October 21, 2006

La protection de l'enfance est-elle en danger ?


Extraits de presse...

«La garde alternée peut être catastrophique pour les enfants»
Le Figaro, le 12 octobre 2006
LE FIGARO. – Pourquoi ce tableau noir de la garde alternée ?
Jacqueline PHÉLIP. – Je suis tout à fait pour ce mode de garde quand il est pratiqué à l'amiable mais farouchement opposée dès lors qu'il y a un conflit parental car les effets sur l'enfant sont alors désastreux. Or il arrive de plus en plus souvent que les juges français l'imposent alors même que les parents ne sont pas d'accord.

Metro, le 13/10/2006 - Au nom des enfants “traités comme des meubles”, et ballottés d’un domicile à l’autre, Jacqueline Phélip veut “arrêter le massacre”. Dans Le livre noir de la garde alternée, Jacqueline Phélip dresse un réquisitoire sans appel contre une formule jugée responsable de “maltraitances psychologiques”.

LE MONDE | 28 septembre 2006
Selon certains pédopsychiatres, la résidence alternée serait dommageable à long terme, notamment pour les jeunes enfants. Laurène, 12 ans, s'inquiète : elle a encore oublié son livre de maths chez son père, alors que, cette semaine, elle réside chez sa mère. (...) Le plus souvent pratiquée à l'amiable, cette forme de garde a été formalisée par la loi du 4 mars 2002. (...) La garde alternée est une « bombe à retardement », affirme de son côté la pédiatre Edwige Antier... Cependant, ce partage du temps de vie de l'enfant en deux parts égales « a priori fonctionne car il positionne les deux parents sur un pied d'égalité », affirme Alain Cazenave, président de l'association SOS-Papa. (...) Sur fond de bataille pour la pension alimentaire, « il ne faut pas que les parents oublient que c'est le confort de l'enfant qui est prioritaire. Il est normal de voir les deux parents autant que possible, mais, selon les âges, les besoins vont être différents », confirme Catherine Audibert, psychologue.

Extrait du web... « Il est temps de retoucher l'imaginaire collectif qui colle à la peau des marâtres depuis des générations, explique Catherine Audibert, psychanalyste et auteur du Complexe de la marâtre (éditions Payot). Car à ce mythe s'ajoute celui de la famille recomposée, où tout n'est pas aussi rose que l'on aimerait le supposer. »

Extrait de Soir 3 du 19 octobre 2006, Jacqueline Phélip (l'Enfant d'Abord) et Alain Cazenave (SOS papa) s'expriment au sujet de la garde alternée :




Au dela de la polémique suscitée et des contradictions de Jacqueline Phélip, une sage-femme plutôt déterminée et non une scientifique, on peut trouver tout un ensemble de travaux et documents auxquels se référer afin d'approfondir le sujet tel que proposé par « le livre noir de la garde alternée ». Chez Dunod, la collection Maurice Berger commence à être conséquente, l'un de ses livres de 1997 est précisément consacré au divorce, à l'adoption et au placement...

L'opinion de Maurice Berger qui se réfère au droit proclamé par le passé, au Canada, ou aux expérimentations sur l'humain plus récentes, en Israël, des suites à de grandes idées qui ont germées je ne sais où pour le moment, vers 1972, probablement au Canada, doit pouvoir se résumer à ceci : « Nous considérons que les liens familiaux ne sont pas bons pour un enfant par « essence ». » - Maurice Berger, JDJ n°212, Février 2002.

Maurice Berger m'apparait ici tout comme l'OSE France, dans le déni du droit proclamé en Europe ainsi qu'en France. Il m'apparait également opposé à d'autres professionnels du secteur, je cite Jean Lavoué : « Tous les acteurs sociaux et politiques semblent être loin d'avoir pris la mesure du fait qu'en matière d'assistance éducative nous sommes sortis massivement et structurellement du contexte social où les travailleurs sociaux, agents de l'état et du contrôle social comme ils se définissaient eux même au cours des années 70, cibleraient, signaleraient, stigmatiseraient, et finalement prescriraient avant tout le controle voire l'enfermement des populations à risques. » - voir Du contrôle social à la demande sociale.


