June 10, 2006
L'encadrement policier
MONTFERMEIL (AFP) - Environ 150 personnes de la cité des Bosquets à Montfermeil, théâtre de récentes violences urbaines, ont manifesté samedi après-midi pour dénoncer une présence trop forte de la police dans leur quartier.A l'initiative de l'association Solidarité 93, des habitants, rejoints par ceux d'autres quartiers, ont manifesté dans le calme du quartier des Bosquets jusqu'à la mairie.
C'est dans ce quartier limitrophe de Clichy-sous-Bois, que les émeutes avaient débuté en novembre dernier, et qu'ont eu lieu d'autres incidents les 29, 30 et 31 mai dernier.
"Les CRS encerclent le quartier des Bosquets en permanence, on se sent agressés au quotidien. Ils essaient de faire régner un climat de peur alors que nous demandons tout simplement le dialogue", a expliqué Samba Fadiga, président de l'association Solidarité 93.
Selon la Préfecture, trois compagnies de CRS, soit 240 hommes sont déployés en permanence sur l'ensemble du département de la Seine-Saint-Denis depuis les incidents de l'automne dernier.
En revanche, aucune section de CRS n'a été déployée du 1er au 27 mai à Montfermeil, contrairement à la ville voisine de Clichy-sous-Bois où 31 sections - 2480 hommes ? - y ont stationné tout le mois de mai.
"Nous sommes tous là pour mettre fin à cet état de siège qui règne ici depuis plusieurs mois. La présence des CRS ne règle aucun problème. Il faut remettre en place la police de proximité afin de créer un lien entre jeunes et policiers", précise Matthias Ott, représentant départemental du Parti Socialiste.
"On veut que la police soit moins présente dans notre quartier. Nos enfants sont agacés de voir quotidiennement des policiers, alors on essaie de les calmer. Certains n'osent même plus aller acheter du pain par peur de se faire contrôler", raconte Sissoko, père africain de quatre enfants.
Le collectif "Libres et égaux", rassemblant des organisations politiques, syndicales, associatives et des habitants de Montfermeil organisera la semaine prochaine un débat public sur "la façon dont sont traités les habitants des Bosquets".
Des échauffourées violentes avaient opposé fin mai à Montfermeil les forces de l'ordre à une centaine de jeunes cagoulés qui avaient caillassé le domicile du maire, auteur en avril d'un arrêté anti-bandes.
Posted 19 years, 5 months ago on June 10, 2006
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LA COURNEUVE, Seine-Saint-Denis (AP), vendredi 9 juin 2006, 14h11 - Six mois après les émeutes en banlieue, la situation reste tendue dans les cités difficiles de Seine-Saint-Denis où les échanges entre jeunes et forces de l'ordre se réduisent souvent aux injures. Las de recevoir des projectiles, les policiers sont plus méfiants que jamais, tandis que les jeunes les accusent de leur manquer de respect et de les provoquer.
"On n'a pas de grand dialogue avec eux", confie Sam, 26 ans, qui habite depuis 1983 aux 4.000 de la Courneuve. "Ils parlent pas avec les jeunes", relève également Rachid, 30 ans, qui a toujours vécu dans cette cité. Les deux jeunes hommes n'ont pas souhaité donner leur patronyme.
Loïc Lecouplier, du syndicat Alliance 93, avance une explication. "Quand vous travaillez et que vous risquez de vous prendre une barre de fer ou un rail de chemin de fer sur votre voiture quand vous passez, ou une boule de pétanque sur la tête, vous n'êtes pas dans une bonne configuration pour engager un dialogue", souligne ce policier de 41 ans, en poste en Seine-Saint-Denis depuis vingt ans.
