November 7, 2005

La République plus forte que Sarkozy ?

PARIS (AP), le 6 novembre 2005, extraits - Priorité absolue au rétablissement de l'ordre public. Après une dixième nuit consécutive de violences urbaines marquée par l'extension des déprédations, en province mais aussi, dans Paris intra-muros pour la première fois depuis le début de la crise, Jacques Chirac, est sorti du silence qu'il observait pour tenir un langage de fermeté.

"La République est tout à fait déterminée par nature à être plus forte que ceux qui veulent semer la violence ou la peur, et ceux-là seront appréhendés, jugés et punis, a-t-il martelé dans sa brève déclaration, très attendue au vu de l'aggravation de la crise. S'il s'est dit prêt à "poursuivre l'effort engagé" en matière de "respect de chacun, (de) justice et (d)'égalité des chances", cela interviendra une fois le calme revenu.

PARIS (AP), le 6 novembre 2005 - Un atelier de confection de bouteilles incendiaires a été découvert samedi soir dans un local désaffecté à Evry dans l'Essonne, en banlieue sud de Paris, et six mineurs ont été interpellés, a indiqué dimanche à l'agence Associated Press (AP) Jean-Marie Huet, directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la Justice.

"Cent-cinquante bouteilles préparées pour être des cocktails Molotov, dont 50 déjà prêts à l'usage, des dizaines de litres d'essence et des cagoules ont été découvertes à Evry, dans un ancien local désaffecté", a expliqué par téléphone M. Huet à l'AP.

Il a précisé que cette découverte avait eu lieu samedi soir.

"Il y a eu six mineurs qui ont été interpellés", a-t-il ajouté. Selon lui, cette découverte "veut dire que ce ne sont pas des gamins qui improvisent ça dans leurs salles de bains". AP


PARIS (AFP), le 7 novembre 2005 - La Ligue des droits de l'Homme (LDH) a demandé lundi un "changement radical de politique gouvernementale" jugeant, à propos des appels à la démission de Nicolas Sarkozy, qu'il "est illusoire de personnaliser des responsabilités qui concernent le gouvernement en son entier".

"Le ministre de l’Intérieur, en tenant des propos incendiaires et méprisants pour préparer sa campagne présidentielle en direction de l’extrême droite, a certes commis une faute politique et morale", a déclaré la LDH dans un communiqué. "Mais le Premier ministre lui a solennellement renouvelé sa confiance à plusieurs reprises, et la responsabilité du gouvernement, comme des gouvernements dont M. Raffarin fut le Premier ministre, est entière et collégiale", a-t-elle ajouté.

Pour elle, "ce n’est pas seulement le langage du ministre de l’Intérieur, ce sont les actes de l’ensemble du gouvernement qui relèvent d’une logique d’apprenti sorcier" et "ce sont des années de politique centrée sur le tout sécuritaire qui sont en cause". Soulignant que "la violence destructrice ne résout rien, elle aggrave même les maux contre lesquels elle prétend se dresser", l'association a affirmé qu'il "n’en est que plus urgent de construire une mobilisation civique qui permette aux victimes de l’injustice de s’unir pour qu’il y soit mis fin".

"C’est une véritable campagne pour le respect, pour l’égalité et pour les droits civiques qu’il faut aujourd’hui engager, +tous ensemble+, afin que les actes des gouvernants cessent de contredire la devise de la République", a conclu la LDH.

> 7 novembre 2005 - Violences urbaines

Communiqué de la LDH

Contrairement à ce qu’indiquait samedi 5 novembre un grand journal du soir, la Ligue des droits de l’Homme n’est pas préoccupée par la démission de M. Nicolas Sarkozy. Pour symbolique que soit cette demande, elle ne résoudra rien. La LDH considère en effet qu’il est illusoire de personnaliser des responsabilités qui concernent le gouvernement en son entier.

Le ministre de l’Intérieur, en tenant des propos incendiaires et méprisants pour préparer sa campagne présidentielle en direction de l’extrême droite, a certes commis une faute politique et morale. Mais le Premier Ministre lui a solennellement renouvelé sa confiance à plusieurs reprises, et la responsabilité du gouvernement, comme des gouvernements dont M. Raffarin fut le Premier Ministre, est entière et collégiale.

Ce sont des années de politique centrée sur le tout sécuritaire qui sont en cause. Le sabotage des actions de prévention, l’asphyxie du monde associatif, la démolition de la police de proximité, la tolérance à l’égard des discriminations quotidiennes, notamment à l’égard des personnes étrangères ou supposées telles en raison de leur faciès, l’état d’une école qui ne peut réduire la ségrégation nous font mesurer aujourd’hui non seulement l’échec mais la redoutable nocivité de cette politique. Ce n’est pas seulement le langage du ministre de l’Intérieur, ce sont les actes de l’ensemble du gouvernement qui relèvent d’une logique d’apprenti sorcier.

