March 27, 2007

Une évolution encouragée, voire suscitée


L'ère des grandes affaires politico-financières est révolue
Article paru dans l'édition du Monde du 17.07.05

Le départ des « juges stars ». Plusieurs juges médiatiques, adeptes des actes d'instruction spectaculaires, sont partis. Eva Joly a regagné sa Norvège natale, Laurence Vichnievsky a accédé à la présidence du tribunal de Chartres, Isabelle Prévost-Desprez a également quitté l'instruction... Quant à Eric Halphen, il s'est mis en congé de la magistrature. Tous ont fait part de leur lassitude, voire de leur découragement. Aujourd'hui, le pôle financier parisien abrite encore deux juges connus du grand public : Philippe Courroye et Renaud Van Ruymbeke.

Cependant, si ces magistrats instruisent plusieurs dossiers sensibles (Total, frégates de Taïwan...), ils le font dans la discrétion. L'un comme l'autre ne paraissent guère goûter au vedettariat, refusant notamment d'accorder des entretiens à la presse.

(...) Tout se passe comme si, désormais, les citoyens tenaient pour acquis la corruption d'une partie de la classe politique.

(...) Ce sont les faits divers et le fonctionnement de la justice elle-même qui sont désormais au coeur des préoccupations. Une évolution que les hommes politiques ont encouragée, voire suscitée.


Pour plus de détails, voir au 3 décembre 2005, « Ce serait la fin des `'affaires" »

TRIBUNAL DE CHARTRES : Juger avec les moyens du bord
Enquête parue dans le magazine Valeurs Actuelles du 31 mars 2006.
Voir sur le site du CREFMPM.

Salles d’audience surchargées, explosion du nombre de dossiers, magistrats et greffiers obligés à un rendement maximum. À Chartres, comme ailleurs, faute de moyens, la Justice fonctionne à flux tendu. Reportage.

(...) Trente-cinq magistrats assurent le fonctionnement du TGI, sous la présidence de Laurence Vichnievsky, qui fut, avec Eva Joly,l’une des deux juges de l’affaire Elf. Vingt-sept juges sont affectés au siège (instruction, libertés et détention, application des peines, juge pour enfants, affaires familiales...), où deux postes n’ont toujours pas été pourvus. Du côté du parquet (procureur,vice-procureur et substituts), huit postes sont encore vacants. Quant aux fonctionnaires, ils sont soixante-cinq, dont trente greffiers, les autres étant répartis entre secrétaires et assistants judiciaires. Mais sur quatre greffiers partant à la retraite, un seul sera remplacé,alors que c’est justement la fonction pour laquelle le tribunal manque le plus de personnel...

Dans les bureaux et les couloirs du tribunal, ce qui frappe, c’est la quantité de dossiers qui s’entassent.

(...) Outre le manque de matériel et des locaux inadaptés, deux salles d’audience alors qu’il en faudrait trois (le tribunal, installé dans de vieux bâtiments exigus, doit déménager dans un ancien lycée), c’est le manque de greffiers qui cristallise toutes les difficultés.

(...) L’efficacité de la Justice repose aujourd’hui sur le dévouement de ceux qui sont à son service. Une solution qui n’a rien de pragmatique et risque de déboucher, tôt ou tard, sur des mouvements sociaux.

Pédophilie. Trois enfants identifiés parmi les petites victimes d’un réseau international de trafic pédophile.
L'Humanité, mars 2000

Et elle a reconnu son fils...

(...) Dans le cas d’Olivier, la réaction judiciaire est effrayante. Les parents de ce garçon aujourd’hui âgé de sept ans se sont séparés avant sa naissance. Le père, haut fonctionnaire de l’administration pénitentiaire, réapparaît quelques mois plus tard. La mère, Chantal, accède à sa demande de reconnaître l’enfant et de bénéficier d’un droit de visite.

(...) Le parquet de Chartres (Eure-et-Loir) classe la plainte sans suite. La maman se constitue partie civile pour imposer l’ouverture d’une instruction. Quatre associations décident de faire de même. L’instruction stagne. Toutes les requêtes complémentaires demandées par Chantal sont rejetées.

