November 19, 2006

Japon: les autorités embarrassées par une vague de suicides à l'école


Le Monde, le 18 novembre 2006
Secret de l'instruction et information

A l'issue d'une affaire sur la "violation du secret de l'instruction", le magistrat Albert Lévy, poursuivi depuis 8 ans, a été relaxé. Le droit de la presse sort renforcé d'une décision de justice.

TOKYO (AFP) - Les autorités japonaises sont de plus en plus embarrassées par une vague de suicides de collégiens se disant victimes de brimades, un fléau dans beaucoup d'écoles de l'Archipel.

Au moins quatre adolescents de 12 à 14 ans se sont donnés récemment la mort depuis que le ministère de l'Education a dévoilé des lettres anonymes qu'il avait reçu d'élèves menaçant de se suicider.

Le scandale éclate au moment où les autorités scolaires sont déjà sur la sellette pour avoir minimisé des affaires de harcèlement à l'origine de précédents suicides.

Début novembre, le proviseur d'un collège du sud du Japon s'est pendu après avoir été accusé d'étouffer une affaire de racket dont était victime un élève de son établissement.

"Les profs ne font rien. Je serai peut-être mort quand cette lettre arrivera", accusait une des lettres anonymes reçues il y a quelques jours au ministère de L'Education.

Le ministre de l'Education, Bunmei Ibuki, a reconnu qu'il s'attendait à ce que la publication des lettres provoque une "réaction en chaîne".

"Nous aurions été critiqués de toutes façons. Mais si je ne montre pas ma résolution à faire face aux critiques, les proviseurs et les conseils ne se décideront jamais à aborder le problème", a-t-il plaidé.

M. Ibuki a ordonné aux écoles de repérer les élèves désespérés susceptibles d'attenter à leurs jours.

Il a également demandé aux collégiens d'arrêter de lui écrire: "Vos vies n'appartiennent pas qu'à vous. Vous n'êtes pas seuls. Le suicide ne règle rien", a exhorté M. Ibuki.

Les écoles japonaises sont souvent le théâtre de brimades entre élèves, un phénomène que les experts attribuent à la pression intense qu'exerce la société sur les enfants pour qu'ils se fondent dans le moule.

Le Japon est par ailleurs un des pays où le taux de suicide est le plus élevé et où se donner la mort se heurte à peu d'interdits sociaux ou religieux.

Selon Yasuyuki Shimizu, responsable d'un groupe anti-suicide, ceux qui briment les autres à l'école le font souvent pour éviter d'être brimés eux-mêmes, d'où un cercle vicieux.

"L'étroitesse d'esprit du système scolaire japonais contribue au problème", accuse M. Shimizu.

Au moment où le Premier ministre conservateur Shinzo Abe met en oeuvre une réforme de l'éducation pour enseigner les "valeurs morales" et le "patriotisme" --un sujet tabou depuis 1945--, la gauche et les syndicats estiment qu'il ferait mieux de s'atteler à combattre la violence à l'école.

Le quotidien Mainichi a réclamé des sanctions contre les responsables de brimades: "Une des raisons de l'absence de réaction de la part des écoles est la difficulté à traiter le problème avec les coupables et leurs parents. Prendre des mesures en faveur des victimes seulement ne résoudra pas le fléau à la racine", a argué le journal.

Les autorités espèrent que le recours aux médias permettra d'identifier les auteurs des lettres anonymes et les victimes de harcèlement.

Mais certains accusent les médias de mettre de l'huile sur le feu, en incitant d'autres adolescents à se suicider ou menacer de le faire, de par leur couverture qui frise l'hystérie.

Les télévisions ont multiplié les émissions spéciales, à grand renfort de célébrités et de psychiatres, pour exhorter les élèves à réfléchir au sens de la vie.

Pour M. Shimizu, militant anti-suicide et lui-même ancien cadre de la radio-télévision, les médias japonais devraient établir un code de conduite pour traiter des telles affaires.

"Les gens qui pensent au suicide lisent et regardent les nouvelles", rappelle-t-il.

"Les médias ne relaient les numéros d'urgence anti-suicide qu'une fois ou deux, mais la caisse de résonance sur les décès et les brimades est permanente. Les journalistes doivent penser à l'impact de leurs reportages sur ceux qui les écoutent", souligne-t-il.


