April 29, 2006

La tourmente Clearstream ; un système cul par dessus tête

PARIS (AFP), le 29 avril 2006 - Déjà très affaibli par la crise du CPE, Dominique de Villepin se retrouve pris dans la tourmente de l'affaire Clearstream et il a dû contre-attaquer vendredi après les nouvelles révélations sur ce scandale qui devient une affaire d'Etat.

Le président Jacques Chirac est sorti de son silence en démentant "catégoriquement" vendredi dans un communiqué "avoir demandé la moindre enquête visant des personnalités politiques".

Le Premier ministre, qui dément les rumeurs d'un éventuel remaniement gouvernemental dans Le Figaro à paraître samedi, est intervenu sur ce dossier à quatre reprises en moins de 24 heures au risque d'apparaître sur la défensive.

Il reconnaît d'abord vendredi dans Le Figaro avoir chargé en janvier 2004 (le 9, NDLR), comme ministre des Affaires étrangères, le général Philippe Rondot, conseiller pour les affaires de renseignement à la Défense, de mener une enquête à la suite de "rumeurs liées aux frégates de Taïwan", et assure que cette investigation n'a abouti à "aucune information précise".

Il tente aussi de dissocier ce volet frégates de la "tournure nouvelle" qu'a prise l'affaire Clearstream au printemps 2004: un mystérieux corbeau fait alors le lien entre cette société financière et des commissions occultes perçues lors de la vente des frégates, et accuse des personnalités, dont Nicolas Sarkozy, de posséder des comptes occultes à l'étranger.

Ces nouveaux développements auraient conduit M. de Villepin, devenu ministre de l'Intérieur, à demander "des vérifications à la DST", qui a conclu à une manipulation et mis hors de cause les personnes dénoncées.

Nicolas Sarkozy, qui vise l'Elysée en 2007, accuse son rival de ne pas lui avoir fait part assez tôt des conclusions le lavant de tout soupçon et voit dans cette affaire une tentative de déstabilisation.

Or Le Monde a révélé vendredi que M. Rondot a affirmé aux juges chargés de cette affaire que "le nom de M. Sarkozy" avait bien été "évoqué" dès la réunion du 9 janvier 2004 avec M. de Villepin.

Selon le quotidien, les juges Pons et d'Huy ont saisi au domicile du général une fiche dans laquelle ce dernier aurait écrit: "enjeu politique: N. Sarkozy. Fixation sur N. Sarkozy (ref. conflit J. Chirac/N. Sarkozy)".

Avant même que Le Monde soit dans les kiosques, M. de Villepin a nié dans un communiqué avoir diligenté une enquête sur M. Sarkozy.

"Nous n'avons jamais parlé de Nicolas Sarkozy comme possible bénéficiaire de compte bancaire à l'étranger: je suis formel sur ce point", a-t-il affirmé, démentant ainsi la version de M. Rondot.

Lors de l'entretien de janvier 2004, il aurait demandé à M. Rondot de "procéder avec prudence et confidentiellement, en veillant à éviter toute instrumentalisation ou manipulation politique". A cet entretien, précise-t-il, "participait Jean-Louis Gergorin", proche de lui et dirigeant du groupe EADS, qui a été soupçonné d'être le "corbeau" mais l'a toujours nié.

"Il ne s'agissait en aucun cas de s'intéresser à des personnes mais bien à des réseaux et à des intermédiaires", affirme le chef du gouvernement.

M. de Villepin a de nouveau joué cette ligne de défense lors d'une visite vendredi midi à un salon d'entrepreneurs, où il est apparu les traits tirés, et dans un entretien publié dans l'après-midi sur le site internet du Monde.

Si cette affaire illustre l'intense rivalité entre MM. Sarkozy et Villepin, le président de l'UMP s'est refusé à tout commentaire vendredi, après avoir assuré jeudi "travailler en confiance" avec le Premier ministre.

Alors que certains sarkozystes disent souhaiter une "stabilité politique", M. Sarkozy aurait, selon un élu UMP, lancé cette semaine: "moi quand je tire, c'est pour tuer, pas pour blesser. L'issue est proche".

PARIS (AFP), le 30 avril 2006 - L'affaire Clearstream est le signe de "la fin d'un règne sans éthique", a déclaré la socialiste Ségolène Royal dans un entretien au JDD paru dimanche, en ajoutant que dans le cadre de la course à la présidentielle, elle faisait l'objet d'attaques "haineuses".

