January 8, 2008

Point de vue, la prison après la peine


PARIS (Reuters) - "Il s'agit d'un changement radical de notre droit et d'une dérive que je ne peux que critiquer", a-t-il - Robert Badinter - déclaré sur RTL, à la veille du débat sur ce texte à l'Assemblée nationale.

L'ancien ministre a ensuite ajouté sur France 2 : "depuis la Révolution française, on va en prison pour des actes ou crimes qu'on a commis, pas pour ce qu'on est, pas au nom d'une dangerosité indiquée par des psychiatres."

Selon Robert Badinter, il s'agirait d'un "changement radical" du droit français consistant à maintenir quelqu'un en prison "au titre d'une infraction virtuelle, d'un crime qu'il pourrait éventuellement commettre s'il était libre." "C'est une dérive dangereuse", a-t-il insisté.

Point de vue
La prison après la peine, par Robert Badinter
LE MONDE | 27.11.07 | Extraits

De façon anodine, le gouvernement va saisir le Parlement d'un projet de loi créant la "rétention de sûreté" dans notre droit pénal. Il s'agit d'un changement profond d'orientation de notre justice. Il faut rappeler les fondements de la justice, depuis la révolution des Droits de l'homme. Parce que tout être humain est réputé doué de raison, il est déclaré responsable de ses actes. S'il viole la loi, il doit en répondre devant des juges indépendants. A l'issue d'un procès public, où les droits de la défense auront été respectés, s'il est déclaré coupable, il devra purger une peine prévue par la loi. Tels sont les impératifs de la justice dans un Etat fondé sur la liberté.

Or le projet de loi contourne le roc de ces principes.
Il ne s'agira plus seulement pour le juge, gardien de nos libertés individuelles, de constater une infraction et de prononcer une peine contre son auteur. Après l'achèvement de sa peine, après avoir "payé sa dette à la société", au lieu d'être libéré, le condamné pourra être "retenu", placé dans un "centre sociomédico-judiciaire de sûreté", par une décision d'une commission de magistrats pour une durée d'une année, renouvelable, parce qu'il présenterait selon des experts une "particulière dangerosité" entraînant un risque élevé de récidive.

Le lien entre une infraction commise et l'emprisonnement de son auteur disparaît. Le "retenu" sera détenu dans un établissement fermé et sécurisé, en fonction d'une "dangerosité" décelée par des psychiatres et prise en compte par une commission spécialisée. Et aussi longtemps que ce diagnostic subsistera, il pourra être retenu dans cette prison-hôpital ou hôpital-prison. Nous quittons la réalité des faits (le crime commis) pour la plasticité des hypothèses (le crime virtuel qui pourrait être commis par cet homme "dangereux").

... Avec la loi nouvelle, le lien est rompu : il n'y a plus d'infraction commise, mais un diagnostic psychiatrique de "dangerosité", d'une prédisposition innée ou acquise à commettre des crimes. Que reste-t-il de la présomption d'innocence dans un tel système ? Après un siècle, nous voyons réapparaître le spectre de "l'homme dangereux" des positivistes italiens Lombroso et Ferri, et la conception d'un appareil judiciaire voué à diagnostiquer et traiter la dangerosité pénale. On sait à quelles dérives funestes cette approche a conduit le système répressif des Etats totalitaires.

... On marquera que la rétention ne sera ordonnée qu'au vu d'expertises psychiatriques sur la dangerosité du sujet. Est-il besoin de rappeler que ce concept de dangerosité demeure incertain dans sa mise en oeuvre ? ... Et l'on verra s'accroître toujours plus le domaine d'une "justice" de sûreté, au détriment d'une justice de responsabilité, garante de la liberté individuelle.

... Quand il a accompli sa peine, payé sa dette à la société, il a conscience d'avoir droit à cette libération. Et voici que par l'effet de la loi nouvelle, cette certitude-là vacille et s'éteint. Il n'y aura plus pour lui d'assurance de retrouver sa liberté après avoir purgé sa condamnation. Sa liberté, même s'il s'est bien comporté en prison, ne dépendra plus de l'achèvement de sa peine, elle sera soumise à l'appréciation de psychiatres et d'experts qui concluront ou non qu'il est atteint d'une affection particulière, la "dangerosité sociale".

Et les juges gardiens de la liberté individuelle, au nom du principe de précaution sociale, pourront le maintenir en détention après sa peine. Pour cet homme-là, quelle incitation à préparer, en détention, son avenir ? A l'attente, on ajoutera l'angoisse de l'incertitude. Notre justice aura changé de boussole. Ce n'est plus la loi qui la guidera, mais des batteries de tests psychiatriques inspireront ses décisions. Quant à l'homme réputé dangereux, il ne lui restera pour toute espérance que celle d'un diagnostic nouveau qui ne dépendra pas nécessairement de son comportement conscient.

Aujourd'hui, le criminel sexuel, surtout pédophile, est volontiers dépeint comme le mal absolu, le monstre qui hante nos angoisses et nos peurs. ...

