January 18, 2006
Il y a plusieurs manières de regarder les mêmes faits
PARIS (AP), le 17 janvier - L'Education nationale n'a rien à se reprocher. Cette dernière n'a pas commis de "faute caractérisée" qui aurait entraîné l'agression de l'enseignante d'un lycée professionnel d'Etampes, selon les conclusions du rapport administratif de l'Inspection générale. Ce rapport, remis mardi au ministre Gilles de Robien, estime qu'"il n'y a pas de lien" entre l'agression de Karine Montet-Toutain et "le climat de l'établissement" Louis-Blériot.A la suite de ce rapport, l'avocat de la victime, Me Koffi Senah, a déclaré sur LCI que Mme Montet-Toutain était "complètement effondrée. Elle a encore le sentiment, une nouvelle fois, comme d'autres enseignants en France, qu'elle n'est pas du tout écoutée." L'avocat a ajouté qu'il appartiendrait "à l'autorité judiciaire de nous dire qui a raison et qui a tort." Il a rappelé sur France Info qu'il avait "la possibilité d'initier une plainte contre les agents de l'Etat dont le comportement ou les abstentions ont concourru au drame."
Les deux inspecteurs généraux qui ont entendu les professeurs, dont la victime, les responsables et les élèves du lycée, ont déduit qu'il "n'y avait pas de faute caractérisée ni au niveau départemental, ni au niveau du rectorat de l'académie, ni au niveau de l'établissement".
D'autre part, André Hussenet et Gérard Pourchet ont précisé qu'"il n'y avait pas de lien entre l'agression et le climat de l'établissement". Ce lycée professionnel "n'était pas un lycée violent", selon eux.
"Toute tentative pour établir un lien entre l'agression et le climat de l'établissement reviendrait à réinterpréter les faits", à savoir l'agression à coups de couteau de Karine Montet-Toutain, ont-ils prévenu. Il existe "un vrai problème d'absentéisme des élèves et des incivilités mais l'établissement n'est pas réputé pour les violences entre élèves ou à l'égard des enseignants".
De plus, la direction n'a pas fait preuve de "laxisme" puisque l'élève agresseur a été sanctionné d'une exclusion pour une "sottise" envers son professeur de lettres, exclusion qui aurait entraîné l'agression de Karine Montet-Toutain. En tant que professeur principal, cette dernière avait convoqué la mère de l'élève pour lui signaler son comportement.
Par contre, les deux inspecteurs généraux chargés de l'enquête administrative n'ont pas pu "établir qu'il y ait eu menace de viol et de mort" contre l'enseignante en arts appliqués après avoir consulté les fiches de l'établissement signalant tout incident entre professeur et élève. Ces fiches comportent la nature de l'incident, la date, le nom du professeur, les faits et l'éventuelle demande de sanction.
"Nous avons analysé l'ensemble des fiches des faits signalés et avons trouvé pour un signalement un écrit clair et pour l'autre non", a précisé M. Pourchet.
"Pour ce qui a été appelé menace de viol, nous avons lu des documents qui nous permettent d'établir qu'il y a eu agression verbale à caractère sexuel", a ajouté M. Hussenet. "Il y a eu dépôt d'une fiche de signalement qui explicitait très clairement ce qui s'était passé et qui se soldait par une non-demande de sanction de la part du professeur pour ce fait".
Quant à des menaces de mort, "c'est parole contre parole: il y a eu, et nous la croyons, une fiche rédigée par Mme Montet-Toutain. Cette fiche (...) nous ne l'avons pas vue", a-t-il souligné.
Ces "signalements écrits sont toujours transmis à la proviseur. La procédure a été respectée, mais on ne retrouve pas la fiche[*]", a répété M. Pourchet. Et "Mme Montet-Toutain a été reçue, de manière certaine, sur le premier fait".
"Notre enquête n'établit pas qu'il y a eu menace de viol et de mort, mais nous laissons la réponse à cette douloureuse question à la justice", a rappelé André Hussenet. "Notre parole n'est pas la dernière parole sur cette affaire".
"Nous ne disons absolument pas que Mme Montet-Toutain est une menteuse, mais il y a plusieurs manières de regarder les mêmes faits", a conclu l'inspecteur général Hussenet. "A l'évidence, chez une personne qui a subi une telle agression, il faut bien qu'elle comprenne ce qui s'est passé avant et elle l'interprète en fonction du grave accident qu'elle a eu". AP
ljg/cov/Bg-lp/mw
PARIS (AFP), 17 janvier 2005 - Un rapport de l'Inspection générale commandé après l'agression au couteau d'une professeure dans un lycée professionnel d'Etampes est venu totalement dédouaner mardi la hiérarchie de l'établissement accusée par la victime de "non-assistance à personne en danger".