(...) Pour contrer cette décision aberrante, une juge des enfants à Nanterre (Hauts-de-Seine) décide de placer provisoirement Olivier au Clair logis, un centre d’accueil parisien pour enfants en difficulté. Et organise un égal droit de visite et d’hébergement aux deux parents. Chantal ne peut oublier la scène cauchemardesque, lorsqu’on est venu lui arracher son fils.

(...) Comment un système judiciaire peut-il justifier ce résultat ? Une situation kafkaïenne dans laquelle un enfant se retrouve placé, alors qu’il était très bien auprès de sa mère. Depuis ce jeudi 19 novembre 1998, Olivier vit entre parenthèses. Tous les deux week-ends, il est " confié " à son père. Lequel retrouvera la pleine garde de son fils d’ici trois mois...




Le Canard du 28 mars, l'article entier
« Laisser du temps au temps »


RENCONTRES SÉNATORIALES DE LA JUSTICE
Palais du Luxembourg - Mardi 8 juin 2004

M. Christian COINTAT -

Il est bon que, dans la salle, tous nos amis prennent conscience du fait que, sur le plan budgétaire, nous sommes en train de changer de planète, mais je ne suis pas certain que tout le monde le réalise véritablement.

En effet, d'une disposition actuelle que nous connaissons et qui était d'approche plutôt comptable, nous allons passer à une approche plus politique et, d'un système plutôt statique, nous allons nous tourner vers un dispositif plus dynamique. En d'autres termes, d'une politique de moyens (même s'ils ne sont pas toujours à la hauteur des ambitions et des attentes), nous passons à une politique de résultat.

Tout à l'heure, la présidente du tribunal de Chartres a dit : « Nous ne sommes pas soumis à une obligation de résultat ». C'est vrai sur le plan de l'acte juridictionnel mais, pour le fonctionnement des juridictions, c'est pourtant ce qui va se passer, désormais. C'est la raison pour laquelle il faut faire très attention à la façon dont nous allons l'évaluer.

Le Parlement, jusqu'à présent, de par la Constitution française, adopte le budget. En réalité, il ne l'adopte pas selon une vision anglo-saxonne qui rend la décision exécutoire. La Constitution française se limite à dire qu'il détermine les ressources et les charges de l'Etat, ce qui explique pourquoi on peut, deux ou trois mois après avoir passé des jours et des nuits pour voter le budget, apprendre que 20 % des crédits ont fait l'objet d'un "gel républicain". En réalité, c'est un gel anti-démocratique, puisque cela va à l'encontre du choix du Parlement, qui s'est prononcé sur une politique qui est mise à mal par un blocage de crédits jusqu'à la fin de l'année, la plupart du temps. C'est le système français.

La nouvelle loi organique relative aux lois de finances, c'est-à-dire, en gros, les nouvelles modalités budgétaires, va améliorer tout ce dispositif pour lui rendre -nous l'espérons en tout cas- une véritable lisibilité vis-à-vis tant du Parlement que des citoyens.

Cela signifie d'abord que, lorsqu'on a des crédits, c'est pour faire quelque chose, et donc pour faire une politique qui doit être clairement comprise pour que tout le monde sache exactement de quoi il ressort.

...


- Tous ont fait part de leur lassitude -

March 25, 2007

Lire et écrire l'avenir (entre 1610 et 1715)


Lire et écrire l'avenir
L'astrologie dans la France du Grand Siècle


Hervé DRÉVILLON
Le sommaire, aux éditions Champ-Vallon/PUF 1996.

En 1562 « Dieu n'a pas libéré le monde d'ici-bas de la guerre, de la peste et de la famine. Les astrologues et les devins peuvent donc, sans retenue, avertir des maux qui menacent, car les évènements leurs donneront toujours raison. » - Page 19, première partie, « entre croyance et suspicion ».

« Pour Pic de la Mirandolle et tous les détracteurs de l'astrologie qu'il a inspiré (...) il existe, en effet, deux types d'astrologie : l'une est « un art sûr et noble », car elle calcule le mouvement et la grandeur des étoiles « selon une méthode mathématique », l'autre est « une spéculation trompeuse », qui prédit l'avenir des hommes d'après le cours des étoiles. » - Page 22, première partie, « entre croyance et suspicion », « l'astrologie confrontée aux « grandes lumières » philosophiques ».





Je dédie cet article de mon blog à lacausedesenfants, un pseudo du forum de aufeminin.com.