Le monstre criminel type est le prédateur d'enfant
LE MONDE | 07.01.08

Alors que le projet de loi sur la rétention de sûreté est examiné à partir de mercredi par l'Assemblée nationale, l'historien Marc Renneville explique l'évolution du regard de la société sur le fou criminel.


Plusieurs associations s'inquiètent des risques de violation du secret médical dans les prisons
LE MONDE | 08.01.08 | Extrait

Le secret médical en prison est-il menacé par le projet de loi sur la rétention de sûreté ? A la veille du début de l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale, mardi 8 janvier, trois associations – l'association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, l'association des professionnels de santé exerçant en prison et l'observatoire international des prisons – ont saisi le comité consultatif national d'éthique de cette question.

La Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) a également fait part de son inquiétude dans une note au gouvernement.

TF1 en Vidéo : Sept à Huit, 6 janvier - L'enfant martyr

Il a vécu les cinq premières années de sa vie, attaché pieds et poings liés à son lit, une pince à linge sur le nez, couvert d’un drap. Les auteurs de ces sévices : ses propres parents… Thierry est un enfant martyr. Aujourd’hui, après 17 opérations chirurgicales, il garde les séquelles des coups reçus de son père.

Il reconstitue son passé et découvre l'abject. Son père est un récidiviste, déjà condamné avant sa naissance pour maltraitance à enfant. Il découvre aussi que l'entourage semblait savoir mais que personne ne bougeait, et le plus invraissemblable dans l'histoire, c'est que des assistantes sociales venaient toutes les semaines.

Un reportage interdit aux moins de 10 ans.

PARIS (AP) - "Il n'y a pas de rupture avec nos principes fondamentaux du droit", a répondu mardi la ministre de la Justice Rachida Dati aux critiques exprimées la veille par l'un de ses illustres prédécesseurs à la Chancellerie, Robert Badinter, à l'encontre du projet de loi sur la rétention de sûreté.

"Il n'y a pas de rupture avec nos principes fondamentaux du droit", a assuré sur RTL la garde des Sceaux, tandis que son projet de loi controversé contre la récidive des criminels dangereux devait être examiné à l'Assemblée à partir de ce mardi. "Il s'agit d'être réaliste et de ne pas laisser en liberté des criminels extrêmement dangereux".

"Je rappelle à Robert Badinter qu'il y a des mesures qui sont prises qui sont privatives de liberté avant même d'avoir commis un acte grave", a déclaré Rachida Dati, citant à titre d'exemple "les hospitalisations d'office" prononcées par "le préfet ou le maire", comme dans le cas d'un "forcené qui menace de tirer".

La ministre de la Justice a confirmé son intention d'accepter l'amendement du rapporteur du projet de loi, George Fenech, qui vise à étendre le dispositif aux auteurs de crimes sur tous les mineurs, au-delà de 15 ans et "pour les crimes les plus odieux" tels que "les violeurs en série, les tueurs en série".
"Bien sûr je l'accepterai", a-t-elle dit, rendant hommage à "l'excellent travail des parlementaires".

La garde des Sceaux a en outre annoncé que le texte "sera applicable aux personnes déjà condamnées qui seraient amenées à sortir", aux gens "considérés et reconnus par cette commission qui existe déjà, comme extrêmement dangereux avec un risque de récidive extrêmement fort".

Interrogée sur les risques qu'une telle disposition qui s'apparente à une forme de rétroactivité de la loi soit sanctionnée par le Conseil constitutionnel, Rachida Dati a paru embarrassée. "C'est une réalité à prendre en compte", a-t-elle simplement dit.



- Notre justice aura changé de boussole ? -


Posted 17 years, 8 months ago on January 8, 2008
The trackback url for this post is http://justice.cloppy.net/b.blog/bblog/trackback.php/1973/

Re: Point de vue, la prison après la peine
PARIS (AFP) - Pour la reprise des travaux parlementaires, les députés ont débuté mardi l'examen, en urgence, du projet de loi Dati destiné à créer des centres de rétention, dans lesquels des criminels dangereux pourront indéfiniment être enfermés, à leur sortie de prison.

Prévus au départ pour les criminels pédophiles ayant purgé une peine de 15 ans et plus, ces centres devraient recevoir, après modification du projet initial, les auteurs de crimes multiples sur mineurs ou majeurs.

Le texte découle de plusieurs faits divers dramatiques, notamment l'affaire Enis, du nom du petit garçon enlevé et violé, en août 2007 à Roubaix (Nord) par Francis Evrard un pédophile récidiviste.

Pour répondre à l'émotion soulevée par le drame, Nicolas Sarkozy avait promis des hôpitaux fermés pour les pédophiles jugés dangereux à la fin de leur peine.

"Doit-on attendre de nouveaux crimes pour agir ? Doit-on accepter que les prédateurs que l'on sait dangereux continuent de sévir ?", a demandé la ministre de la Justice Rachida Dati aux députés. Elle a de de nouveau cité le cas de Francis Evrard et celui du récidiviste de 44 ans qui a poignardé fin 2007 Anne-Lorraine Schmitt, 23 ans, dans un RER en banlieue parisienne.