Au-delà, c’est aussi l’incapacité des gouvernements successifs depuis des décennies à faire reculer le chômage massif, l’explosion de la précarité, la systématisation des discriminations racistes et territoriales, qui apparaît en pleine lumière aujourd’hui. Les émeutes sont auto-destructrices voire suicidaires, elles nuisent essentiellement à ceux dont elles dénoncent l’exclusion. Mettre fin à la spirale de violence et de destruction est vital pour l’avenir même de ceux qui se révoltent aujourd’hui. L’intervention des forces de l’ordre est inévitable mais la réponse purement policière à la protestation désespérée des exclus, seule envisagée dimanche par le président de la République, accentue le sentiment d’injustice. Il n’y aura pas de retour au calme sans que la République reconnaisse les injustices subies. Il n’y aura pas de paix sans justice, sans révision profonde des politiques publiques qui creusent les inégalités et les discriminations dans ce pays.

La violence destructrice ne résoud rien, elle aggrave même les maux contre lesquels elle prétend se dresser, mais il n’en est que plus urgent de construire une mobilisation civique qui permette aux victimes de l’injustice de s’unir pour qu’il y soit mis fin. C’est d’une véritable mobilisation de toutes les forces sociales et politiques qui rejettent les discours d’élimination du gouvernement et notamment du ministre de l’Intérieur que nous avons besoin. C’est une véritable campagne pour le respect, pour l’égalité et pour les droits civiques qu’il faut aujourd’hui engager, « tous ensemble », afin que les actes des gouvernants cessent de contredire la devise de la République.

Paris, le 7 novembre 2005

LES MUREAUX (AFP), le 6 novembre 2005 - La thèse gouvernementale sur "les bandes organisées" jouant les pyromanes d'une banlieue à l'autre fait sourire des jeunes des Mureaux qui assurent que leurs actions sont improvisées "d'après ce qu'ils voient à la télévision".

"C'est comme une compétition", dit Moussa (les prénoms ont été changés NDLR), adolescent franco-malien du quartier des Musiciens. "On voit ce que les autres font à la télévision, on essaie d'être à la hauteur".

Chaque soir depuis le début du "dawa" (le bordel), une dizaine de copains de Moussa qui se connaissent depuis l'enfance se retrouvent "comme pour un match de foot" autour d'un téléviseur dans leur HLM aux cages d'escaliers décrépites, aux murs roses et blancs. Même "uniforme" pour tous: tennis de marque, jeans baggy, sweat à capuche, cette dernière, de préférence blanche, mangeant le visage.

"On kiffe trop de voir tout flamber à la télé", se réjouit Youssef. "Le 9-3, je connais pas - je sors presque jamais de mon quartier sauf pour aller au bled en Algérie - mais on communique avec les mecs de Seine-Saint-Denis via l'écran, toutes les chaînes passent des images, même les télés arabes sur satellite".

"On se défie à distance", renchérit Mamadou, Malien de 19 ans, qui participe aux violences avec deux de ses jeunes frères. "Ceux de Clichy brûlent 15 voitures, il faut faire mieux, mais on quitte jamais notre territoire".

Ces jeunes affirment ne pas être des "caïds" qui existent selon eux dans le quartier mais préfèrent que les cités soient calmes pour faire prospérer petits et grands trafics. "Les caïds, ils aiment pas trop que les keufs soient là, alors en ce moment, ils sont pas à la fête", plaisante Youssef.

"Si on parle de nous à la télé, si on dit qu'on a été caillasser les keufs (policiers), pour nous c'est une victoire, une façon de montrer qu'on est des hommes, comme au Mali pour les rites de passage" à l'âge adulte, assure Moussa, soudain grave.

La télévision véhicule aussi des images qui les stimulent autrement, de manière négative: "on voit tout le temps la face de Sarko (le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy ndlr) à l'écran, ça me donne la rage, je voudrais tout brûler quand je l'entends nous cracher dessus. La racaille c'est lui", hurle presque Jean-Jacques, un autre membre du petit groupe.

Souvent rivaux, les groupes de jeunes de banlieues différentes se sont unis dans la colère contre la police, accusée une fois encore d'avoir provoqué la mort de deux jeunes, électrocutés à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) le 27 octobre, dans la fureur contre Nicolas Sarkozy et ses propos sur la "racaille" et dans le rejet d'une société dont ils se sentent exclus.

"Je n'aime pas les bandes de Chanteloup (les-Vignes, Yvelines), je ne connais personne à Clichy, mais on est tous dans la même galère, tous pas de la bonne couleur, pas de la bonne religion, sans avenir, sans taf (travail)", dit ce jeune musulman au chômage. "C'est aussi pour ça qu'on se comprend et qu'on s'entend sans se connaître".

Parfois, plus rarement, l'information passe de manière plus directe via des SMS avec des "cousins" d'autres banlieues, voire de province. "Kes kvou cramé cte nuit?", interroge ainsi via son téléphone portable Mamadou, à l'adresse d'un de ses cousins du Nord. "Tous kon peu et ++++", répond l'interessé dans une orthographe tout aussi revisitée.

Posted 20 years, 3 months ago on November 7, 2005
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