"Vous savez apparemment jouer de bons tours !"
Envoyé par lacausedesenfants le 25 mars à 17:27

L'attachement peut se mesurer partout et sous toutes les cultures et quelques soient les rituels. Les résultats indiqueront simplement si les attachements insécurisés sont plus nombreux avec tel rituel qu'avec tel autre. Ce n'est pas plus compliqué que ça.


" :!!!: L'attachement peut se mesurer partout... "
Envoyé par impaire le 25 mars à 17:35

mais de quel droit jugez vous rituels et par là, cultures, coutumes et usages d'ethnies ou de groupes humains particuliers?


"Excusez-moi, vous vous trompez de cible,je ne juge pour ma part aucun rituel !"
Envoyé par lacausedesenfants le 25 mars à 17:44

et les chercheurs non plus !
Ils ne font que mesurer l'impact sur l'attachement de tel ou tel mode ou rituel.
Tout comme d'autres chercheurs mesurent l'impact sur la santé de tel mode de vie .....


- Un manifeste contre l'astrologie publié en 1975 ! -

« Ces enfants qu'on sacrifie... » Compte rendu


Les terminologies de parenté - Une vue d'ensemble nous permettra d'abord de montrer comment les représentations de la consanginité, de l'affinité et de la cognation diffèrent selon les grands types de terminologie de parenté et de formes d'alliances. Nous pourrons alors avoir une vue d'ensemble des fonctions de la parentalité.

Matrifocal - Famille ou groupe domestique centré sur une femme et ses enfants, le père ou les pères de ces enfants étant présents de façon discontinue dans la vie du groupe et y occupant une place secondaire. La mère des enfants est d'ailleurs rarement l'épouse de l'un des pères de ces enfants.

de Métamorphoses de la parenté
Maurice Godelier


A la suite, une critique qui nous change aujourd'hui de celles de Frédéric Jésu, une critique qui, moyennant quelques adaptations, pourrait très bien s'appliquer au livre noir de la garde alternée :

Sociétés et jeunesses en difficulté
Revue pluridisciplinaire de recherche
N° 2 - septembre 2006
Compte rendu

"Ces enfants qu'on sacrifie... au nom de la protection de l'enfance" de Maurice Berger

Destiné à saisir le lecteur, le dernier livre de Maurice Berger, n’a pas l’étoffe clinique de ses précédents ouvrages. Et pour cause : cet écrit est le produit d’une conjoncture, celle de la réforme de la protection de l’enfance débutée en novembre 2005 à l’initiative du ministre Philippe Bas. Le jeu démocratique a voulu que l’avis du pédopsychiatre soit entendu lors des travaux préparatoires, c’est donc sa position qu’il affirme en utilisant les éditions Dunod pour la faire connaître le plus largement possible. Cet ouvrage n’a donc pas de prétention scientifique ; il veut avant tout convaincre.

Faut-il rappeler que, depuis plusieurs années, les convictions de Maurice Berger sont à contre-courant des idées qui président au mouvement de réforme ? En effet, depuis L’échec de la protection de l’enfance, paru en 2003 chez le même éditeur, l’avis du spécialiste des enfants en souffrance n’a pas varié d’un iota : parce que la société française est trop référée à la Famille, elle ne protège pas les enfants victimes de violence parentale ; le système socio-judiciaire actuel privilégie trop souvent la volonté du parent au détriment des besoins de l’enfant ; de ce fait, les droits de ce dernier à être protégé (de ses parents, si nécessaire) sont occultés en raison de l’aveuglement idéologique qui préside au maintien systématique du lien parent/enfant.

Pour convaincre le lecteur, l’auteur utilise deux moyens : 1) une composition courte et pragmatique qui va à l’essentiel en huit chapitres et quelques annexes ; 2) des justifications théoriques et cliniques lapidaires, souvent auto-référencées, illustrées d’une dizaine d’exemples paroxystiques.

Après une courte introduction qui sert à la fois d’avertissement et de mode d’emploi, le lecteur découvre sans autre préambule deux cas d’enfants en danger victimes de décisions judiciaires qui n’ont pas établi les conditions propices à leur réelle protection. Les accusés sont principalement les professionnels, c’est-à-dire les juges et, dans une moindre mesure, les travailleurs sociaux et les « psy ».

