September 25, 2007
Une justice moyenageuse ?
Actuellement, lorsqu'un collègue prend une décision, au lieu de le contrôler, les autres magistrats sont solidaires. Une chaîne de solidarité se met en place et le contrôle n'existe plus. Plus personne ne contrôle personne car personne n'a cette culture d'indépendance du magistrat. Pourtant, il faut chaque fois examiner un dossier comme s'il était neuf, avec un esprit d'indépendance. Par ailleurs, il faut apprendre aux magistrats à interroger : aussi bien les suspects que les victimes et les témoins. • Libé, décembre 2005, Serge Portelli, vice-président du tribunal de grande instance de Paris |
« On restaure une philosophie réactionnaire » • Serge Portelli, magistrat, est spécialiste du droit des victimes
Libé, mardi 18 septembre 2007
Serge Portelli est magistrat, vice-président du tribunal de Paris, président de la 12e chambre correctionnelle. Spécialiste du droit des victimes (1), il a présidé pendant huit ans la commission d’indemnisation de victimes d’infractions (Civi) à Paris, et fait aujourd’hui partie du conseil d’administration de l’Association Paris aide aux victimes.
Que pensez-vous des efforts actuels pour «mettre les victimes au cœur de la justice» ?
Les motifs de cet engouement pour les victimes sont simples. La victime a l’évidence de sa souffrance, qui est indiscutable. L’émotion qu’elle suscite peut être comprise et partagée par tous. Cette nouvelle légitimité de la victime est l’une des rares à faire quasiment l’unanimité dans notre société. D’où l’instrumentalisation qui en est faite.
Tout cela n’est donc que pure démagogie ?
Oui, mais attention. On ne peut pas se contenter de dire : c’est de la démagogie, même si c’en est clairement, sans voir les graves conséquences. Car au nom des victimes, des lois sont votées, des mesures sont prises, qui toutes aboutissent à la restauration d’une philosophie réactionnaire. Le progrès de la justice a consisté à faire en sorte qu’on ne juge plus des actes, mais des hommes. Et voilà qu’avec les peines planchers, on revient au XIXe siècle. On juge l’acte en oubliant l’être humain. Gommer les spécificités de la justice des mineurs, juger les irresponsables, c’est carrément le retour au Moyen Age. La polarisation actuelle sur les victimes et sur l’acte s’accompagne d’un refus de s’intéresser à la personne du délinquant, d’essayer de comprendre pourquoi il en est arrivé là. Or c’est le seul moyen de lutter contre la délinquance.
Et l’idée de créer un «juge délégué aux victimes» ?
C’est fou de dire, comme l’a fait Nicolas Sarkozy, qu’il existe un juge «pour» les condamnés (le juge de l’application des peines, JAP) et qu’il faut rétablir l’équilibre en créant un juge «pour» les victimes. Le JAP n’est pas un juge «pour» le délinquant : s’il s’occupe du condamné, ce n’est pas en raison d’une sympathie particulière, mais pour surveiller une peine. Et parce qu’il cherche à éviter une récidive. Nicolas Sarkozy veut que le juge s’occupe de la «reconstruction» des victimes. C’est se tromper de registre. On ne peut pas considérer que les peines prononcées par le juge sont là pour soigner les victimes. Il faut cesser de présenter la répression comme étant la base d’une action en faveur des victimes.
N’y a-t-il donc plus rien à faire pour améliorer le sort des victimes ?
Bien sûr que si ! Mais, pour être efficace, il faut sortir du mensonge actuel qui consiste à gommer l’histoire, à faire croire que rien n’existe et que, heureusement, notre nouveau président va tout créer. Il existe déjà en France un juge dont l’action est dédiée aux victimes, c’est le président de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, la Civi. L’audience devant la Civi a lieu indépendamment de l’audience pénale. Même lorsque l’auteur des faits est déclaré irresponsable, il y a bien un vrai procès devant la Civi avec un juge et deux assesseurs, qui examinent les faits et prononcent une indemnisation. Si on veut agir pour les victimes, on peut élargir le recours devant la Civi, pour l’instant limité aux victimes d’infractions graves ou aux victimes privées de ressources. On peut aussi augmenter les moyens des associations d’aide aux victimes, comme celles du réseau Inavem [Institut national d’aide aux victimes et de médiation, ndlr] qui sont conventionnées par les tribunaux. Ces associations ont de vrais problèmes budgétaires alors que elles, pour le coup, s’occupent efficacement de reconstruction. On pourrait aussi améliorer les procédures judiciaires, notamment les comparutions immédiates et cela non seulement parce qu’il s’agit d’une justice bâclée, mais aussi parce que les droits de la victime n’y sont pas du tout respectés. Dans neuf de ces affaires sur dix, il n’y a ni victime ni avocat de la victime à l’audience.