Les jeunes se disent victimes de contrôles d'identité arbitraires. "Une semaine, je me suis fait contrôler trois fois pour rien", se souvient Brahim, 22 ans, qui est ami avec Sam depuis qu'ils ont participé ensemble à un voyage en Afrique du Sud organisé par la municipalité de La Courneuve. "Tu sors de ton ascenseur, tu te fais contrôler. C'est abuser", considère-t-il. "Si j'étais un petit Blanc bien sapé, je pense pas que ce serait pareil".
"Un contrôle d'identité est toujours justifié", assure une jeune gardienne de la paix qui travaille à Aulnay-sous-Bois et qui a souhaité garder l'anonymat, "soit par des réquisitions émanant du procureur, soit parce que des crimes ou délits ont été commis dans le même temps à proximité du lieu".
Cependant, des jeunes de la cité de l'Abreuvoir, à Bobigny, affirment même avoir été interpellés sans raison. "On était assis à côté du bâtiment, à côté de la porte. Ils nous ont embarqués", dénonce Karim, 24 ans. "Soi-disant pour dégradation de bien public", précise Antonio Ferrara, 19 ans.
Tout en reconnaissant que certains policiers sont "sympas", Karim déplore que d'autres "se prennent pour des cow-boys". "Les plus zélés, on leur donne des surnoms", plaisante-t-il. Et le groupe de copains de citer "cheveux longs", "grand con", "Sherman" (en référence au film "Le Professeur Foldingue" avec Eddie Murphy) ou encore "Schumacher" ("parce qu'il aime bien les courses-poursuites").
Antonio affirme qu'un policier a un jour salué la bande par un "Alors, les p'tits bâtards?". D'après lui, "ils nous tutoient mais ils veulent qu'on les vouvoie".
La jeune policière d'Aulnay dément. Selon elle, la forme de politesse est employée "systématiquement". Cependant, "les jeunes sont vouvoyés jusqu'à une certaine limite (...) A outrage, à partir du moment où il y a les insultes, il se peut qu'il y ait un tutoiement".
Les forces de l'ordre essuient de nombreuses injures dans les cités. "Actuellement sur Montfermeil, j'ai des collègues psychologiquement qui sont complètement largués, qui n'en peuvent plus", rapporte Loïc Lecouplier. "En tant que femme, c'est encore plus difficile", confie la gardienne de la paix. "Vous faire insulter de 'salope' et de 'pute' à longueur de journée..."
Originaire de province comme 80% des policiers franciliens, selon Alliance 93, elle explique qu'elle a appris à "garder son sang-froid, faire comme si de rien n'était, ne pas répondre aux insultes et puis rester de marbre".
Mais il n'y a pas que les injures qui pleuvent. "Les jets de pierre, c'est quasiment quotidien", selon Loïc Lecouplier. La jeune policière dit avoir reçu une pierre sur le bras "pas plus tard qu'il y a 15 jours".
Aux 4.000, tandis qu'un adolescent fait une roue arrière sur un scooter et que des enfants jouent au ballon, Rachid raconte: "Les CRS, ils provoquent. Ils voient des jeunes jouer au foot, ils viennent les contrôler. Le soir, ils braquent leurs grosses lampes sur les gens. Et après, ils se demandent pourquoi ça caillasse".
"Vous ne savez pas la pression qu'ils mettent quand ils sont dans leur voiture, quand ils mettent les gyrophares, quand ils viennent et qu'ils vous fouillent", lance Kamel, un habitant de Bondy âgé de 26 ans.
Selon Loïc Lecouplier, "les policiers sont très, très méfiants" sur le terrain. "Ils sont tous robotisés", rétorque Brahim, qui aimerait que les relations soient plus "humaines" entre jeunes et forces de l'ordre.
La jeune policière estime pour sa part que les jeunes y sont aussi pour quelque chose. "Ils ne cherchent pas, eux, la communication. Même quand on arrive et qu'ils sont victimes, jamais ils ne s'ouvrent à nous", regrette-t-elle, tout en disant les comprendre. "Chacun à sa place, de toute façon". AP