November 18, 2006

Mais qu'est-ce qu'un procédurier ?


« La croyance que rien ne change provient soit d'une mauvaise vue, soit d'une mauvaise foi. La première se corrige, la seconde se combat. » Nietzsche, 1844-1900

... La justice étant un service public, l’intervention active du juge dans l’instruction de l’affaire n’en apparaît que plus justifiée et légitime. Il lui appartient de veiller à ce que la justice ne soit pas abusivement encombrée par le fait de justiciables procéduriers - voire par des quérulents processifs - au détriment de tous ceux qui demandent à être restaurés dans leurs droits ou qui prétendent à une solution qu’ils estiment juste et équitable.

Enfin, si le procès civil oppose souvent des particuliers, l’ordre public n’est pas pour autant absent des débats qui se déroulent devant les juridictions civiles. Il suffit, pour s’en convaincre, de considérer le nombre des affaires civiles et commerciales dans lesquelles le ministère public intervient, fût-ce comme partie jointe[*].

Dans un tel contexte, il n’est plus possible de proclamer sans nuance que le procès civil demeurerait la chose des parties. Une telle affirmation apparaîtrait contraire à la philosophie du procès civil telle qu’elle résulte de l’influence conjuguée des exigences européennes et des critères qui servent à évaluer le délai raisonnable.

L’intervention du juge est aisée à admettre sur le cours de la procédure car il ne s’agit “que” d’un déroulement temporel de l’administration de la justice. Le droit substantiel n’est, en théorie, pas atteint. Il n’est pas question ici du fond de l’affaire mais uniquement de son traitement judiciaire. Si le litige fait intervenir desintérêts privés, le déroulement de la procédure relève, davantage encore, de l’intérêt général. C’est pourquoi il faut considérer que le principe dispositif s’applique plus directement au litige qu’à l’instance. Ce n’est que relativement à la matière litigieuse que le procès est la chose des parties. Berriat Saint-Prix, dans son cours de procédure civile publié en 1881, écrivait déjà : “l’instruction se fait sous la surveillance directe ou indirecte du juge. Cela résulte de la nature de l’instruction qui a pour but, on le répète, d’éclairer le juge.”

Du rapport Magendie,
Célérité et qualité de la justice,
15 juin 2004, de la page 24 :

[*] Il en est ainsi en matière d’état des personnes, de procédures collectives, et en ce qui concerne les actions en responsabilité de l’État en raison d’un dysfonctionnement du service de la justice.


Satire de l’institution

Dans Les Guêpes, Aristophane, en 422 avant J. C. a voulu tourner en dérision la manie des procès et les défauts des juges. L’oeuvre a inspiré Les Plaideurs de Racine, qui a fait ainsi une satire des gens de justice procéduriers. L’inflation de la procédure multiplie les frais de procès. La rhétorique pédante et formelle des avocats est dénoncée ainsi que leur grandiloquence tout à fait creuse. Les juges sont corrompus par des cadeaux, les « épices ». Le langage juridique abuse les profanes. Déjà, la farce médiévale de Maître Pathelin nous avait montré un marchand abusé par un avocat, puis le même avocat berné par un berger. Le Tiers Livre, dont le juge Bridoie est repris par Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro – ainsi que Le Cinquième Livre de Rabelais nous présente les « chats fourrés », créatures rapaces qui vivent de corruption à l’instar des juges. S’y ajoute la bêtise, la paperasserie et le formalisme auxquels Rabelais oppose l’esprit du droit, une étude intelligente des textes inspirée par l’humanisme.

Le grand spectacle lui-même de la justice permet au scepticisme de Montaigne et de Pascal de s’exercer. La justice est représentation, sans fondement rationnel ou naturel. Si celle-ci exprimait la vérité et l’équité, elle n’aurait pas besoin de cette démonstration extérieure si pompeuse de cette mise en scène de son propre pouvoir, étudiée par Michel Foucault dans Surveiller et Punir (1975). On juge selon l’intérêt, l’humeur et l’apparence, ce qui montre la faiblesse de la raison. La diversité des lois montre le caractère coutumier de la justice, contingente et arbitraire : dans ce domaine, il n’existe aucune vérité universelle et éternelle.


