March 18, 2006
Une nouvelle réforme en chantier
Protection de l'enfance : une nouvelle réforme en chantier
LE MONDE | 16.03.06 | 13h38 • Mis à jour le 16.03.06 | 13h38
Il y a un peu plus de vingt ans, les grandes lois de décentralisation du premier septennat de François Mitterrand confiaient la protection de l'enfance aux départements. Contrairement à ce qu'annonçaient les oiseaux de mauvais augure, les conseils généraux choisissaient d'investir massivement : en vingt ans, les dépenses ont plus que doublé. Avec un budget de 5,4 milliards d'euros en 2005, l'aide sociale à l'enfance est devenue le premier poste de dépenses des départements en matière d'action sociale. "Parce que la protection de l'enfance est un domaine particulièrement sensible qui constitue leur première mission en matière de solidarité, les départements s'y sont fortement impliqués", résumait, en novembre 2005, l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS).
Philippe Bas, ministre délégué à la famille, devait rendre publiques, jeudi 16 mars, les grandes orientations de sa réforme de la protection de l'enfance, qui doit être présentée en conseil des ministres à la mi-avril.
Car, pendant ces vingt ans, cette politique a essuyé bien des tempêtes. Elle a subi de plein fouet les ravages du chômage de masse, qui ont précarisé des milliers de familles et d'enfants, mais elle a également été ébranlée par l'émergence, dans les années 1980, du débat sur la délinquance sexuelle. " Avant, on parlait des "cas sociaux", on se souciait des enfants sous-alimentés ou battus, mais on ne parlait jamais ou très rarement de viols ou d'attouchements, raconte le directeur de l'Observatoire de l'enfance en danger (ONED), Paul Durning. A partir de 1985, la mobilisation des mouvements féministes contre l'inceste et les travaux réalisés en Europe du Nord, aux Etats-Unis et au Canada sur le traumatisme subi par les enfants abusés ont permis de placer cette question au centre du débat public."
Aujourd'hui, 270 000 enfants sont pris en charge par l'aide sociale à l'enfance. Certains ont été gravement maltraités par leurs parents, d'autres sont en danger auprès d'une famille qui traverse une passe difficile. Ces jeunes connaissent des destins très divers : la moitié d'entre eux quittent leur famille pour vivre dans un foyer, un internat ou une famille d'accueil, tandis que les autres restent auprès de leurs proches, soutenus par un suivi psychologique, une aide à la gestion du budget ou des visites régulières d'éducateurs.
Depuis le rapport publié en 1980 par Jean-Louis Bianco et Pascal Lamy sur l'avenir de l'aide sociale à l'enfance, les textes encouragent fortement le maintien des jeunes dans leurs familles. "La priorité n'est plus, comme au début de l'aide aux familles et aux enfants en difficulté sociale, de séparer l'enfant de sa famille pour le protéger mais d'essayer d'éviter cette séparation en aidant préventivement les parents", résumait, dans un rapport de 2001, le directeur de l'enfance et de la famille de Seine-Saint-Denis, Claude Roméo. Ces orientations, consacrées par la loi de 1984, ont profondément bouleversé les pratiques de l'aide sociale à l'enfance : en quatre ans, de 1982 à 1986, le nombre d'enfants placés a chuté, passant de 183 000 à 147 000.
La protection de l'enfance n'a pas failli, mais la persistance de la crise économique et les dégâts durables de l'exclusion sociale rendent son travail de plus en plus difficile. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, qui consacre un très gros budget à l'aide sociale à l'enfance (190 millions d'euros), 5 000 enfants sont, tous les soirs, considérés comme SDF. "Leurs familles s'adressent à nous parce qu'elles n'ont pas d'hébergement fixe, raconte M. Roméo. Les parents vivent avec leurs enfants dans des hôtels sociaux, des meublés, des voitures, des domiciles de voisins. Tous les soirs, dans ce département, ce sont plus de 2000 familles qui sont hébergées en urgence."
Face à ces situations de crise, les moyens, notamment dans le domaine de la pédopsychiatrie, n'ont pas toujours suivi. La Seine-Saint-Denis ne compte ainsi que dix lits d'hospitalisation pour adolescents, alors que l'aide sociale à l'enfance estime que 130 enfants du département devraient en bénéficier. En 2004, 4 000 enfants orientés en pédopsychiatrie n'ont pas pu obtenir un suivi faute de place. "C'est pourtant à ce moment-là, en amont, qu'il est utile d'agir, regrette Marie-Rose Moro, la chef du service de pédopsychiatrie de l'hôpital Avicenne, à Bobigny. La protection de l'enfance commence dès qu'il existe des souffrances au sein de la famille."
Plus encore que la pauvreté, c'est aujourd'hui l'isolement social qui fragilise, selon le dernier rapport de l'ODAS, la situation des familles (Le Monde du 3 novembre 2005). "Grâce aux minimas sociaux, et notamment au RMI, les problèmes de pauvreté stricto sensu sont moins lourds que dans le passé, estime le délégué général de l'Observatoire, Jean-Louis Sanchez. L'immense majorité des enfants ont désormais à manger tous les jours, ce qui est un immense progrès, mais l'inoccupation des parents est préoccupante : les liens sociaux sont rompus, l'exclusion est en marche, et les enfants sont parfois en danger."
