January 23, 2008

Le pouvoir des antidépresseurs remis en cause


Psychiatrie : des experts trop liés à l'industrie
Le Figaro, 24 avril 2006, extrait
Rubrique Sciences & Médecine

La majorité des auteurs du principal manuel de diagnostic des maladies mentales sont liés financièrement à l'industrie pharmaceutique.

LE SOUPÇON circulait depuis vingt ans dans le milieu psychiatrique. Mais la preuve vient d'en être administrée par une chercheuse américaine : la moitié des experts psychiatres qui ont participé à la rédaction du plus célèbre manuel de classification diagnostique des maladies mentales (le DSM4 *) sont payés par l'industrie pharmaceutique, qui fabrique justement les médicaments utiles dans ces maladies.
Lisa Cosgrove, chercheuse à l'université du Massachusetts de Boston, a publié le 21 avril, dans la revue Psycho-therapy and Psychosomatics, le résultat d'une enquête très fouillée sur les liens des experts avec l'industrie : sur les 170 membres des groupes de travail ayant participé à l'élaboration de ce manuel, 95 (soit 56%) ont une ou plusieurs attaches financières avec des firmes. Une enquête révélée jeudi dernier par le New York Times.

(...) Lisa Cosgrove a identifié les membres des panels puis recherché, dans les publications médicales, quels étaient les auteurs qui avaient fait des déclarations de conflits d'intérêt (les revues savantes réclament de plus en plus cette précaution minimale). Elle a également recherché dans des bases de données d'éventuelles participations à des travaux financés par l'industrie.


Voir aussi au 19 août 2007.

Le pouvoir des antidépresseurs remis en cause
21/01/2008 | Le Figaro

Selon une étude américaine, les publications scientifiques sur les nouveaux psychotropes exagèrent leur action.

C'est un pavé dans la mare.
L'efficacité des nouveaux antidépresseurs mis sur le marché depuis le milieu des années 1980, avec pour chef de file la fluoxétine (alias Prozac), est mise en doute par des experts américains de la FDA, la toute puissante agence américaine du médicament. Une étude du New England Journal of Medicine dé­montre que des publications ont exagéré l'efficacité de ces médicaments parés de toutes les vertus par les laboratoires, les médecins et même les malades.

Le Dr Erick Turner, psychiatreet pharmacologue (université de l'Oregon) et son équipe ont passé en revue 74 essais cliniques ayant inclus 12 564 patients. Ces études, toutes soumises à la FDA, ont concerné 12 nouveaux antidépresseurs très largement prescrits en­tre 1981 et 2004.

Les résultats de cette analyse sont révélateurs. Selon les données publiées dans les revues scientifiques, 94 % des médicaments testés avaient des effets positifs. Mais, pour la FDA, juge beaucoup plus sourcilleux, seule la moitié des études soumises à sa sagacité était dans ce cas.

Dans l'autre moitié, les médicaments n'avaient pas l'effet es­compté. De surcroît, si toutes les études positives, sauf une, ont donné lieu à publication dans la littérature scientifique, celles qui étaient négatives (33 sur 36 ayant enrôlé 5 212 patients) sont restées dans les tiroirs de la FDA. Ou, pis, elles ont été «maquillées» pour leur donner un aspect positif, contraire au verdict de la FDA. «Des publications sélectives peu­vent conduire les médecins et les patients à croire que ces médicaments sont plus efficaces qu'ils ne le sont vraiment, un résultat susceptible d'influencer les prescriptions», constate le Dr Turner, qui a été durant trois ans conseiller expert à la FDA pour les médicaments psychotropes, dont les antidépresseurs.

Logique marchande

«Nous ne savons pas si ces er­reurs d'interprétation résultent d'une faute des auteurs ou des sponsors qui ont soumis leur manuscrit, ou d'une décision des éditeurs de ne pas publier certaines études, voire de ces deux parties. Mais une chose est sûre, les médecins prescripteurs et lespersonnes traitées, les premières concernées, devraient avoir accès à des expertises complètes et non maquillées.»

Cette étude apporte de nouveaux arguments aux experts qui dénoncent la dérive du marché des psychotropes, incriminant la logique marchande des firmes.

«Le volume des ventes d'antidépresseurs a doublé en dix ans tant en France qu'en Belgique», a rappelé la psychiatre belge Monique Debauche à l'occasion d'un débat organisé par la revue Prescrire sur le thème de la santé mentale. Et ce dans un contexte très interventionniste avec des campagnes de santé incitant à diagnostiquer plus pour traiter plus, voire à s'autodiagnostiquer dépressif. Elle explique cette dérive par l'om­­niprésence des laboratoires dans la formation et l'information des soignants, le financement d'as­sociations de patients et la pu­blicité indirecte par des campagnes dites de sensibilisation.

Il y a aussi la forte demande des personnes déprimées habituées à penser leur souffrance en terme de maladie curable par des petites pilules et la formation des médecins centrée sur le médicament. Cette psychiatre n'hésite pas à mettre en cause la construction des essais cliniques préalables à la mise sur le marché des nouvelles molécules. Vu les enjeux financiers, ceux-ci sont construits comme des supports promotionnels avec des échelles d'évaluation mettant en avant les seuls symptômes améliorés par le produit.

Et comme les essais cliniques sont très coûteux, ils sont sous-traités à des sociétés privées qui, dans certains cas, les font réaliser dans des pays peu regardants sur la rigueur méthodologique comme les ex-républiques de l'URSS, l'Inde ou la Chine, sur des trop petits nombres de patients, avec des chercheurs non cliniciens pour les évaluer, et avec des échelles d'évaluation ne tenant pas compte des particularités culturelles et sociales.

Le Dr Debauche en arrive aux mêmes conclusions que le Dr Erick Turner : seuls les essais cliniques montrant des effets positifs seront publiés. Au final, c'est donc toute la question de l'objectivité de la re­cherche biomédicale qui est posée.

Barbara Mintzes, chercheuse canadienne en santé publique (université de Colombie-Britannique) a, quant à elle, mis en cause le «façonnage des maladies» qui vise à élargir la définition d'une maladie à traiter pour augmenter la quantité de traitements vendus.


C'est ainsi que la dépression, autrefois considérée comme une pathologie aiguë, est de plus en plus souvent présentée comme une affection chronique qui démarre de plus en plus jeune. Tant et si bien que, selon cette chercheuse, aux États-Unis, la prescription d'antidépresseurs chez les adolescents et même les enfants a été multipliée de quatre à dix fois entre 1992 et 2002 et par dix au Royaume-Uni entre 1992 et 2001.


- La question de l'objectivité de la re­cherche biomédicale est posée -


Posted 17 years, 10 months ago on January 23, 2008
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