December 3, 2005

La justice française, mauvaise élève

La justice française, mauvaise élève de l'Europe en matière budgétaire
LE MONDE | 10.05.05

C'est une grande première. En comparant les performances de 40 systèmes judiciaires, la Commission européenne pour l'efficacité de la justice (Cepej), organe dépendant du Conseil de l'Europe, a accompli un travail difficile. L'exercice, récemment dévoilé, porte sur les données 2002. Imparfait, il permet néanmoins à la justice française de se situer sur le continent. Conclusion : la France est une très mauvaise élève en ce qui concerne les moyens budgétaires. Mais elle arrive plutôt en tête pour l'aide judiciaire distribuée.

L'évaluation ne relève pas du simple défi universitaire : elle répond aux besoins des praticiens, juges, avocats, fonctionnaires de la justice. Pour reconnaître et exécuter les décisions prononcées dans les pays voisins ­ mandat d'arrêt européen, jugements, etc. ­, les magistrats doivent savoir si les actes de leurs homologues présentent les garanties minimales.

FIN DE CLASSEMENT

La comparaison a exigé un long travail préalable, qui n'est pas clos avec ce premier rapport : que mesurer, et comment ? L'analyse des coûts et des délais ne suffit pas. Des indicateurs en nombre volontairement limité ont pu être établis pour décrire le fonctionnement des tribunaux et l'efficacité de la justice civile. D'autres permettent de mesurer l'indépendance de la justice : mode de recrutement, salaires, formation et discipline des magistrats.

En matière budgétaire, la France est dépassée par 22 pays, si l'on rapporte l'effort consenti au niveau de vie du pays. Les dépenses publiques consacrées aux tribunaux, ajoutées à l'aide judiciaire par habitant, représentent moins de 0,2 % du salaire moyen français, contre 0,6 % au Portugal, 0,4 % en Slovénie ou plus de 0,3 % en Autriche. Le budget des tribunaux, par habitant, se monte à 28,35 euros, contre 46,98 euros au Portugal, 53,15 euros en Allemagne ou 64,41 euros en Belgique.

Le parquet manque de moyens en France : on y compte 0,5 procureur pour 20 000 habitants contre 1,5 en Allemagne. Rapportées au salaire moyen du pays, les dépenses consacrées au ministère public placent la France au 8e rang sur les 28 Etats qui ont pu répondre à la question. Si l'on considère le nombre d'affaires qui leur parviennent, les procureurs français affichent la charge de travail la plus lourde d'Europe, après la Norvège.

Un autre indicateur place la France en fin du classement : celui du nombre de juges professionnels pour 100 000 habitants. Il s'établit à 10,37, soit deux fois moins qu'en Autriche ou en Pologne, et 2,5 fois moins qu'en Allemagne (25,3). Sur l'ensemble des pays étudiés, le nombre de juges pour 100 000 habitants varie de 3 (en Irlande) à 41 (en Croatie). Avec 4,22 juges, le Royaume-Uni doit être mis à part : les bénévoles des magistrate courts traitent la quasi-totalité des affaires, seules les plus graves étant traduites devant les juges professionnels.

Même exception britannique pour l'aide judiciaire, subvention nécessaire selon la Cepej "pour rendre la justice accessible à tous les citoyens". Elle est très importante en Grande-Bretagne : 53,8 euros par habitant contre 4,64 en France. Mais en 2002, cette dernière a consacré 279 millions d'euros à l'aide judiciaire, qui a bénéficié à 689 000 affaires, dont près de 400 000 affaires civiles. Le pays se place ainsi au deuxième rang pour le nombre de cas aidés.

JUGES "HAUTEMENT QUALIFIÉS"

L'étude se penche également sur les auxiliaires qui entourent les juges. Leur nombre (27 pour un juge en France, 72 en Allemagne) peut difficilement être interprété seul comme un gage d'efficacité. La tradition bureaucratique des pays de l'ancien bloc soviétique les place ainsi en tête sur cet indicateur. En ce qui concerne les avocats, les traditions pèsent également : leur nombre a toujours été plus élevé dans les pays du Sud de l'Europe que dans le Nord. On en compte plus de 22 pour 10 000 habitants en Italie, contre moins de 7 en France.

Pour "procéder à une comparaison équitable", l'efficacité proprement dite des tribunaux n'a été mesurée qu'au travers de trois types d'affaires : vols avec violence, divorces et licenciements. Pour présenter leurs chiffres, les experts ont multiplié les précautions. "Le nombre d'affaires tranchées par les juges n'est pas un très bon indice dans le cadre d'une comparaison des charges de travail des tribunaux", explique la Cepej.

Celle-ci entend faire oeuvre de pédagogie : "Une affaire ne constitue pas en effet un volume de travail standard et le poids accordé aux divers types d'instances varie sensiblement d'un tribunal et d'un système à l'autre." Autre précision importante : "La durée de la procédure reflète le fonctionnement d'un système qui, outre les juges et les tribunaux, englobe les parties, avocats, procureurs, etc."

Ces précautions prises, la France apparaît avant-dernière pour la durée moyenne des affaires de divorce (350 jours en première instance, plus de 400 jours en appel). En matière de licenciement (350 jours en première instance devant les prud'hommes, près de 600 en appel), elle ne devance que la Slovénie et l'Italie.

L'évaluation, a, enfin, tenté de donner une mesure de l'indépendance des juges. "Il est en effet important que les juges soient extrêmement qualifiés et jouissent de conditions leur permettant d'exercer leur travail de manière indépendante et impartiale" , explique la Cepej. Dans seulement 5 pays, sur les 32 qui ont répondu à cette question, ils ne sont pas recrutés par une instance indépendante.

En Europe, les juges sont des professionnels "hautement qualifiés" et "généralement bien payés". La France affiche un salaire annuel brut moyen de 23 800 euros en début de carrière. Sur ce terrain, encore une fois, les pays du Nord font beaucoup mieux : 77 200 euros au Danemark, 61 000 aux Pays-Bas, 35 500 en Allemagne.
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