Dans les années à venir, l'aide sociale à l'enfance devra sans doute apprendre à intervenir plus fréquemment en amont. "La mission de prévention confiée aux conseils généraux ne vise que les mauvais traitements à l'égard des mineurs alors que l'ensemble des enfants susceptibles d'être mis en danger doivent être protégés", relevait, en 2005, la mission sur la famille de l'Assemblée nationale présidée par Patrick Bloche (PS), dont la rapporteure était Valérie Pecresse (UMP). Repérer les difficultés dès la grossesse, sensibiliser tous les professionnels en contact avec les enfants à la protection des mineurs, renforcer la présence de médecins et d'infirmières dans les écoles : ces orientations préconisées ces dernières années par plusieurs rapports ont été reprises par Philippe Bas.
L'aide sociale à l'enfance devra également inventer des formes éducatives nouvelles. "Pendant longtemps, la prise en charge des enfants en danger a été limitée à la simple alternative : mesure éducative au domicile familial ou placement", regrettait, en 2005, le premier rapport de l'ONED. Sans même attendre de nouveaux textes, les équipes ont créé, ici et là, des solutions innovantes : des relais parentaux qui accueillent les enfants pendant quelques jours ou quelques semaines le temps que les parents surmontent des difficultés passagères ; des accueils de jour qui prennent en charge les jeunes pendant la journée, le mercredi ou le week-end, tout en réalisant des entretiens avec les parents ; des accueils "séquentiels" qui hébergent des enfants en soirée ou le week-end lorsque le séjour à la maison est trop éprouvant et le placement inutilement brutal.
C'est ce que propose, par exemple, Le Clair Logis, une maison d'enfants, dans le 18e arrondissement, à Paris. "Même s'il faut parfois éloigner les enfants pour les protéger, la séparation reste un traumatisme, explique son directeur, Yves Masson. Ici, nous avons créé un système très souple qui permet d'épouser au plus près les évolutions de la vie de famille. Lorsque les tensions sont fortes, nous accueillons l'enfant, mais si les relations s'apaisent, nous tentons un retour au foyer. Au lieu de subir les décisions des professionnels, la famille redevient un véritable acteur." Le projet de M. Bas encourage ces nouvelles formes éducatives.
Anne Chemin
Article paru dans l'édition du 17.03.06
Le Figaro, La protection de l'enfance à l'heure des départements Delphine de Mallevoüe 17 mars 2006, rubrique France, extrait : Cette mise en retrait de la justice fait d'ores et déjà grincer quelques dents, notamment chez les avocats et les magistrats qui voient leur intervention amoindrie. «Nous sommes très inquiets, confie Dominique Attias, avocate spécialisée à Paris. En donnant les pleins pouvoirs aux départements on supprime le contre-pouvoir qu'exerçait l'instance judiciaire. C'est très dangereux.» L'Expressdu 27/09/2004 Enfance maltraitée Une priorité par Marie Huret En matière de prévention et de protection, beaucoup reste à faire. Le gouvernement passe à l'action C'est toujours la même stupeur: comment personne n'a-t-il rien vu? Rien empêché? A Drancy, le 5 août, la police découvrait cinq enfants, âgés de 14 mois à 7 ans, sous alimentés et nus comme des vers dans un appartement jonché de cafards. Le 18 août, cette fois à Bourges, une mère célibataire de 23 ans était jugée en comparution immédiate: depuis plusieurs semaines, son fils de 3 ans vivait plongé dans l'obscurité, au milieu des bris de verre et des excréments. Chaque fois, les parents n'étaient pas inconnus des services sociaux, qui ont tardé à intervenir. Chaque fois, la chaîne de protection s'est enrayée. |
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> Je l'ai déjà démontré mille fois
> comme j'ai dit mille fois que l'Aide sociale
> à l'enfance avait encore l'image de
> l'Assistance publique de jadis qui lui
> collait à la peau.
Je suis navré de ne pas partager votre sentiment et tout autant navré encore de disposer un dossier de plus de 500 pages qui fait apparaitre que des travailleurs sociaux et des juges peuvent encore s'en tenir aux textes et pratiques de 1889, aujourd'hui, en l'an 2006.
Non seulement je peux établir cela, je peux encore montrer qu'il peut y avoir collusions et corruption dans l'intérêt de tiers, au parfait mépris d'une famille et de ses enfants (dont un nourrisson).
J'ai cependant de l'estime pour de nombreux acteurs et travaux auxquels je me réfère d'ailleurs moi même, depuis des lustres, tout en étant systématiquement boudé par les institutions, du simple fait que les travailleurs sociaux ainsi que les juges, dans leur ensemble, jouissent d'une certaine réputation.
Je dispose de preuves et le tout est bel et bien du domaine du possible:
«Dans le dossier, des choses n'allaient pas»
Extraits des témoignages des deux journalistes de «Libération» qui ont suivi l'affaire.
par Jacqueline COIGNARD
Libération, mercredi 15 mars 2006
C'est sur l'aire d'autoroute que j'arrive enfin à joindre les gens de l'aide sociale à l'enfance. Un cadre haut placé. Il me dit: "Ce sont les enfants qui, dans un cadre familial nouveau, chez leur assistante maternelle, découvrent une vie paisible et s'étonnent que cette vie familiale soit la norme. Et commencent à parler... Et pour moi, une assistante maternelle, une aide sociale à l'enfance, sont des gens de confiance. Je dirai même qu'ils parlent ma langue." Le doute s'efface à ce moment-là.
Aujourd'hui je n'attend plus rien sinon ce 30 mars prochain pour une ultime audience auprès de la cour d'appel de Versailles.
Avec ma plus haute considération.