L’idéal de justice contre l’institution

Dans Le Mariage de Figaro, la satire de la justice est articulée à celle de l’aristocratie. Les officiers de justice incompétents et injustes sont dénoncés à la faveur de la situation qui forme la structure dramatique même de la pièce : un mariage empêché, celui de Figaro, ce qui permet à ce dernier de défendre la valeur du mérite contre les avantages de l’aristocratie en place.

Extrait de Justice et pouvoirs : la justice en procès
Gilbert Guislain,
Professeur de culture générale au lycée Notre-Dame du Grandchamp à Versailles, interrogateur au lycée Saint-Louis de Gonzague à Paris en classes préparatoires et à Intégrale.

Ein gesunder
Volkskörper
L’obsession d’un « corps social sain » comme
condition préalable et permanente de la guerre
totale sous le Troisième Reich (1933-1945)
Un article de la revue Quasimodo


A quelques siècles de distance, la littérature propose donc par le biais de la satire un portrait très semblable du paysan, plus proche d'une image mentale relevant d'une manière de penser le monde que d'un document objectif. Que plusieurs générations successives d'écrivains aient affiché leur mépris pour les ruraux en leurs attribuant tous les vices jusqu'à les rendre responsables parfois de la décadence d'une société, jetant ainsi l'anathème sur ceux qui précisément leur assuraient le ravitaillement, voilà ce qui fait problème.

La satyre du vilain à travers quelques
textes du moyen-âge
Claire Cabaillot




Lucien Métiver, La loterie, 1901
Le sanglot judiciaire, page 124


Le Parnasse des poètes satyriques ou Parnasse satyrique (1622), est un recueil de poèmes violents contre l’esprit dogmatique, la bêtise en général et l’intolérance religieuse en particulier. C’est un hymne à la liberté d’être et de jouir. Sa parution a valu à ses deux principaux auteurs, Théophile de Viau et Pierre Berthelot, d’être condamnés à mort. Sa censure entraînera la défaite de la libre pensée au profit de l’absolutisme royal et de la Contre-Réforme, jusqu’à sa renaissance au XVIIe siècle. Présentation du livre... Qui entraîna aussi la répression des libertins au XVIIe siècle, voir à la BNF.

Eliminer les opposants politiques - Les magistrats les plus militants justifient cette épuration et il vaut la peine de s'arrêter sur les arguments qu'ils avancent car ils sont révélateurs de la signification de la loi d'août 1883 (un millier de magistrats est évincé et la création du Conseil supérieur de la magistrature est envisagée, voir l'histoire de la justice) et plus généralement de l'attitude des Républicains vis à vis de la magistrature. La justification la plus courante porte sur le terrain politique : on estime normal que le régime en place - soutenu par l'opinion depuis un grand nombre d'années comme l'ont prouvé les élections - prenne toute mesure utile pour réduire une opposition à sa politique qui se manifesterait au sein de l'administration comme au sein de la magistrature. Le sanglot judiciaire, au sujet de l'épuration du corps d'Etat, pages 188-189.




Justice : le gouvernement veut
prévenir les défaillances



Par Eben Moglen
Professeur de droit et d'histoire du droit
à l'école de droit de Columbia :

Voici la définition traditionnelle d'un avocat véreux : un juriste qui, quand la loi est contre lui, martèle les faits ; quand les faits sont contre lui, martèle la loi ; et quand les faits et la loi sont tous deux contre lui, il martèle du poing sur la table.


- Une mauvaise vue ou une mauvaise foi ? -


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Re: Mais qu'est-ce qu'un procédurier ?
Justice / Outreau : l'autre affaire
La Voix du Nord, édition du samedi 15 avril 2006
Un acquitté, six condamnés

«Une accusation fourre-tout»

La corruption de mineurs, c’est l’ancienne «incitation à la débauche de mineurs», que Me Hervé Corbanesi qualifie d’«accusation fourre-tout et tentaculaire». Car, il faut bien l’écrire, on ne sait pas bien ce qui se cache derrière. Et on ne le saura jamais, puisque la cour d’assises – contrairement à de nombreuses juridictions – n’a pas à motiver sa décision.