Alors qu'une nouvelle agression a eu lieu lundi dans un lycée professionnel de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), l'Education nationale semble démunie face aux violences, même si Gilles de Robien a annoncé l'actualisation d'une circulaire de 1998 pour en faire un "vrai guide pratique" à destination des enseignants en butte à ces violences.
"Il n'y a pas de faute grave caractérisée" ni au lycée Louis-Blériot, théâtre de l'agression, ni à l'inspection académique ni au rectorat, ont certifié mardi devant la presse deux inspecteurs généraux de l'Education nationale, Gérard Pourchet et André Hussenet, après une enquête administrative d'un mois, commandée au lendemain du drame, le 16 décembre, par M. de Robien.
Les inspecteurs ont précisé que "le lien entre le climat régnant dans l'établissement et le geste imprévisible de l'agresseur n'a pas pu être établi". Ils ont répété que ce lycée professionnel n'est "pas un établissement violent et sensible". Au plus souffre-t-il d'un fort absentéisme et de formations souvent dépréciées et imposées aux élèves.
Ils ont ainsi expliqué que les rapports de conseil d'administration depuis 2003 ne font jamais référence à de quelconques faits de violence.
Reste à comprendre pourquoi, dans ces circonstances, Karen Montet-Toutain, professeure d'arts appliqués de 27 ans, grièvement blessée au couteau en plein cours et à qui les médecins ont prescrit une incapacité totale de travail de trois mois et demi, persiste à vouloir déposer plainte contre sa hiérarchie et plus généralement l'administration de l'Education nationale pour "non-assistance à personne en danger".
Alors qu'elle a affirmé dans la presse avoir prévenu par deux rapports écrits la proviseure de son lycée de menaces de viol et de meurtre à son encontre, les inspecteurs ont assuré de leur côté n'avoir retrouvé de trace écrite que dans le premier cas qui concernait selon eux des "insultes à caractère sexuel".
De même ont-ils avancé que, si Mme Montet-Toutain, comme elle l'a dit, a signalé par oral ses problèmes lors de plusieurs conseils de classe "la proviseure n'a pas perçu ce message".
Beaucoup d'éléments clés de cette affaire se jouent donc "parole contre parole", ont reconnu les inspecteurs, qui ont suggéré que l'enseignante "interprète les événements précédant les faits en fonction de la grave agression" dont elle a été victime.
Dans ce contexte, l'annonce de l'actualisation d'une circulaire de 1998 double le conseil maintes fois formulé par le ministre de l'Education nationale d'en référer à la police et la justice, en sautant éventuellement la case hiérarchie interne.
Chaque établissement, régi par son propre réglement intérieur, possède en effet sa propre procédure, son propre "circuit" de signalement établi par le chef d'établissement.
En l'occurence, le "circuit" de Louis Blériot - rédaction d'une fiche de signalement, convocation du professeur puis convocation de l'élève avant toute décision de sanction - a pu apparaître à certains professeurs comme "trop long et pouvant remettre en cause l'autorité des enseignants", ont jugé les inspecteurs.
D'autres sont encore plus longs, d'autres moins, l'enjeu restant la manière dont ils sont imposés aux équipes et la confiance qui s'établit avec la direction.
Omerta LE MONDE | 14.01.06 "J'ai eu l'impression d'être seule. C'était l'omerta. La loi du silence." Karen Montet-Toutain, 10 janvier, Etampes. Poignardée le 16 décembre 2005 par l'un de ses élèves au lycée Louis-Blériot d'Etampes (Essonne), Karen Montet-Toutain en veut surtout à son administration. Lors d'un entretien avec des journalistes le 10 janvier, elle a dénoncé "l'omerta" qui pèse, selon elle, sur l'éducation nationale. Ce terme d'omerta, utilisé un peu à tout propos pour désigner une supposée "loi du silence", renvoie au système mafieux sicilien. Son origine reste sujet à controverse. Il pourrait provenir du mot Umiltà (humilité), qui en dialecte sicilien devient Umirtà, ou de omu (être homme en sicilien). L'omerta s'apparente à un code d'honneur qui interdit d'informer les autorités, judiciaires notamment, sur les crimes commis par la Mafia. Dès le XIXe siècle, toute personne qui renseigne des enquêteurs sur une affaire criminelle fait l'objet d'un vif ressentiment émanant de la population, honnêtes gens compris. Et parfois d'un châtiment violent de la part de l'organisation criminelle. La Mafia a très vite compris tout le bénéfice qu'elle pouvait tirer de ce sens de l'honneur, poussé à son paroxysme dans le sud de l'Italie, dès lors qu'elle en impose, par la terreur, l'usage aux populations. Mme Montet-Toutain a voulu fustiger le climat de peur que certains élèves font régner dans son lycée. Peut-on pour autant aller jusqu'à parler d'omerta ? L'ormeta est bien inscrite dans le code de l'action sociale, les travailleurs sociaux sont ainsi liés à leur hérarchie. |
Posted 19 years, 10 months ago on January 18, 2006
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