(...) Disons le franchement, il manque au livre de Maurice Berger ce sentiment d'humilité qui me semble une des qualités nécessaires à toute démarche clinique.

(...) Autant il apparaît indispensable d'interroger des pratiques éducatives, sociales et judiciaires qui, s'appuyant sur des notions générales légitimes (la place de l'enfant dans sa famille), manquent à saisir la singularité des situations, manquent à questionner la valeur absolue du lien, autant il apparaît profondément abusif d'apprécier l'ensemble du dispositif à l'aune de ces éléments-là.

Contrairement à ce qu'affirme Maurice Berger, le placement ne peut être qu'une mesure transitoire, du fait de la subsidiarité de l’autorité judiciaire au regard de l’autorité parentale, et de la nécessité de tout mettre en oeuvre pour que les parents retrouvent leurs capacités à exercer l'autorité parentale dans le sens du bien être de l'enfant (cf. la jurisprudence européenne). Reste la question des enfants dont le placement ne peut être un placement transitoire, posée dans le récent rapport de l'Observatoire national de l ’enfance en danger. La délégation d'autorité parentale représente probablement une des solutions, comme le souligne le livre. Pour autant, lorsque celle-ci est dévolue « à l'Aide sociale à l'enfance », n'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur ce que représente, pour l'enfant, une autorité exercée par une organisation inévitablement bureaucratique ? N'y-a-t-il pas lieu de s'interroger sur la nature de la continuité assurée par un lien irreprésentable, qui a conduit dans le passé nombre de jeunes à d'abord se vivre comme « enfant de la dass » ? Poser cette question, c’est simplement souligner un des aspects de la complexité des problèmes.

Un débat sur la protection de l'enfance semble s'engager mais il mérite mieux que des propos vindicatifs d'où émerge la certitude d'avoir raison contre tous.

Michèle Becquemin est actuellement sociologue, responsable de l'Observatoire de la prévention et des actions éducatives à Gentilly (94), maître de conférence associée à l'université Paris XII-Créteil et membre du Groupe de recherche sur l’éducation, le travail et les institutions (geti). Elle a auparavant exercé la profession d'éducatrice spécialisée puis de conseillère technique dans le secteur de la protection de l'enfance. Spécialisée en histoire et en sociologie des institutions, elle est notamment l'auteur de L'action de l'association Olga Spitzer (1923-2003), paru aux éditions Éres (Ramonville-Saint-Agne, 2003) et de Protection de l'enfance et placement familial, La fondation Grancher (1903-2003), paru aux éditions Petra (Paris, 2005).
De source sejed.revues.org


Retranscription grossière de quelques minutes de l'école des savoirs, emission RFI du 5 décembre 2005 :

- quelle lecon peut on tirer d'Outreau ?

MB -
 c'est un procès qui nous a beaucoup inquiété... nous étions en train de recevoir une fillette de 3 ans et demie pou savoir si elle avait subit des abus sexuels... pendant 10 jours avec une éduc très compétente... j'ai recu l'enfant, sa mère, son père à plusieurs reprises et nous sommes arrivé à la conclusion que **très probablement** elle avait subit des abus sexuels

- au bout de plusieurs heures d'entretient avec cette fillette

MB - tout à fait, répété pendant plusieurs jours... mais il y avait qque chose qui n'était pas tout à fait clair du côté de la mère... et finalement j'ai demandé à un autre expert de recevoir plusieurs fois la mère et on est arrivé à la conclusion que **la mère était obsédée par des idées sexuelles** et que l'enfant n'avait pas été abusé. **Donc on aurait pu faire condamner un innocent malgré des précautions énormes**

MB - d'un côté, vrai qu'on écoute pas assez les enfants... le risque de commettre des injustices

- mais pour vous, dans la majorité des cas, la parole des enfants c'est bien la vérité et c'est bien que ces enfants sont victimes de maltraitance ?


MB - en fait, on se sert moyennement de leur parole parce qu'il y a beaucoup d'autres traces... physique, enfants très négligés, retard de developpement, des enfants très violents, incapables de nouer des liens avec qui que ce soit...


