September 2, 2007

Résidence alternée : Jacqueline Phélip versus Gérard Neyrand


Créée en 1985, Recherches et Prévisions a vocation à accueillir des articles scientifiques sur les politiques familiales et sociales. Il s'agit d'un des principaux vecteurs de valorisation des travaux réalisés par et/ou pour la CNAF. La revue est construite en fonction de dossiers thématiques ou sous la forme d'une collection de contributions. Elle est composée de trois parties :

• Les articles.
• Les documents, travaux et commentaires.
• Les comptes rendus de lectures.

Extraits de Recherches et Prévisions n° 88 - juin 2007
Pages 137 à 139, Comptes rendus de lectures

Gérard Neyrand
L’enfant face à la séparation des parents.
Une solution, la garde alternée

2001, Syros, 251 pages.

Jacqueline Phélip
Le livre noir de la résidence alternée
2006, Dunod, collection Enfances, 256 pages.

Longtemps prohibée par la loi, la résidence alternée a été remise à l’ordre du jour par les dernières lois rénovant l’autorité parentale. Les deux ouvrages présentés dans ces colonnes en donnent une image totalement opposée. Le premier ouvrage de Gérard Neyrand est un dithyrambe ; il combat le recours jugé trop limité à cette solution. Le second de Jacqueline Phélip est un pamphlet, et combat le recours jugé trop fréquent à ce mode de résidence.

Tout distingue les deux ouvrages : contexte, méthode, angle de vue et, surtout, résultats et propositions. Ils forment pourtant ensemble un condensé des débats sur ce sujet d’actualité.

(...) Le premier débute sur une analyse des séparations et une typologie des familles monoparentales. Il évoque ensuite longuement les pratiques et opinions des parents quant aux modes de résidence. Les parties suivantes sont consacrées au point de vue de la justice. La dernière partie ainsi que la conclusion montrent l’écart entre les aspirations parentales et les pratiques juridiques, et dressent des propositions.

(...) Les thèses défendues par les deux ouvrages sont, enfin et surtout, opposées et complémentaires.

Celle défendue par J. Phélip est la suivante :
lors d’une résidence alternée, l’enfant, ballotté entre deux parents et, surtout, régulièrement séparé de sa mère, développe des symptômes d’angoisse, un attachement peu sécurisant, source de nombreux maux dans le présent comme dans l’avenir. La garde alternée est donc une mauvaise solution pour l’enfant, inventée par les adultes pour leur propre confort, ou, pire, pour prolonger le conflit. Les exemples à l’appui de cette théorie sont nombreux et convaincants.

(...) Les arguments quantifiés venant à l’appui de la théorie sont, en revanche, faibles : les éléments sur le nombre de cas proviennent de sources pédopsychiatriques qui reçoivent précisément les cas pathologiques, et les études américaines convoquées (qui soulignent que deux tiers des enfants passant des nuits chez leur père ont un attachement moins sécurisant que les autres) sont contredites par d’autres résultats. Globalement, le diagnostic sur l’ampleur des problèmes rencontrés est ambigu. Toutefois, cet argument est rejeté par J. Phélip pour qui l’existence de quelques cas doit suffire à s’interroger sur la pertinence de cette pratique.

(...) Constatant que la loi est plutôt opposée à cette modalité de résidence et que les juges en ont une image négative, G. Neyrand constate une contradiction avec les pratiques et les aspirations parentales. Il s’interroge alors sur le rôle de la justice en l’espèce : doit-elle entériner les pratiques ? émettre des jugements moraux sur ce qui doit se faire ? intervenir dans un ménage ou homologuer des ententes ? En l’occurrence, se targuant d’un intérêt de l’enfant au contour fort mal défini, la justice limite la résidence alternée.

(...) Finalement, aucun des auteurs ne parvient totalement à nous convaincre qu’il faut bannir la résidence alternée, coupant ainsi le lien quotidien de l’enfant avec le père, ni la généraliser à tous les couples séparés, créant ainsi une situation inconfortable pour une partie des enfants en quête de stabilité. L’argumentation de G. Neyrand pêche notamment par une focalisation trop grande sur l’opinion des parents, qui ont tendance à promouvoir une solution qu’ils ont adoptée.

(...) L’argumentation de J. Phélip pêche, quant à elle, sur deux points essentiels. En premier lieu, elle utilise comme matériau les témoignages de mères auprès de son association, explicitement opposée à la résidence alternée, ainsi que les témoignages de personnes consultant des pédopsychiatres, a priori donc pour régler une situation mal vécue. Certes l’auteure le souligne, le fait que le nombre de cas soit faible n’induit pas qu’on les omette.

Pourtant, partant du constat que des parents ayant des enfants divorcent, la société doit trouver une solution. Les méfaits de la résidence alternée ne sont pas comparés à ceux (peut-être identiques ? peut être plus importants ?) des enfants en résidence unique. En outre, aucun lien n’est fait entre les symptômes développés par les enfants et le type de résidence. L’ouvrage présente ainsi comme unique cause de tous les symptômes de l’enfant la résidence alternée, offrant au passage une image idyllique des mères et satanique des pères qui ne chercheraient, en sollicitant ce fonctionnement, qu’à se venger de leur(s) ex-conjoint(e)(s). On pourrait pourtant imaginer bien d’autres causes au malêtre des enfants, à commencer par une légitime angoisse de la séparation parentale …

Malgré cela, les deux ouvrages, avec leur parti pris, apportent un éclairage fort intéressant.

Homosexualité et procréation, les prémices d'un matriarcat ? • Analyse stratégique du processus de décision d'avoir un enfant dans un couple homosexuel

Desjeux, Cyril
L'Harmattan,
collection Logiques sociales, 2006

Un autre compte rendu de lecture paru dans Extraits de Recherches et Prévisions n° 88 - juin 2007


- Deux ouvrages, avec leur parti pris -


Posted 3 weeks, 4 days ago on September 2, 2007
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