L'affaire Clearstream est "une confirmation de plus de la décomposition du régime chiraquien. La fin d'un règne sans éthique, l'explosion d'un système qui fait la part belle aux méthodes occultes, aux coups bas et aux manoeuvres de déstabilisation. Il est temps d'en finir", a-t-elle déclaré.

Ségolène Royal a ajouté que "ce qui se passe en ce moment au sommet de l'exécutif avec Clearstream, cette lamentable affaire de manipulation, ne fait que me renforcer dans ma détermination" pour l'élection présidentielle de 2007. "Je sens que les choses sont possibles".

La député socialiste a aussi évoqué des attaques contre elles "violentes, haineuses, méprisantes", sans préciser de quelles attaques il s'agissait.

"Elles se retournent contre leurs auteurs qui le plus souvent, appartiennent à la même famille politique que moi, ce qui est un comble", a-t-elle ajouté.


PARIS (AP), 30 avril 2006 - Devant la crise provoquée par l'affaire Clearstream, le président du groupe UDF à l'Assemblée nationale Hervé Morin a évoqué l'idée d'une élection présidentielle anticipée.

"On serait dans n'importe quel autre pays occidental, on aurait de toute évidence des élections générales, avec pour nous, une nouvelle élection présidentielle, puisqu'il s'agit de l'élection qui détermine la vie politique du pays", a-t-il dit dimanche à TF1.

"Mais comme la France a perdu tous ses repères et tous ses principes, comme tout le système est cul par dessus tête, je crains malheureusement que cela dure encore des mois et des mois". AP


PARIS (AP), 30 avril 2006 - La ligne de défense de Dominique de Villepin dans l'affaire Clearstream "est d'une idiotie abyssale", estime le député européen UDF Jean-Louis Bourlanges, pour qui le Premier ministre est désormais en "état de survie politique".

Dans un entretien accordé au "Journal du Dimanche", M. Bourlanges juge que le Premier ministre avait "non seulement le droit, mais le devoir de faire enquêter sur les personnes concernées" s'il jugeait "crédibles" les accusations contre un membre de son gouvernement.

"Villepin n'ose pas avouer qu'il a fait enquêter sur Sarkozy précisément parce qu'il sait qu'il ne l'a fait que pour des raisons strictement politiciennes", argumente le député européen. Et d'enfoncer le clou: "La ligne de défense de Villepin est d'une idiotie abyssale"!

Jugeant Dominique de Villepin en "état de survie politique", M. Bourlanges pense que le président Jacques Chirac en tirera "les conséquences qui s'imposent", même si "la liste des premiers ministrables chiraquiens est désespérément courte".

Jean-Louis Bourlanges déplore également "l'état de discorde, de haine" qui règne à l'UMP, où Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy "se portent des coups terribles".

"Même si Sarkozy est en état de légitime défense, le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur font penser à deux lutteurs qui roulent ensemble à l'abîme", déclare M. Bourlanges. AP


PARIS (AP), le 30 avril 2006 - Jean-Marie Le Pen s'est réjoui dimanche de l'affaire Clearstream, qui pourrait lui rapporter des voix lors de la prochaine élection présidentielle. Le président du FN a cependant estimé que cette "grosse bulle d'air" risquait de "détourner l'attention" des "responsabilités écrasantes de la classe politique dans ce qui arrive à la France".

"Tout ce qui bénéficie au FN est bienvenu. Le sort nous a souvent été défavorable. Qu'il nous soit favorable de temps en temps, je salue cette éventualité", a déclaré M. Le Pen lors d'un cocktail de presse en marge des assises présidentielles du FN, réunies à huis-clos dimanche à Paris.

Une coupe de champagne à la main, le président du FN s'est réjoui "de voir la discorde dans le camp de l'adversaire".

Mais il s'est attaché dans le même temps à minimiser l'importance de l'affaire, qui ne "le choque pas outre-mesure". "Je ne vois pas très bien ce qu'il y a de monstrueux", a-t-il dit.

"A moins qu'il ne soit prouvé que des dirigeants politiques de très haut niveau ait essayé de façon calomnieuse d'impliquer un de leurs amis dans une opération comme celle-là, ça serait évidemment un scandale inacceptable. Mais que des autorités politiques aient fait faire une enquête sur des bruits qui couraient sur un certain nombre de responsables de haut niveau, je ne vois pas que cela soit extraordinaire", a estimé le président du FN, pour qui cela relève de "la prudence dont doivent s'entourer les dirigeants".