J'ai lu l'extrait du chapitre 1 du livre noir de la garde alternée lisible chez Dunod, j'en retiens ceci pour l'évidente référence au travail de Sagi, en Israël : " Cette étude - Solomon et George - confirme celle qui fut faite dans les kibboutz par Sagi et coll. (1994) qui constatent que les enfants qui dorment loin de leurs parents sont bien plus nombreux que les autres à avoir un attachement insécure à leur mère. (...) L'expérience des spécialistes, mais aussi la nôtre, le confirme : les nuits sont ressenties comme des moments stressants pour l'enfant (elles le sont d'ailleurs aussi pour les adultes). On peut remarquer que la mesure du temps chez les jeunes enfants ne se compte pas en jours mais en nombre de dodos. "

J'ai cherché à approfondir le sujet des kibboutz qui m'intrigue depuis des mois, il est mentionné sur le site de l'Enfant d'Abord mais cela sans aucune référence. Et en effet, lorsque les parents dorment le jour et que l'enfant va au kibboutz la nuit, l'enfant peut avoir de sérieux troubles de l'attachement. Si la mère abuse de substances illicites, ces troubles peuvent être encore plus sévères. D'autre part, il n'y aurait rien de surprenant si les enfants qui grandissent ainsi comptaient les dodos jusqu'au week-end, avec leurs parents... Ce qu'on peut conclure des présentations ce 11 mai dernier, en Floride :


6th Annual Florida Association for
Infant Mental Health Conference
Thursday, May 11, 2006

10:15 11:30 Concurrent Workshops

Attachment: Helping Babies Develop, Helping Mothers Recover (Part 1 of 2 Parts)
Patricia Van Horn, PhD

Attachment is facilitated by the mothers attuned care giving, and substance abuse can hamper this interaction, placing the infant at risk for insecure attachment. ...


Sleeping away from parents at night for kibbutz children: An experiment in nature predestined to fail
Abraham (Avi) Sagi-Schwartz

This session will examine attachment problems resulting from night time care designed for working parents.

Abraham (Avi) Sagi-Schwartz, Ph.D. Professor of psychology and social work at the University of Haifa in Israel, where he has also served as the dean of the graduate school.


Family Process
Volume 41 Page 435 - September 2002
doi:10.1111/j.1545-5300.2002.41310.x
Volume 41 Issue 3

Balancing the Family and the Collective in Raising Children: Why Communal Sleeping in Kibbutzim Was Predestined to End
Ora Aviezer, Ph.D.1, Abraham Sagi, Ph.D.2, Marinus van Ijzendoorn, Ph.D.3

This article integrates research data about attachment in kibbutz-raised children with a review of the socio-historical processes that shaped the interrelations between the kibbutz family and the collective and influenced childrearing practices. It uses systems theory to evaluate the changing practices of kibbutz childrearing with particular focus on communal sleeping for infants and children away from their parents, and its impact on the formation of attachment relations to parents and caregivers, transmission of attachment across generations, and later school competence. It argues that artificial childrearing practices such as communal sleeping for infants and children created a unique and unprecedented "social experiment in nature," which, from the perspective of attachment theory, was predestined to be discontinued because it betrayed the essential attachment needs of most parents and children.


A première lecture, il semblerait que certaines références scientifiques du chapitre 1 n'aient pas le moindre rapport avec la garde alternée. Il apparait par contre de nombreuses références à d'anciens travaux canadiens des années 60 à 70. Lorsqu'on recoupe données françaises et données canadiennes, l'information qui s'en dégage surprend car elle parait relèver du contrôle social à visées économiques.

Du site d'une association de pères séparés canadiens : Aujourd’hui, près de 50% des couples se séparent. Ce phénomène de société est apparu dans le sillon de la Loi du divorce de la fin des années 1960. Statistique-Canada constate que le phénomène a atteint, momentanément du moins, son plafond.

