June 6, 2006

Des personnes agées disent que ça leurs rappelle 1942

PARIS (AFP) - A quelques jours du bac et du sursis du 30 juin accordé aux jeunes scolarisés sans-papiers pour qu'ils terminent leur année, et face à une mobilisation croissante, Nicolas Sarkozy a décidé de faire un geste pour une partie de ces enfants et leurs parents, qui ne devraient pas être expulsés.
Cette décision ne "s'apparente pas pour autant à une régularisation massive", a indiqué mardi le ministère, chaque cas fera l'objet "d'un examen particulier".

Les examens "au cas par cas" devraient se faire au sein d'une commission nationale où associations et administration auront leur place, a-t-on ajouté Place Beauvau".

"C'est un effet d'annonce qui concerne 2% des enfants sans-papiers" a aussitôt réagi Richard Moyon, porte-parole du Réseau éducation sans frontières (RESF), qui appelle à "continuer et amplifier" la mobilisation.

Ce réseau, créé en 2004 et regroupant environ 70 organisations, est à la tête de la lutte contre l'expulsion des jeunes sans-papiers. Il a lancé un compte à rebours sur son site internet: "Expulsions de jeunes scolarisés sans-papiers: J-24".

Il multiplie et intensifie chaque jour les alertes et les manifestations avant le 30 juin, date de la fin du sursis accordé par l'Intérieur aux jeunes sans-papiers pour qu'ils terminent leur année scolaire.

Sensibilisée semble-t-il par cette mobilisation, la place Beauvau a donc fait un geste mardi en annonçant que 720 familles, soit près de 2.500 personnes, ont été recensées comme pouvant bénéficier de ces régularisations.

Mais pour Richard Moyon, ce sont "au moins 50.000 enfants qui sont concernés car le ministère lui-même a recensé 50.000 familles sans-papiers".

Sont précisément visés par cette mesure des enfants nés en France et qui y sont scolarisés, qui sont issus de parents en situation irrégulière et qui ne parlent pas la langue du pays dont leurs parents sont originaires.

Mais, hasard du calendrier, l'annonce de cette régularisation partielle est tombée le jour où des policiers sont venus chercher dans une école maternelle du Mans deux petits frères kurdes, dont la maman est en cours de reconduite à la frontière.

L'obstination à aider les enfants sans-papiers conduit ainsi de plus en plus de parents d'élèves à cacher des écoliers chez eux, comme à Brest où des femmes de militaires aident une petite fille du Daghestan.

"Dans notre école, on a une petite fille dont la maman est menacée d'expulsion. La petite aurait dû être expulsée le 5 avril, elle a été cachée le 4 pour éviter son expulsion. Je reçois des courriers de soutien de personnes âgées qui me disent que ça leur rappelle 1942", a expliqué Delphine Grivet, parent d'élève à l'école Jean-Macé à Brest.

Le collectif Uni(e)s contre une immigration jetable a estimé de son côté que la décision du ministre de l'Intérieur était un "os à ronger" jeté à l'opinion publique.

SOS Racisme s'est félicité de ce "recul de la politique du chiffre mise en place en matière d'expulsion" tout en exprimant ses "inquiétudes face aux critères annoncés par le ministre de l'Intérieur pour définir les bénéficiaires de ces mesures".

La FSU, principale fédération d'enseignants, a estimé qu'il fallait "intensifier la lutte pour la régularisation de tous les jeunes scolarisés et de leur famille".

Le ministère de l'Intérieur a rappelé que le nombre d'étrangers vivant en situation irrégulière sur le territoire français s'inscrit dans "une fourchette de 200.000 à 400.000 personnes".

PARIS (AP) - La commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) estime dans un avis rendu public mardi que le projet de loi Sarkozy sur l'immigration "favorise le fort au détriment du faible" et fait peser des "risques sur les libertés fondamentales et les droits de l'Homme".

La commission, qui n'a pas été saisie par le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, a examiné le texte de sa propre initiative. Son avis, rendu public le jour du début de l'examen du projet de loi par le Sénat, date du 1er juin.

La CNCDH s'inquiète des nouvelles dispositions relatives aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers sur le territoire "qui vont rendre plus difficiles encore l'accès à notre pays pour les personnes les plus fragiles de même que le maintien en France de celles et ceux qui ont besoin de protection et de soutien".

"Le projet de loi favorise le fort au détriment du faible, favorise l'accès au territoire des plus talentueux, et multiplie les obstacles pour ceux qui devraient au contraire bénéficier de la protection et du droit de vivre en famille", juge la commission.

La CNCDH dénonce la priorité donnée par le projet de loi à l'immigration "choisie", la mise en place une nouvelle carte de séjour "compétences et talents", l'exigence de la production d'un visa de long séjour aux conjoints de ressortissant français en vue de la délivrance d'une carte de séjour temporaire, ou l'extension de la liste des catégories d'étrangers devant justifier d'une intégration dans la société française dans le cadre de la délivrance d'une carte de résident.

Elle juge le concept d'"immigration subie" utilisé par le ministre de l'Intérieur "incompatible avec le respect de la dignité humaine". "Les premiers à subir l'émigration sont ces hommes et ces femmes que la misère et l'extrême pauvreté, l'oppression voire la terreur poussent à choisir l'exil et l'éloignement", rappelle la commission.

La CNCDH rappelle également le caractère de "droit fondamental" du droit d'asile et du regroupement familial, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Plus largement, la commission reproche au projet Sarkozy de se limiter à la "seule dimension policière" de la politique d'immigration alors que "le développement des flux migratoires est dans la nature d'un monde de plus en plus globalisé". AP


Le Monde titre "720 familles étrangères pourraient être régularisées". Selon la logique qui suit, une très grande majorité des familles dont l'un des parents a des origines étrangères doivent être expulsables :

"Lorsqu'un enfant étranger est né en France ou qu'il y est arrivé en très bas âge, qu'il est scolarisé en France, qu'il ne parle pas la langue de son pays d'origine, qu'il n'a aucun lien avec ce pays, il serait très cruel de l'y reconduire de force", a estimé M. Sarkozy mardi après-midi au Sénat, en préambule à la discussion de son projet de loi sur l'immigration.
LE MONDE | 06.06.06


Posted 19 years, 8 months ago on June 6, 2006
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