- Un débat semblait s'engager en 2005 -

March 22, 2007

Le féminisme, chèvre-émissaire


PARIS (Reuters) - Christophe de Margerie, directeur général de Total, a été mis en examen jeudi soir pour "corruption d'agents publics étrangers et abus de biens sociaux" dans une enquête sur des malversations présumées en marge d'un contrat gazier avec l'Iran, a-t-on appris de source judiciaire.

LILLE (AFP) - Le président de l'Unef, Bruno Julliard, a déclaré jeudi à Lille que le syndicat étudiant, qui fête son centenaire, ne voulait "rien renier" de son histoire, "des zones d'ombre aux grandes victoires".

Rappelant les "événements qui ont fait l'Unef", comme "la création des oeuvres universitaires" ou "l'insoumission à la guerre d'Algérie", Bruno Julliard, a affirmé: "De cette histoire, nous ne voulons rien renier".

"Des zones d'ombre aux grandes victoires, le mouvement étudiant est l'héritier des cent années de vie de l'Unef", a-t-il ajouté devant quelque 800 délégués du syndicat, venus de toute la France pour son 80e congrès.


Lettre d’Isabelle Alonso,
Présidente des Chiennes de garde

Vendredi 8 septembre 2000

(...) Je ne reviens pas sur les circonstances de la démission de notre ancienne présidente, car c’est vers l’avenir que les Chiennes de garde sont orientées. J’ai adressé une lettre à Florence Montreynaud le 28 aout 2000. Elle m’a répondu le 1er septembre. Nous confirmons que ses déclarations depuis le 3 mai, date de sa démission, n’engagent qu’elle même.

Le féminisme, chèvre-émissaire
Par Florence Montreynaud, écrivaine (*),
féministe, fondatrice des Chiennes de garde.
L'Humanité, mai 2003

Bombardement médiatique : de nouveau, des micros se tendent vers des femmes connues qui, hier, défendaient le droit de se prostituer comme l’un des droits des femmes. Aujourd’hui, les voilà qui repartent à l’attaque contre " les féministes ", considérées en bloc, sans nuances, comme si une pensée unique inspirait ce mouvement.

Elles amalgament, elles déforment, elles fabulent et surtout elles parlent de ce qu’elles connaissent mal. Ayant acquis une compétence dans un autre domaine, elles portent des jugements définitifs sur les féministes, sans recherches approfondies ni raisonnements rigoureux. Ainsi, elles reprochent aux féministes françaises un prétendu " maternalisme " (priorité donnée à la dimension maternelle des femmes), alors que cette tendance a toujours été très minoritaire. Reprenant des lieux communs erronés, elles agitent l’épouvantail du féminisme des États-Unis dont l’influence nuirait aux si bonnes relations entre hommes et femmes en France, mais elles ne citent que des auteures radicales alors que la réalité est plus diverse.

(...) Depuis deux siècles, au nom de leur idéal féministe, des femmes et aussi des hommes demandent la justice, le respect et l’égalité. De manière non violente, patiente et persévérante, elles et ils veulent obtenir que femmes et hommes soient égaux, en dignité et en droits, et que ces droits soient appliqués. Elles et ils rêvent d’un monde sans prostitution, d’un monde où la sexualité sera au service de l’amour et non de la haine. On respecte les antiracistes ou d’autres personnes engagées pour un monde plus juste, avec Médecins sans frontières ou avec Amnesty international ; au contraire, on se moque des féministes, on les calomnie, on les méprise.

Parce qu’elles et ils mettent en question l’ordre établi sexiste, les féministes dérangent. Certains machistes les haïssent, d’une haine parfois meurtrière.
Aux États-Unis, des médecins ayant pratiqué des avortements légaux ont été assassinés parce que le droit d’avorter, l’une des clés de la liberté des femmes, n’est pas encore admis par tous. Le 6 décembre 1989, à l’École polytechnique de Montréal, un homme a massacré quatorze femmes en criant : " Je hais les féministes ! "

...

mercredi 20 décembre 2000,
des articles du bureau,
par Isabelle Alonso

Reçu ceci sur le mail...

Il faudrait songer à traîner Philippe de Gaulle devant les tribunaux pour ses propos affligeants (Le Monde du lundi 18/12)...

Cordialement

Ma réponse :

Pauvre Philippe de Gaulle ! ...

Philippe, donc, tient sur les femmes les propos suivants (cités dans Libération du 13/12/2000) :

  "Toutes les découvertes, c’est l’homme, parce que c’est lui qui a l’imagination créatrice. La femme subit un monde qu’elle n’a pas fait."