Dans les années 70 on trouve en effet trace de l'idée de la nécessité de faire disparaître la structure familiale :

La famille et la délinquance dans trois sphères culturelles
Emerson Douyon
Sur erudit.com, criminologie, 1975, volume 8

A. ÉVOLUTION OU CRISE
DE LA FAMILLE OCCIDENTALE

La famille, selon Philippe Ariès (1962, 1969) était autrefois une grande communauté intégrée, sans clivage marqué entre les adultes et les jeunes. Au cours de l'histoire, l'écart entre les parents et les enfants s'est considérablement élargi au point de créer ces classes d'âges qui souffrent de plus en plus d'un sentiment d'aliénation au sein de la structure familiale.

D'autre part, l'emprise de la famille sur la quotidienneté de l'existence semble relativement récente. L'intervention de la famille jadis limitée aux périodes de crise interne devient davantage généralisée. Depuis la deuxième moitié du dix-huitième siècle, la famille se fait envahissante et annexe de nouveaux domaines dans la société capitaliste occidentale.

Où conduire cette évolution ? Les plus pessimistes comme David Cooper (1972) pensent que c'est une structure appelée à disparaître et à être remplacée par d'autres structures d'élevage, comme les Kibboutz en Israël ou les nouvelles communautés en Occident. On cherche de plus en plus des alternatives à la famille nucléaire patricentrique. On veut renoncer à fétichiser la consanguinité selon le mot de Cooper. Ce qu'on reproche essentiellement à la famille traditionnelle de l'occident, c'est d'être le prototype des institutions totalitaires. Au lieu que ce soit la Société qui agit sur la famille, c'est plutôt l'organisation familiale qui tend à se reproduire aux différents niveaux de la structure sociale, tels les écoles, l'université, le monde du travail.


Un Projet pilote de garde d’enfants sera réalisé dans cinq communautés canadiennes afin de recueillir de nouvelles connaissances sur le développement de jeunes enfants francophones au sein de communautés francophones en milieu minoritaire. Ce projet pilote fait partie du Plan d’action pour les langues officielles du gouvernement du Canada.

Projet pilote de garde d’enfants
Direction des connaissances et de la recherche
Développement social Canada
355, chemin River Nord, Place Vanier, Tour B, 3e étage
Ottawa ON K1A 0L1


Toujours sur erudit.org, 1977, volume 10, un dialogue qui fait un écho étrange au contexte social et politique français actuel :

Dialogue avec
André Normandeau

Je suis donc différent de l'homme religieux d'autrefois qui projetait à travers ses valeurs religieuses une façon d'interpréter l'homme politique et l'homme économique. Quant à l'homme psychologique, produit du vingtième siècle, je le regarde de l'extérieur car je n'ai pas atteint personnellement ce niveau où je serais tellement détaché du politique et de l'économique que je pourrais dire que j'ai une liberté intérieure totale, indépendante des valeurs politiques, économiques et religieuses.

Nous avons tout d'abord fait un bon travail au niveau de l'analyse quantitative des phénomènes criminels. Je prends, par exemple, le secteur de la délinquance juvénile, des travaux de recherches de Szabo et alii dans les années 60 jusqu'aux travaux des années 70 du Groupe de recherche en inadaptation juvénile de Cusson, Frechette et LeBlanc. En revanche, l'analyse qualitative des phénomènes criminels est demeurée relativement marginale jusqu'à ces derniers temps. Heureusement, les travaux récents de Tardif et alii augurent bien pour l'avenir.

...
Il n'y a pas véritablement de brisure entre les deux mandats, mais plutôt une consolidation et une précision des orientations de la décennie 60. C'est ainsi qu'après bien des hésitations et des discussions souvent laborieuses, nous en sommes venus à reconnaître de facto deux concentrations criminologiques à l'École : a) la criminologie clinique et b) la politique criminelle. Il s'agit donc d'une criminologie du passage à l'acte, dans le premier cas, et d'une criminologie de la réaction sociale, dans le second cas.

La criminologie clinique a ses sources dans le domaine de la psychiatrie et de la psychologie criminelle, alors que la politique criminelle s'appuie sur la sociologie criminelle, la science politique et le droit criminel. Dans cette perspective, nous avons mis beaucoup d'effort et d'énergie à appuyer le secteur clinique par la mise au point d'une véritable structure de stages pratiques alors que le secteur de politique criminelle s'est surtout distingué par le développement de recherches fondamentales et appliquées ainsi que la naissance de deux centres de recherche, le Centre international de criminologie comparée (1969) et le Groupe de recherche en inadaptation juvénile (1973).


