December 3, 2006
Des collectifs appellent à la fraternité, à la paix, à l'équité
Aujourd'hui, 3 décembre, je suis passé place Saint Sulpice. Cela a été une opportunité pour moi de discuter avec de nombreux bénévoles et professionnels du secteur de l'action sociale, plus précisemment de l'aide aux enfants et aux familles les plus démunies sinon, tout simplement, en difficultés (handicap, maladie, chomage...). Ces mêmes familles sont certainement parfois totalement désemparées face aux institutions, sentiment que partagent d'ailleurs de nombreuses personnes :
Enfants placés : les "rapts" de l'Administration iFrap, Société Civile N°43 "j’ai eu le malheur de parler de mes difficultés financières à l’assistante sociale. Tous les services sociaux se sont mis sur mon dos. On me reproche de ne pas bien nourrir mes enfants, de ne pas leur acheter des habits neufs, de ne pas les emmener chez le coiffeur. D’où le signalement, puis le placement. Pourquoi l’Etat donne-t-il 150 € par jour à mes gamins en les séparant de leur maman ?". D’après le rapport Navés-Cathala, du nom de deux inspecteurs généraux de l’administration, sur les "accueils provisoires et placements d’enfants et d’adolescents" (juin 2000), l’administration a acquis une réputation de "rapteuse". Le rapport 2004 de la "Défenseure des enfants" appelle à une amélioration du dialogue entre les parents et les travailleurs sociaux, "faute de quoi les services responsables continueront d’être ressentis, parfois, comme des voleurs d’enfants". "Craignant que l'enfant ne soit gravement maltraité, par exemple en cas de conflit congugal violent, il - le Juge des Enfants - prend dans la moité des cas la décision en apparence la moins risquée : le placement hors de la famille. Le rapport Navés-Cathala estime en outre que "la mesure prise dépend beaucoup plus souvent de l'offre existante que des besoins de la famille et de l'enfant" : s'il y a des places disponibles dans un établissement, le juge les remplira." |
Qui ne va pas à la recherche de l'informations ne se doute pas combien ces dispositifs peuvent parfois dériver, surtout lorsqu'il est question de handicap et de prestations sociales, à lire sur le site du Sénat, séance du 5 octobre 2006, extraits :
Mardi dernier, à seize heures trente, une personne handicapée, estimant qu'elle était spoliée de ses droits, est venue dénoncer devant l'Assemblée nationale, à l'aide d'une pancarte, le sort que lui réservait l'UNEDIC ; quelques minutes plus tard, elle était saisie par neuf policiers, dont trois en civil, et emmenée à l'hôpital Georges-Pompidou. (...) Déshabillé, mis en cellule, privé de toute possibilité de joindre ses proches, cet homme est resté jusqu'au lendemain matin à attendre l'arrivée du psychiatre, qui n'aura mis que dix minutes pour reconnaître qu'il n'avait aucun doute sur l'intégrité psychique et psychologique de la personne examinée. (...) Madame la présidente, je souhaite que la souffrance et la solitude des plus faibles ne soient plus prises pour de la folie, et, en tous les cas, que les débats que nous avons et les textes que nous votons servent à les protéger. |
Sur le plan du lobbying, très intéressant encore pour ce que j'ai rapporté de cette journée, qui semble s'inscrire en complément de mes informations :
8 octobre 2006 - Du plaisir en bouteille, un sujet tabou "45 000 morts par an, 5 millions de malades", l'alcool, le psychotrope du pauvre, l'anxiolitique et souvent la perte des marginalisés. Un rapport parlementaire propose que les élèves reçoivent une éducation au vin LEMONDE.FR avec Reuters | 30.11.06 "Afin de mieux défendre le vin français, les députés de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la viticulture recommandent d'informer, dès l'école, sur les "effets bénéfiques du vin dans le cadre d'une consommation appropriée". Le journal de l'Action Sociale, septembre 2006, de l'édito: "Il s'agit d'abord de maintenir éveillé la vigilance de tous sur l'importance de la liberté d'expression dans la sauvegarde du contrat social. Or, celle-ci est menacée lorsque la presse n'est plus que l'émanation de grands groupes financiers. D'ailleurs les journalistes eux même s'inquiètent de cette évolution, comme le démontrent les multiples démissions de ces derniers mois, dont tout récemment celle de Florence Aubenas, auteur d'un excellent ouvrage sur Outreau, à Libération." |
![](/CollectifFraternite.png)
Partenaires du collectif appel à la fraternité
Mais le dossier de Sébastien, marginalisé par le dispostif de la protection de l'enfance, ou le dossier de Justine, maltraitée par le même dispositif, avec ses lettres de cachet dans l'intérêt de tiers, ne sont donc d'aucun rapport avec ce qui était valorisé place Saint Sulpice. Pour ce qui concerne Sébastien et Justine, l'institution s'est empètrée puis obstinée là où elle devrait veiller à prévenir et à protéger les enfants et leurs familles. L'essentiel est détaillé dans le tract que j'ai distribué, pour information.