(1) Auteur des livres le Droit des victimes (Dalloz), et Nicolas Sarkozy : une République sous haute surveillance (L’Harmattan).
WASHINGTON (AFP), extrait - La Cour suprême des Etats-Unis a annoncé mardi qu'elle acceptait d'examiner le recours de deux condamnés à mort du Kentucky (centre-est) qui estiment que la méthode d'exécution par injection mortelle est contraire à la Constitution. Cette annonce pourrait avoir pour effet de suspendre la plupart des exécutions jusqu'à ce que la plus haute juridiction du pays rende sa décision, probablement en juin. "Pour environ les six prochains mois, il se pourrait que la plupart des exécutions soient suspendues", a ainsi estimé Richard Dieter, directeur du Centre d'information sur la peine de mort, tout en précisant: "je ne pense pas que la Cour suprême soit sur le point de supprimer la peine de mort, je pense plutôt que (les juges) vont établir des normes pour l'injection mortelle". Elaborée pour permettre une mort paisible et sans douleur et aujourd'hui utilisée dans la quasi-totalité des exécutions aux Etats-Unis, l'injection mortelle consiste en l'administration de trois produits: le premier endort le condamné, le deuxième paralyse ses muscles, le troisième arrête son coeur. Mais si l'anesthésiant est mal administré, les deux autres produits sont extrêmement douloureux, et depuis deux ans, plusieurs études scientifiques et une série d'exécutions ratées ont montré que cela pouvait arriver. En 2005, une étude a ainsi révélé que certains cadavres de condamnés ne présentaient que de très faibles doses de sédatif, laissant supposer qu'ils ont pu rester conscients pendant l'injection des deux derniers poisons. Et en décembre, un condamné exécuté en Floride, Angel Nieves Diaz, a grimacé, frissonné, les yeux grands ouverts, avant d'être pris de convulsions et de mourir au bout d'une longue demi-heure: les aiguilles étaient trop enfoncées et les poisons avaient été injectés hors de ses veines. Des centaines de condamnés à mort à travers le pays ont donc déposé des recours devant la justice en faisant valoir que ce risque de souffrance s'apparentait aux "châtiments cruels et inhabituels" interdits par le 8e amendement à la Constitution. La multiplication de ces recours a conduit à une suspension de fait des exécutions dans une dizaine d'Etats américains, sans pour autant empêcher 53 exécutions en 2006 et 41 cette année, toutes sauf deux par injection mortelle. Une nouvelle exécution était prévue au Texas (sud) mardi soir. Jusqu'à présent, la Cour suprême américaine avait refusé de se prononcer sur l'injection mortelle, n'acceptant que les recours en marge du débat. Mardi, elle a accepté de se saisir d'une affaire qui pose clairement la question: l'injection mortelle telle qu'elle est actuellement pratiquée dans le Kentucky viole-t-elle le 8e amendement ? La question est posée par Ralph Blaze, condamné pour avoir tué deux policiers, et Thomas Bowling, condamné pour le meurtre d'un couple sur un parking. Toutes les juridictions inférieures du Kentucky ont répondu par la négative, mais des juges ont pris une position inverse dans d'autres Etats. La Cour suprême américaine ne s'est jamais prononcée sur la légalité d'une méthode d'exécution, selon Deborah Denno, professeur de droit à l'université de Fordham à New York. Lorsque des juges ont accepté d'examiner des recours contre la chambre à gaz et la chaise électrique, les Etats ont à chaque fois mis fin aux procédures en choisissant d'eux-mêmes l'injection mortelle avant que la Cour ne se prononce. Mais "maintenant, les Etats n'ont pas une autre méthode d'exécution sur laquelle se rabattre", a-t-elle signalé. |
Posted 18 years, 3 months ago on September 25, 2007
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