"Je ne veux pas" que l'auteur présumé du crime "soit remis en liberté une fois sa peine de prison effectuée", avait souhaité le président de la République après ce dernier drame.

Mardi, le porte-parole des députés PS, André Vallini, a déploré un "retour en arrière considérable uniquement destiné à plaire à l'opinion publique" et "commandé en urgence par le président de la République à la suite d'un fait divers".

Le texte initial prévoit qu'à leur sortie de prison, les criminels condamnés à 15 ans de prison ou plus pour un acte à caractère pédophile sur mineurs de moins de 15 ans pourront être enfermés dans des "centres socio-médico-judiciaires de sûreté" pour une durée initiale d'un an, renouvelable indéfiniment.

Mme Dati a confirmé l'ouverture, le 1er septembre 2008, d'un premier centre expérimental, au sein de l'hôpital de Fresnes (Val-de-Marne).

Pour l'opposition, il s'agit là d'une double peine inacceptable voire inconstitutionnelle, car "il s'agit de "substituer la présomption de culpabilité à la présomption d'innocence", selon Serge Blisko (PS).

Bien qu'ayant suscité l'opposition des avocats, des magistrats de gauche, des médecins et des défenseurs des droits de l'Homme, le texte devrait être encore durci par les députés.

Ainsi, après avoir adopté un amendement de Georges Fenech (UMP) pour appliquer la rétention aux agresseurs de tous les mineurs, la commission des Lois a adopté mardi, avec l'accord de Mme Dati, un autre amendement de M. Fenech étendant aux auteurs de certains crimes contre les majeurs, le placement en centres fermés.

Mme Dati a elle même défendu l'extension de la rétention de sûreté "aux criminels condamnés pour une pluralité de crimes". Elle a fait voter en commission un amendement pour rendre le texte applicable, dès sa promulgation, aux détenus en fin de peine considérés comme "extrêmement dangereux avec un risque de récidive extrêmement fort".

Le projet de loi comporte un deuxième volet instaurant une procédure de déclaration d'irresponsabilité pénale d'un criminel atteint de trouble mental.

Il s'agit là encore de répondre à une annonce du chef de l'Etat faite après le non-lieu psychiatrique requis contre l'auteur présumé du meurtre en 2004 de deux infirmières dans un hôpital psychiatrique de Pau (Pyrénées-Atlantiques).
Posted 17 years, 8 months ago by Anonymous • • • Reply
Comment Trackback URL : http://justice.cloppy.net/b.blog/bblog/trackback.php/1973/23514/
Re: Point de vue, la prison après la peine
LYON - Un petit garçon de deux ans et demi, agressé par un rottweiler mercredi soir à Charnay, dans le Rhône, a succombé à ses blessures, a-t-on appris auprès du préfet délégué à la sécurité et à la défense pour le département.

Les faits se sont produits vers 19h30 et l'enfant en arrêt cardiaque, que les sapeurs pompiers n'ont pas réussi à ranimer, a été déclaré mort une heure et demie plus tard, a précisé à l'Associated Press Xavier de Furst.

Le chien de deuxième catégorie (chiens de garde ou de défense) qui appartenait à la famille du petit garçon était "a priori en situation régulière" et avait été "normalement déclaré à la mairie" conformément à la législation. "Jusqu'ici, il n'était pas connu comme un chien dangereux", et l'enfant et l'animal "étaient habitués à vivre ensemble", a-t-il ajouté.

Les faits s'étant déroulés "à l'intérieur de la propriété", "le chien n'avait pas à être muselé et à être tenu en laisse".

Au moment où la mère, qui rentrait chez elle en voiture, "a ouvert les portières de son véhicule et où le petit garçon était en état de descendre", le chien de race rottweiler est sorti de la maison et "a agressé l'enfant". "Les morsures qui ont été infligées à ce dernier ont malheureusement été fatales", a précisé le préfet délégué à la sécurité et à la défense, en soulignant que la mère n'avait rien pu faire.

L'animal a été "maitrisé et isolé. Demain, en liaison avec le maire, les services vétérinaires, l'enquête de la gendarmerie et la famille, nous allons voir ce qu'il faut faire du chien. Il n'est pas exclu qu'il soit euthanasié", a expliqué Xavier De Furst. AP

Posted 17 years, 8 months ago by Anonymous • • • Reply
Comment Trackback URL : http://justice.cloppy.net/b.blog/bblog/trackback.php/1973/23516/

Add Comment

( to reply to a comment, click the reply link next to the comment )

 
Comment Title
 
Your Name:
 
Email Address:
Make Public?
 
Website:
Make Public?
 
Comment:

Allowed XHTML tags : a, b, i, strong, code, acrynom, blockquote, abbr. Linebreaks will be converted automatically.

 
Captcha:
captcha image

Please type the content of the above image into the following form-field.