Je vais ensuite assister à ce forum où j'espère avoir l'opportunité de faire part de mon point de vue à la salle ainsi qu'aux organisateurs :
www.decennie.org - La Coordination française pour la Décennie a le plaisir de vous inviter au : sur le thème : « Quelle place pour l'éducation à la non-violence et à la paix dans l'école de demain ? » Le samedi 9 décembre 2006, de 9h à 17h Au Palais Bourbon, salle Colbert, à Paris |
Puis il y aura encore d'autres rencontres, colloques et conférences...
Pratiques de sauvetages en situations génocidaires Perspectives comparatives Colloque international Paris, 11, 12 et 13 décembre 2006 Ecole doctorale de Sciences Po 56 rue Jacob 75006 Paris |
Posted 19 years, 1 month ago on December 3, 2006
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Fraternité, fraternité, fraternité, à d'autres
Chronique
Fraternité, fraternité, fraternité, par Jean-Michel Dumay
LE MONDE | 02.12.06 | 14h51 • Mis à jour le 02.12.06 | 14h53
Aujourd'hui, on vous invite à trinquer au "verre de la fraternité". Et non plus de l'amitié. C'est ainsi qu'on fait désormais à Tournon-sur-Rhône, une bourgade ardéchoise où Mallarmé fut professeur d'anglais. Le maire, Jean Pontier (PRG), y diffuse le concept à sa manière de vieil élu local à l'enthousiasme et l'énergie communicatifs. Car c'est d'abord un état d'esprit, la fraternité. A Tournon, les jeunes ont même construit, devant la gare, un totem à sa gloire.
C'est un joli mot, aussi. Qui sonne, chante, éclaire, ouvre sur le monde et enveloppe son prochain. Un mot qui sait faire la fête, comme devant l'église Saint-Sulpice, à Paris, où, jusqu'au 3 décembre (avec le secret espoir de se multiplier ailleurs), s'animent de chaleureux chalets abritant associations, musiciens, commerces équitables et centres d'aide par le travail pour jeunes handicapés. Pour faire un "village de la fraternité".
Fraternité. N'est-ce pas là cependant un mot dont on cherche parfois le sens, à regarder la masse dans les transports en commun, où s'entassent, baladeurs aux oreilles, des individualités soumises à leurs décibels personnels, indifférentes aux nuisances résiduelles ? C'est un mot qu'on voit partout sur les frontons républicains : Fraternité. Ah ! la devise, alphabet premier de la République ! Liberté ? Tout le monde sait : nos ancêtres se sont battus pour cela. Egalité ? Tout le monde croit savoir, quoiqu'on préfère de nos jours évoquer l'équité. Mais fraternité ? C'est comme si le mot était en quête d'académiciens pour jeter les bases d'une consistance et d'une chair nouvelles, d'une actualisation, d'une redéfinition. Il paraît d'ailleurs qu'on prévoit d'en faire un colloque à l'UMP. En attendant, un collectif (www.grandecausefraternite.com) vient d'y consacrer trois journées de réflexion.
En 2004, Jean-Pierre Raffarin avait élevé l'idée au rang de "grande cause nationale". Des centaines d'associations s'y sont jointes. Des kyrielles de personnalités - de tous bords, mais d'abord de celui des humains - ont signé un appel pour elle. Huit cents maires, dont les deux tiers des grandes villes, ont paraphé une charte. Pour eux, repenser le lien social, c'était déjà une grande cause locale. Mais pourquoi cette aspiration, cette lame de fond ?
Avançons deux raisons : d'abord parce qu'en nous, quand bien même, bien enfoui, sommeille tout de même, à des degrés divers, le souci de l'autre, notre double, si irritant et attachant, tellement le même et tellement un autre. Ensuite parce que nous rentrons dans une ère fortement marquée par la vulnérabilité et la dépendance - intergénérationnelle, notamment - qui conduit à nous interroger sur notre propre vulnérabilité.
Les Anglais ont un verbe, care, pour dire tout à la fois "s'occuper de", "faire attention", "prendre soin". Et un substantif, qui conduit à désigner la sollicitude. Le "care", qui désigne donc l'aptitude à se soucier des autres, est devenu un sujet d'études, comme ses enjeux éthiques ou sociaux, dont le mensuel Sciences humaines se fait l'écho dans sa livraison de décembre. Or, comme le montrent les chercheuses Patricia Paperman et Sandra Laugier, la perspective du "care" nous pousse surtout à voir le monde différemment, à réorganiser nos valeurs.