Cet ensemble fait écho à la République de Platon, ses trois classes, ainsi qu'à « juger - ne pas juger - punir », voir l'article du 9 octobre 2006... Mais il serait question de garde alternée et il faut écouter selon la critique de « L’échec de la protection de l’enfance » de Maurice Berger sur Lien Social :

Mais, sans doute, de nombreux magistrats n’assument-ils pas ce conflit, comme aussi tant de travailleurs sociaux ignorants, au nom de la loi, que leurs projections inconscientes font entendre l’enfant en eux et pas cet enfant-là qui crie : « Ecoutez-moi ! »


J'ai des doutes quand à la valeur scientifique de l'argumentation de Maurice Berger qui semble d'ailleurs une fois encore se contredire à moins que ce ne soit Jacqueline Phélip qui nous cache certaines de ses intentions. Mais sur de telles bases, il faudrait accepter le contenu du « livre noir de la garde alternée » et même réclamer un changement de la loi ; de la présentation de l'ouvrage sur le site de Dunod : Le présent livre a pour objet de briser cette quiétude, d’informer, d’interpeller les consciences, de provoquer si possible une réaction politique pour modifier le texte de loi.

Là, nous percevons la demande relativement précise d'un groupe d'intérêt. Jacqueline Phélip n'est en effet que la directrice de l'ouvrage et non l'auteure, différentes personnes ont y contribué. Je dois bientôt recevoir ce livre. Je vais l'étudier plus en détails, de nombreux autres aspects m'intriguent aussi, notamment cet appel au peuple afin d'interpeller le législateur.


Metro du 12 octobre 2006, page 12



Du dossier DEI-France de Fréderic Jesu
Extrait d'un texte du 21 janvier 2005 :

La protection de l'enfance est-elle en danger ?

La tentation et la menace d’un aggiornamento psychiatrique totalitaire


On peut, plus précisément encore, affirmer que ces ballons d’essai parlementaires mettent en danger à la fois les familles et le dispositif de protection de l’enfance en ceci que, pour renouer avec l’étymologie du mot “ danger ”, ils prétendent organiser à leur encontre une prise de pouvoir massive : celui, prétendument omniscient et omnipotent, des psychiatres. Cette prise de pouvoir s’argumente et se justifie en plusieurs étapes d’un raisonnement que l’on croyait depuis longtemps révolu.

Première étape : les parents en difficulté, leurs incapacités, leurs dysfonctionnements, leur dangerosité, leur pathologie, leur toxicité relationnelle et éducative, etc. sont tout d’abord circonscrits comme la cause univoque du malheur et du mal être de leurs enfants.

Deuxième étape : qui plus est, ces parents contaminent le dispositif de protection de l’enfance ; sous leur funeste et diabolique influence, celui-ci devient nuisible à son tour dans la mesure où il prétend protéger les enfants tout en préservant des liens familiaux pourtant manifestement viciés. Le droit civil et les juges des enfants contribuent à cette néfaste entreprise.

Troisième étape : seuls les pédopsychiatres, en évaluant seuls, avec leurs seuls outils, les capacités et surtout les incapacités parentales, sont en mesure de centrer le dispositif de protection de l’enfance sur la personne de l’enfant, en extrayant celui-ci de son environnement familial et social pour le confier durablement à une famille d’accueil et, bientôt, il faut le souhaiter, adoptive (agréée comme telle avec leur concours).

Si l’on suivait ce raisonnement primaire, les pédopsychiatres seraient invités à s’approprier, en la qualifiant comme telle, l’intégralité de la sphère du danger psychique et y gérer seuls la décision du maintien ou de la séparation physique de l’enfant avec son milieu d’origine. On se serait attendu à ce qu’ils soient plutôt appelés à placer leurs compétences au service du soin de la relation parents/enfants, de la protection et de la réhabilitation des familles en difficulté – incluant les enfants de ces familles – , ce que la plupart d’entre eux continuent heureusement de faire …


- Que se passe-t-il sur le terrain ? -


Posted 19 years, 1 month ago on October 21, 2006
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