrouvées dans des recoins d'archives, aujourd'hui publiées pour la première fois.

Le premier texte s'ouvre en des temps incertains, lorsque « la joie sans raison n'avait pas encore déserté les veines lumineuses et transparentes des êtres humains ». Mariam-Tova et Samuel ont pour enfant David, qui va être envoyé sur le front en 1914. « Maintenant on considère l'homme et le sang humain comme du vin des vignes, on presse l'homme et on presse les enfants comme s'ils n'étaient pas des enfants mais du simple raisin blanc. »

Lorsque la mère reçoit l'annonce de décès de son fils, elle décide de le cacher à Samuel, et se fait plus belle que jamais. Son époux apprend la disparition et la dissimule, lui aussi, sous un regain d'amour. Ensemble, ils décident de donner une fête, comme s'ils se mariaient à nouveau, sous l'oeil aigre de villageois qui ne comprennent rien à cette ultime danse - où le lecteur entendra les échos de certaines légendes talmudiques, sous les costumes traditionnels russes. Dans une prose aux adjectifs malicieux, la joie folle gagne pour mieux se jeter dans le désespoir et le tenir en respect. Plus encore que Le Gambit du diable, partie d'échec dans une atmosphère crépusculaire, Les Vieux est un texte bouleversant. La dernière nouvelle, Les Yeux, décrit en trois pages une procession de non-voyants éclatant d'une joie étonnante : « Je ne les ai pas vus, mais eux-mêmes ne se voyaient pas non plus. La vérité n'en demeure pas moins vérité. » Et dans ce bonheur aveugle, ce bonheur d'aveugles, perce une métaphore filante.

« Malheur à celui qui est né trop tard ou trop tôt, si l'un et l'autre savent qu'ils sont en retard ou en avance sur leur époque. C'est alors qu'apparaissent les hommes »de trop* ; c'est alors que gémissent les Hamlet et que s'allument les bûchers de l'Inquisition », écrit en 1928 Yakov Braun dans l'une de ses nouvelles. Où la prémonition n'est parfois que clairvoyance.
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