Là où nos sociétés occidentales n'aspiraient jusqu'à présent essentiellement qu'à du juste (un idéal de justice universel et abstrait), le care bouscule nos priorités. L'important se concrétise, avec des questions du type : qui fait quoi ? qui prend en charge et comment ? Pour lutter contre la dépendance et la vulnérabilité, l'attention, l'empathie, l'amour du prochain deviennent des valeurs premières. L'important devient le geste, ici et maintenant, envers le faible ou celui qui souffre. C'est la main tendue. L'écoute. Moins que la justice. Ce qui n'empêche pas sa quête. Alors, trinquons à la fraternité ! Et tâchons d'être, sinon justes, déjà plus sensibles.
Jean-Michel Dumay
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Fraternité, fraternité, fraternité, par Jean-Michel Dumay
LE MONDE | 02.12.06 | 14h51 • Mis à jour le 02.12.06 | 14h53
Aujourd'hui, on vous invite à trinquer au "verre de la fraternité". Et non plus de l'amitié. C'est ainsi qu'on fait désormais à Tournon-sur-Rhône, une bourgade ardéchoise où Mallarmé fut professeur d'anglais. Le maire, Jean Pontier (PRG), y diffuse le concept à sa manière de vieil élu local à l'enthousiasme et l'énergie communicatifs. Car c'est d'abord un état d'esprit, la fraternité. A Tournon, les jeunes ont même construit, devant la gare, un totem à sa gloire.
C'est un joli mot, aussi. Qui sonne, chante, éclaire, ouvre sur le monde et enveloppe son prochain. Un mot qui sait faire la fête, comme devant l'église Saint-Sulpice, à Paris, où, jusqu'au 3 décembre (avec le secret espoir de se multiplier ailleurs), s'animent de chaleureux chalets abritant associations, musiciens, commerces équitables et centres d'aide par le travail pour jeunes handicapés. Pour faire un "village de la fraternité".
Fraternité. N'est-ce pas là cependant un mot dont on cherche parfois le sens, à regarder la masse dans les transports en commun, où s'entassent, baladeurs aux oreilles, des individualités soumises à leurs décibels personnels, indifférentes aux nuisances résiduelles ? C'est un mot qu'on voit partout sur les frontons républicains : Fraternité. Ah ! la devise, alphabet premier de la République ! Liberté ? Tout le monde sait : nos ancêtres se sont battus pour cela. Egalité ? Tout le monde croit savoir, quoiqu'on préfère de nos jours évoquer l'équité. Mais fraternité ? C'est comme si le mot était en quête d'académiciens pour jeter les bases d'une consistance et d'une chair nouvelles, d'une actualisation, d'une redéfinition. Il paraît d'ailleurs qu'on prévoit d'en faire un colloque à l'UMP. En attendant, un collectif (www.grandecausefraternite.com) vient d'y consacrer trois journées de réflexion.
En 2004, Jean-Pierre Raffarin avait élevé l'idée au rang de "grande cause nationale". Des centaines d'associations s'y sont jointes. Des kyrielles de personnalités - de tous bords, mais d'abord de celui des humains - ont signé un appel pour elle. Huit cents maires, dont les deux tiers des grandes villes, ont paraphé une charte. Pour eux, repenser le lien social, c'était déjà une grande cause locale. Mais pourquoi cette aspiration, cette lame de fond ?
Avançons deux raisons : d'abord parce qu'en nous, quand bien même, bien enfoui, sommeille tout de même, à des degrés divers, le souci de l'autre, notre double, si irritant et attachant, tellement le même et tellement un autre. Ensuite parce que nous rentrons dans une ère fortement marquée par la vulnérabilité et la dépendance - intergénérationnelle, notamment - qui conduit à nous interroger sur notre propre vulnérabilité.
Les Anglais ont un verbe, care, pour dire tout à la fois "s'occuper de", "faire attention", "prendre soin". Et un substantif, qui conduit à désigner la sollicitude. Le "care", qui désigne donc l'aptitude à se soucier des autres, est devenu un sujet d'études, comme ses enjeux éthiques ou sociaux, dont le mensuel Sciences humaines se fait l'écho dans sa livraison de décembre. Or, comme le montrent les chercheuses Patricia Paperman et Sandra Laugier, la perspective du "care" nous pousse surtout à voir le monde différemment, à réorganiser nos valeurs.
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