June 19, 2006

Ouverture d'un procès particulier

TOURS (AP) - Le procès d'un réseau de diffusion d'images pédophiles s'est ouvert lundi devant le tribunal correctionnel de Tours. Quatorze prévenus comparaissent pour "captation, transmission, diffusion et détention d'images à caractère pornographique de mineurs".

Dans le box des accusés, douze sur quatorze étaient présents, dont Michel Joubrel, 52 ans, ancien substitut général à la cour d'appel de Versailles, ex-membre du Conseil supérieur de la magistrature et ancien dirigeant de l'Union syndicale de la magistrature.

Ce père de famille est accusé d'avoir détenu plus de 5.000 images pédophiles sur son ordinateur. Son avocat, Me Boualem Bendjador, reconnaît qu'il s'agit d'une "défense délicate". Selon lui, "il ne faut pas faire un double procès. Même si un magistrat est certainement plus averti que les autres concernant ce type de délits, les hommes sont égaux devant la loi. Un magistrat a comme tout homme, ses faiblesses et ses troubles".

Suspendu de ses fonctions, Michel Joubrel a été mis à la retraite d'office en septembre 2004, puis radié en février 2005. En mai 2003, les gendarmes de la section de recherche d'Orléans avaient opéré un vaste coup de filet dans une quarantaine de départements, les conduisant tout d'abord à interpeller un étudiant tourangeau de 23 ans, gestionnaire du site.

La mémoire de son ordinateur avait ensuite permis d'identifier plus de 60 personnes qui s'étaient connectées à son site. Les prévenus risquent jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et jusqu'à 75.000 euros d'amende. Le procès se tiendra durant deux jours à Tours. AP

pan/mw

Libération, no. 7180
SOCIETE, samedi 12 juin 2004, p. 17
Pédophilie: un juge devant ses pairs
Audience disciplinaire pour cet homme accusé d'avoir collecté des photos de viols d'enfants.

Extraits :

Ambiance de plomb, vendredi, lors de l'audience disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) à la Cour de cassation. Les membres du Conseil avaient devant eux un vrai pair : Michel Joubrel n'est pas seulement un haut magistrat, un ancien président du principal syndicat de la profession, mais il a lui-même fait partie du CSM de 1998 à 2002.

A l'audience disciplinaire, chacun a rappelé les brillants états de service de cet homme de 50 ans : classé troisième à la sortie de l'Ecole nationale de la magistrature (ENM), il est couvert d'éloges par ses évaluateurs successifs vantant son «intelligence claire», son «entière disponibilité», sa «courtoisie», sa «justesse de raisonnement»...

Michel Joubrel consultait ces sites chez lui, la nuit. Pourquoi ? Pour son audition, ses défenseurs avaient demandé le huis clos. Dans leurs plaidoiries restées publiques, ils ont évoqué la tristesse de sa vie familiale, en chargeant l'épouse de leur client. Et de citer abondamment la surprenante expertise psychiatrique du docteur Coutanceau pour qui Michel Joubrel n'est ni pédophile, ni pervers, ni susceptible de passer à l'acte. Ses déboires conjugaux l'auraient juste conduit «à se livrer à d'autres curiosités, mais sur le mode imaginaire».

Un diagnostic que Patrice Davost prend avec beaucoup de précautions : «Il semble que l'expert s'est fait l'écho des seules déclarations de Michel Joubrel, indiquant notamment que 85 % des sites consultés concernaient des adultes femmes.» Les avocats estiment que les faits relèvent de «la vie privée», voire «de la vie intime», et que la sanction demandée est disproportionnée : «On vous a proposé une peine de mort professionnelle et sociale», s'insurge Me Liénard. Décision sous huitaine.


La révocation du juge Michel Joubrel requise devant le CSM
Le Monde, édition du 13.06.04

« Intelligence claire », « grande puissance de travail », « courtoisie » : comme l'a rappelé André Ride, procureur général de Limoges, M. Joubrel s'est attiré tous les éloges, au long d'une carrière « exemplaire ». Il n'y manque rien : ni la présidence de l'Union syndicale des magistrats, l'organisation majoritaire, entre 1988 et 1992 ; ni les responsabilités à l'administration centrale, où il fut chargé de l'informatisation de la justice ; ni l'ordre national du Mérite, en 1995 ; ni l'élection au CSM, en 1998.

En mai 2003, son interpellation provoque une véritable onde de choc dans la magistrature. Cette mise en cause intervient juste après celle du substitut Jean-Louis Voirain, mis en examen pour corruption, révoqué depuis par le CSM.

Un an plus tard, l'épais décorum de la Cour de cassation n'a pas empêché un autre désastre judiciaire - celui d'Outreau - de pénétrer les débats : « C'est dans une ambiance lourde que cette affaire pénible, délicate et difficile est soumise à votre conseil », a souligné Patrice Davost.

M. Joubrel « se devait, plus que tout autre, d'être exemplaire car il a obtenu de ses pairs le devoir de les représenter et de les juger », a ajouté Patrice Davost, pour qui l'exploitation de tels clichés participe de l'alimentation des réseaux criminels et « porte atteinte, de façon spectaculaire, à l'institution judiciaire ».

A ses avocats de distribuer, devant un magistrat en pleurs, les miettes de cette confession : une épouse suicidaire et alcoolique, deux enfants secoués, dont l'un passe son bac ces jours-ci, un père de 84 ans, célèbre magistrat lui aussi, qu'on imagine mortifié. « Michel Joubrel vivait deux vies, a expliqué Me Boualem Bendjador, une vie professionnelle rayonnante, une vie désastreuse à la maison. »

Selon le rapport de Roland Coutanceau, l'expert psychiatre, M. Joubrel n'a pas de « tendances pédophiliques », et sa personnalité « exclut tout risque de passage à l'acte ». Marqué par son éducation, M. Joubrel n'a pas envisagé de relation extra-conjugale ; il se serait pendant quatre ans « adonné à une vie auto-érotique », dans « l'imaginaire ».

Contre la révocation, « cette peine de mort professionnelle et sociale qui semblait programmée », Me Jean-Yves Liénard a donc demandé « une deuxième chance ». A l'adresse des pairs, Me Bendjador a ajouté : « Ne soyez pas en colère parce qu'il vous a trompés. Ce qu'il a commis, il en a honte. »

Posted 19 years, 7 months ago on June 19, 2006
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