August 8, 2006

L’école du soupçon

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Thèmes : Abus sexuel

L’école du soupçon. Les dérives de la lutte contre la pédophilieAuteur(s): Marie-Monique Robin - éd. La Découverte, 2006 (335 p. ; 20 €)

L’affaire est entendue : pendant des décennies, des enseignants ont pu se livrer sur leurs élèves à des agressions sexuelles sans avoir grand-chose à craindre ni de la justice, acquise à l’idée de l’enfant affabulateur, ni de leur hiérarchie qui se contentait de les muter. Quand, le 26 août 1997, Ségolène Royal signe une circulaire ministérielle faisant injonction, sous peine de sanction, d’aviser « immédiatement et directement » le procureur de la République face à toute révélation d’un élève, elle cherche avant tout à en finir avec la culture du silence et de l’omerta longtemps dominante dans l’Éducation nationale. Les affaires de mœurs qui ne dépassaient pas jusque-là une vingtaine par an, s’envolent à 175 dans l’année qui suit. Enfin, pourrait-on penser, l’Education nationale fait le nécessaire pour protéger les élèves et dénoncer ceux qui les agressent. Malheureusement, ce n’est pas si simple que cela. Car 73 % de l’ensemble de ces affaires ont finalement fait l’objet d’un classement sans suite, d’un non-lieu ou d’une relaxe (contre une moyenne de 5 % de relaxe, tous délits confondus).

...
La société face à la monstruosité de la pédophilie n’a pas su éviter de réagir parfois d’une manière monstrueuse. Il est temps qu’elle redresse la barre.

Jacques Trémintin


Après avoir toujours nié l’existence d’abuseurs sexuels dans ses rangs, l’Éducation nationale a opéré une volte-face au milieu des années 1990 : grâce aux militants de la protection de l’enfance, la pédophilie a enfin été dénoncée et poursuivie.
Mais, sous l’effet de la pression médiatique, cette salutaire prise de conscience a conduit l’État à adopter un dispositif de contrôle inadapté, qui mine en profondeur l’ensemble du corps enseignant. Et qui menace à terme l’équilibre de nos enfants.

C’est ce que montre Marie-Monique Robin dans ce livre, fruit d’une investigation approfondie sur les dérives de la lutte indispensable contre les pervers. En effet, depuis l’adoption en août 1997 de la « circulaire Royal », qui impose le signalement au procureur du moindre « fait » suspect, les accusations de pédophilie en milieu scolaire se sont multipliées.

D’authentiques coupables ont été démasqués, mais des centaines d’innocents ont également vu leur vie brisée. Confrontés à une justice d’exception – inversion de la charge de la preuve, dérive vers la « présomption de culpabilité », sacralisation de la parole de l’enfant… –, plusieurs se suicideront. Or, depuis 1999, près de trois affaires sur quatre se sont conclues par un classement sans suite, un non-lieu ou une relaxe.

Grâce à ses propres enquêtes et à l’expérience de la Fédération des autonomes de solidarité, la principale association d’enseignants, Marie-Monique Robin rapporte ici des témoignages bouleversants d’enseignants injustement mis en cause. Et elle explique comment la plupart de leurs collègues ont modifié en profondeur leurs comportements vis-à-vis des élèves : suppression des classes vertes jugées « trop dangereuses », limitation de tout contact physique – potentiellement « suspect » – allant jusqu’au refus de soigner des enfants blessés, etc.

Entre la protection des victimes et le respect de la présomption d’innocence, faut-il vrai-ment choisir ? L’alerte à l’enseignant pédophile nous interpelle sur l’école que nous souhaitons : celle du soupçon ou celle de la confiance ? Et sur la société de demain, où les enfants d’aujourd’hui auront été conditionnés à assimiler à la perversion tout contact physique avec l’adulte.

Marie-Monique Robin
Editions La Decouverte
Parution en janvier 2006
Collection Cahiers libres
ISBN 2707146757

Posted 19 years, 6 months ago on August 8, 2006
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