- Epinglé mais à quel prix ? -


Posted 6 days, 19 hours ago on November 19, 2006
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Re: Japon: les autorités embarrassées par une vague de suicides à l'école
Maurice Corcos, pédopsychiatre, face au nombre croissant d'automutilations
«Au lieu d'exprimer un désarroi, les ados utilisent leur corps»
Par Julie LASTERADE
QUOTIDIEN : vendredi 24 novembre 2006

Aux Etats-Unis, l'incidence des automutilations a presque doublé en vingt ans. En France, aucune étude épidémiologique n'est capable de chiffrer précisément cette pratique pathologique, mais les automutilations seraient de plus en plus nombreuses, de l'ordre quelques dizaines de milliers par an. Elles s'exerceraient principalement chez les filles, et de façon plus précoce. Aujourd'hui, la Société française de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent débattra des nouvelles formes de souffrance psychique des jeunes. Maurice Corcos, pédopsychiatre à l'Institut Montsouris (Paris), spécialiste des troubles du comportement de l'adolescent, s'alarme du nombre de jeunes qui consultent pour des automutilations.


Piercings et tatouages sont-ils des automutilations ?

Non, car ils s'inscrivent plutôt dans une sorte de rite d'initiation au passage à l'âge adulte. Les vraies automutilations sont les écorchures, les coups, les morsures, les brûlures, le fait de s'arracher les ongles ou les cheveux. Mais ce sont aussi l'anorexie ou la boulimie, et l'ensemble des conduites toxicomaniaques. Ces blessures infligées à soi-même sont d'autant plus inquiétantes qu'elles commencent tôt, qu'elles se répètent et que l'adolescent ne peut pas les contrôler.


Le nombre d'adolescents qui s'automutilent aurait doublé en quarante ans. Ont-ils trouvé là un nouveau mode d'expression de leur souffrance ?

Les générations actuelles ont l'air d'avoir du mal à contenir leur souffrance dans leur tête. Avant, on recevait des jeunes pour des obsessions, des phobies, des conduites d'opposition à la famille. On en observe de moins en moins. Au lieu d'exprimer verbalement une anxiété,un désarroi, maintenant, les ados utilisent leur corps. Il n'est jamais bon que des passages à l'acte exercés contre soi remplacent une expression verbale. D'autant qu'ils vont de pair avec l'augmentation des suicides chez les jeunes.


Comment expliquez-vous cette évolution ?

Nous sommes dans une société avec des familles plus éparpillées et plus désemparées. Nous recevons des parents qui ont une extrême difficulté à contenir leurs ados, voire qui en ont peur. Or, à cet âge-là, les jeunes n'ont pas tous les critères pour choisir, il faut que les familles et la société puissent les guider, c'est-à-dire témoigner d'une aspiration ou d'un désir pour eux. Car, si aujourd'hui l'ado est plus libre de se construire, il est aussi plus libre de se détruire s'il va mal.


Ces adolescents consultent-ils parce qu'ils souffrent de leurs blessures ?

Lorsqu'ils viennent, ils n'exhibent pas leurs cicatrices. Ils disent : «Ça ne me fait pas mal, ne vous inquiétez pas.» Un ado demande rarement explicitement de l'aide, car témoigner de sa souffrance à un adulte est vécu comme une faiblesse. Souvent, sa demande est dans le symptôme. Par exemple, une anorexique ou un jeune qui se scarifie ne dit pas qu'il va mal, mais il le montre avec ses 25 kilos ou son bras lacéré. Si la demande n'est pas entendue, l'ado va continuer à maigrir, à se scarifier, jusqu'à ce que quelqu'un réagisse. Les parents ont souvent du mal à voir la souffrance de leur enfant, parce qu'elle les fait eux-mêmes souffrir, mais aussi parce qu'elle les renvoie à leur propre souffrance. Mais il ne faut pas banaliser ces symptômes autoagressifs.


Ce ne sont pas seulement les signes d'une crise d'adolescence ?

Non, cela ne passe pas tout seul. Plus l'adolescent qui s'automutile est pris en charge tardivement, plus son comportement est devenu comme une habitude. Ces cicatrices sur le corps renvoient à des cicatrices psychiques résultant de traumatismes ou de souffrances qui datent de l'enfance. Ces plaies se manifestent à la puberté, lorsque l'adolescent doit gérer ses transformations physiques et psychiques.


Pourquoi refusez-vous que les adolescents soignés dans votre service s'expriment dans les médias ?

D'abord, il n'est jamais bon pour un adolescent qui n'a pas encore compris pourquoi il va mal d'exposer son problème au monde. Ensuite, un témoignage médiatisé bénéficie d'une aura particulière, même si elle est morbide. Ainsi, si une jeune femme explique à tous qu'elle se scarifie parce que ca l'apaise, parce que ça la calme et qu'elle y trouve même du plaisir, il y a fort à parier qu'un certain nombre d'ados vulnérables vont vouloir essayer. Or ces comportements autoagressifs ont un potentiel addictif majeur.


http://www.liberation.fr/actualite/societe/219054.FR.php

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