July 29, 2006

Le "boom" de la presse à scandale

DAKAR (AFP) - La presse à scandales vit un véritable boom au Sénégal et s'attaque à des sujets aussi tabous que l'homosexualité ou l'inceste, mais certains crient à la dérive et s'indignent d'un journalisme de bas étage.

"Ils se vendent bien et s'arrachent comme de petits pains", affirme Amadou Diouf, propriétaire d'un kiosque à journaux dans la capitale sénégalaise.

"Je lis régulièrement ces journaux, c'est intéressant car ils sont le reflet de notre vraie image dans la société", lance Awa Gueye, coiffeuse au Plateau, quartier des affaires à Dakar.

Brandissant un numéro de Rac Tac, un des titres phare de la presse dakaroise à scandales, elle poursuit en souriant: "Regardez, ici on dit qu'une mère est le proxénète de sa propre fille, là c'est un +pédé+ qui a soutiré 136.000 euros à un Blanc de 62 ans!".

Au prix de 200 FCFA (0,3 centime d'euros) et des tirages frôlant les 20.000 exemplaires, ces hebdomadaires affichent toujours en Une des photos de pulpeuses jeunes filles dénudées.

Leurs articles aux titres provocateurs traitent de faits réels ou parfois tirés des rumeurs d'abus sexuels, d'escroqueries ou des frasques sexuelles de personnalités politiques ou religieuses en vue.

"Au lit, mon copain +homo+ est super", titre Teuss qui, dans sa dernière parution, met à nu Yvette, une jeune Sénégalaise aux penchants "sado-maso".

Surenchérissant dans le graveleux, le journal évoque aussi la conduite d'un accroc du sexe surpris par son épouse en train de "répandre son sperme" sur le visage de sa fille adoptive.

De son côté, "Tolof" s'attaque à l'industrie de la mode, à travers des scandales sexuels, impliquant des jeunes filles qui rêvent de devenir des "top-models" et contraintes, selon le journal, à avoir des rapports sexuels avec des sommités du show-business.

Le succès de cette presse "populaire" est tel que le quotidien gouvernemental sénégalais, Le Soleil, l'assimile à un "boom médiatique", alors même que le Conseil pour le respect de l'éthique de la déontologie (CRED), mis en place par la presse locale, clame son impuissance et crie à la dérive.

"Ces journaux polluent la psychologie sociale, les valeurs et les vertus sénégalaises", s'insurge Mbaye Sidy Mbaye, membre du CRED, estimant qu'une partie de leur contenu relève de "l'imaginaire", ce qui porte "un sacré coup à l'image de la profession de journaliste".

La féministe et historienne sénégalaise Penda Mbow se dit "écoeurée" par les femmes sénégalaises qui s'exposent dans cette presse.

"J'invite n'importe qui à venir voir les tonnes de courriers et témoignages que je reçois, que je trie car certains ne sont pas publiables", se défend Cheikh Ba, directeur de Rac Tac. Il explique que son journal n'apporte "qu'un plus" par rapport aux autres journaux d'information générale et que "les photos c'est tout juste pour capter l'attention des gens".

En Afrique, ajoute-t-il, le sexe est tabou et "on a perdu trop de temps" dans l'éducation des jeunes. "Nos journaux attirent l'attention des gens sur leur sexualité en proposant un contenu facile à lire", insiste-t'il.

Cette "presse n'invente certainement pas ce qu'elle rapporte. On ne peut plus se cacher derrière son petit doigt", souligne Aboul-Aziz Kébé, membre de l'Association des Imams et Oulémas du Sénégal.

Le religieux musulman, qui ne blâme pas ces journaux, invite plutôt les pouvoirs publics et les religieux à "protéger" la jeunesse.

Revers de la médaille, la presse "people" dakaroise est visée par de nombreux procès en diffamation.



Posted 19 years, 3 months ago on July 29, 2006
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