«La morale bourgeoise a envahi le prétoire. Ce n’est pas une décision de justice, c’est une décision de morale», poursuit Me Hubert Delarue. Jusque dans les rangs de la partie civile, on s’étonne d’un verdict qui ne garde «que» les faits les moins évoqués. «C’est une décision curieuse, qui n’a pas de sens», regrette Me Marc Pantaloni, représentant des enfants. Lui non plus n’est pas satisfait: «J’attendais une décision qui puisse leur permettre d’estimer qu’ils avaient été entendus.» En écartant les viols et agressions sexuelles, selon lui, elle les en empêche.

«Une opération de sauvetage»

En écartant les viols et agressions sexuelles, pour Me Dupond-Moretti, ce procès est «un fiasco». Après la tempête de l’affaire d’Outreau, le verdict constitue «une opération de sauvetage: il fallait sauver la maison justice à n’importe quelle condition», renchérit Me Crépin. «La justice avait l’occasion de sortir par la grande porte. Elle prend la porte de service», ajoute Me Dupond-Moretti.



dimanche 5 novembre 2006, 20h24
Pascal Clément relance la réforme de la responsabilité des juges

PARIS (Reuters) - Le ministre de la Justice Pascal Clément confirme qu'il engagera bien une réforme élargissant la responsabilité des magistrats, après avoir dans un premier temps promis son abandon.

Le Garde des sceaux a expliqué au Grand jury RTL-le Figaro-LCI que cette volte-face n'en était pas une et qu'il s'agissait d'un malentendu.

Il n'aurait en fait annoncé qu'une "réflexion" supplémentaire sur le sujet lors d'un Congrès de l'Union syndicale des magistrats, le 20 octobre et non l'abandon du projet.

"Les gens ont entendu 'je le renvoie à la réflexion', ils se sont dit : donc, il ne veut plus rien. Mais j'avais dit la phrase d'avant, je vais préciser", a-t-il expliqué.

Le projet sera donc bien présenté aux députés, a finalement confirmé Pascal Clément. Son annonce initiale d'abandon semble en fait avoir été mal appréciée par le Premier ministre Dominique de Villepin, qui a exigé le maintien du projet lors d'une intervention télévisée le 22 octobre.

Ce projet, établi après le fiasco judiciaire du dossier Outreau, prévoit de pouvoir sanctionner une "violation délibérée des principes directeurs de la procédure" par un juge. La magistrature critique vivement ce texte en estimant qu'il porte atteinte à son indépendance.

Le Conseil d'Etat l'a critiqué dans un avis en estimant qu'il y avait déjà possibilité de sanctionner ce type d'irrégularité par des voies de recours normales contre les décisions (appel, cassation).

Le Conseil constitutionnel devra être consulté sur ce projet, ce qui rend incertaine son adoption avant l'élection présidentielle.

Pascal Clément a par ailleurs confirmé l'abandon du projet de réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), organe constitutionnel chargé de gérer la carrière et la discipline des magistrats.

Il était initialement prévu de modifier sa composition pour rendre les non-magistrats majoritaires au sein du CSM. Cette idée a soulevé aussi un tollé au sein de la magistrature.



vendredi 17 novembre 2006, 13h37
Enquêtes multiples sur la prison de Fleury-Mérogis

PARIS (Reuters) - Plusieurs enquêtes administratives et judiciaires ont été ouvertes sur la prison de Fleury-Mérogis, dans l'Essonne, la plus grande d'Europe.

... Le Parisien a publié mardi un entretien avec une ancien détenu de Fleury-Mérogis, seulement identifié par le prénom de Guy-Charles, mis en examen pour viol sur mineure.


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