Jean-Marie Le Pen a refusé de se joindre à ceux qui demandent la démission de Dominique de Villepin, en souhaitant que le gouvernement aille "jusqu'au bout" de son mandat. "M. de Villepin est somme toute, dans les différentes crises qui se sont succédé, celui qui relativement a tenu le plus dignement le rôle qui est censé être le sien. Il ne me paraît pas être le plus condamnable dans cet ensemble de responsabilités politiques", a-t-il dit.

Le président du FN a comparé l'affaire Clearstream à "des fumigènes" destinés à détourner l'attention de l'opinion publique. "Pendant qu'on parle de ça (...) on oublie les responsabilités écrasantes qui sont celles de la classe politique dans ce qui arrive à la France", a-t-il observé.

Interrogé sur son apparent détachement, il a répondu: "Je les laisse faire mon travail. Pourquoi voulez-vous que je vienne avec mon marteau alors que d'autres travaillent au marteau-piqueur?" AP


PARIS (AFP), le 30 avril 2006 - Le dossier judiciaire Clearstream s'oriente vers Matignon et une éventuelle audition du Premier ministre, après la publication d'un article du quotidien Le Monde affirmant que Dominique de Villepin aurait demandé en janvier 2004 au général Rondot une enquête sur Nicolas Sarkozy.

Après ces révélations, la question se pose d'une audition du chef du gouvernement par les juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons, les deux magistrats du pôle financier du palais de justice de Paris, rue des Italiens (9e arrondissement), qui travaillent dans la discrétion et la plus stricte application du code de procédure pénale dont l'article 11 prévoit le "secret de l'instruction".

Sur l'audition du Premier ministre, le parquet de Paris a indiqué samedi qu'il n'avait pas connaissance pour l'heure d'une éventuelle demande d'audition. Le parquet dément en outre "avoir déclaré quoique ce soit à la presse sur la possibilité d'une audition ou bien sur celle d'une perquisition à Matignon". Si l'audition d'un Premier ministre comme témoin s'est déjà produite une fois, une perquisition à Matignon serait un fait sans précédent.

L'audition d'un membre du gouvernement nécessite des conditions particulières, selon l'article 652 du code de procédure pénale: "le Premier ministre et les autres membres du gouvernement ne peuvent comparaître comme témoins qu'après autorisation du Conseil des ministres, sur le rapport du Garde des sceaux, ministre de la Justice".

Si cette demande est rejetée, la déposition du Premier ministre peut être "reçue par écrit par le Premier président de la cour d'appel".

Par ailleurs, si les magistrats estiment que des présomptions pèsent sur M. de Villepin, ils ont également la possibilité de le faire entendre comme "témoin assisté", un statut à mi-chemin entre le simple témoin, exempt de toutes charges, et celui de mis en examen sur lequel pèsent des "indices graves et concordants".

Par la suite, si ces présomptions se confirment, les juges doivent transférer le dossier à la Cour de justice de la République, seule juridiction habilitée à instruire et juger des affaires concernant des ministres dans l'exercice de leur fonctions.

En mai et juin 2004, un mystérieux corbeau avait adressé au juge Renaud van Ruymbeke, en charge de l'affaire des frégates de Taïwan, plusieurs courriers et CD-roms anonymes avec des noms de personnalités politiques françaises, dont Nicolas Sarkozy, censées avoir touché des commissions occultes sur des comptes Clearstream.

En septembre de la même année, MM. d'Huy et Pons ont été saisis d'une enquête pour "dénonciation calomnieuse".

Entendu le 28 mars par ces deux magistrats, le général Rondot, ex-conseiller pour les affaires de renseignement au ministère de la Défense, aujourd'hui à la retraite, aurait décrit devant eux la feuille de route qui lui aurait été fixée par les plus hautes autorités de l'Etat dès l'automne 2003, selon des informations parues dans Le Monde cette semaine.

Lors d'une réunion le 9 janvier 2004 avec Dominique de Villepin alors ministre des Affaires étrangères, "le nom de M. Sarkozy a été évoqué", aurait déclaré M. Rondot.

M. de Villepin lui aurait alors fait part d'instructions reçues de Jacques Chirac: vérifier la validité de listes de comptes Clearstream pour savoir si des personnalités françaises possédaient un compte dans cet établissement.

Toutefois, le général Rondot a fait savoir dans certains médias samedi qu'il démentait avoir été chargé d'une enquête sur M. Sarkozy par M. de Villepin et qu'il dénonçait l'utilisation publique de sa déposition tirée de la procédure.
Posted 19 years, 6 months ago on April 29, 2006
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