J’aurais tendance à ajouter qu’en plus du monde que nous n’aurions pas fait (au fait, qui FAIT le monde, sinon les femmes ? mais bon, ne surmenons pas l’intellect d’un militaire de carrière...) nous subissons l’intensité de la brillance intellectuelle de ce fleuron du sexe convexe qu’est Philippe de Gaulle, et ça ne fait qu’ajouter à l’épreuve....


Ce n’est pas tout ! Il dit aussi :

  "L’obstétrique et la gynécologie sont devenues des domaines sérieux à partir du moment où les hommes s’en sont mêlés."

Avant que les hommes s’en mêlent, les femmes faisaient les enfants. Pendant que les hommes s’en mêlaient, elles ont continué. Et après que les hommes s’en soient mêlé, elles les font toujours ! Mais c’est pas sérieux ! Ce sont les hommes qui rendent la mise au monde des enfants ’’sérieuse’’. Avec les femmes, ça reste futile, frivole, voire rigolo ! Eh, l’amiral, si tu allais te mêler de l’hélice du porte-avion homonyme de ton papa, hein ? Que ça devienne un peu sérieux ! Ils ont besoin de toi, de ton esprit éveillé, de ta curiosité aventureuse ! Laisse les femmes faire les enfants pas sérieusement, on se débrouille très bien sans l’armée en général et les amiraux en particulier. Et va où le devoir t’apelle ! Va aider les pauvres malheureux fournisseurs de l’armée à claquer l’argent des contribuables. Je sais, ça doit être déprimant de ne pas avoir une guerre à perdre, on doit le trouver long, le temps de paix... Alors on pense sous soi, c’est inévitable... Et on sait pas se taire, quand on est de la grande muette...


De l'historique des chiennes de garde :

Le déclencheur : les attaques contre des femmes publiques

(...) A l’issue de l’Assemblée Générale extraordinaire du 02 04 05, un nouveau bureau a été élu à l’unanimité. Il se compose de Emmanuelle (présidente), Isabelle.C (vice présidente), Severine (Trésorière), Laurence (secrétaire générale), Katie, Yanne, Isabelle.V, Celine, Mathieu (membres du bureau)

(voir le rapport moral, le rapport d’activité et le communiqué de la nouvelle présidente)


De Sauver sa peau,
Une leçon de survie. Une leçon de vie.

Quand un groupe en domine un autre, il trouve toujours des excuses, et elles sont rarement à son désavantage, tant qu’à faire ! Aux yeux du dominant, les dominés sont moins intelligents, moins bons, moins cultivés, moins tout. C’est comme ça que pendant des siècles, les filles ont été considérées comme un accident de la nature, à mi-chemin entre l’homme et la bête. Parce que nous étions vaincues, on nous a convaincues que nous étions faibles, mal foutues, stupides et que donc nous méritions notre triste sort.

Chez nous, en Europe occidentale, ...

En ce qui concerne la supériorité physique, en revanche, les choses sont différentes. Non seulement la supériorité physique masculine apparaît comme une réalité incontestable, mais son affirmation systématique est un élément constitutif de l’identité masculine. Etre un homme, c’est bien sûr faire ces choses que les hommes sont fiers de faire avec leur zizi : pipi debout et bander du bout. Décliner pissance et puissance (!). Ça mange pas de pain. Qu’ils pissent debout, on s’en fout. Qu’ils bandent, ça nous arrange. Mais c’est d’abord et avant tout le fait d’être physiquement plus fort qu’une femme qui les structure dans leur virilité. Vous me direz tout ça est très relatif. ...


- Bombardement médiatique -

December 13, 2006

Accidents judiciaires ; ça n'arriverait pas que dans le secteur d'Outreau

Le Journal des Accidents et des Catastrophes
Edité par le CERDACC (Centre Européen de Recherches sur le Droit des Accidents Collectifs et des Catastrophes)


Accidents judiciaires,
l'Etat justement condamné pour faute lourde


Par Claude Lienhard,
professeur des Universités, directeur du Cerdacc
Extraits de l'article, un jugement et un arrêt commentés :

L'institution judiciaire, comme toute institution, peut connaitre des dysfonctionnement. Dans un état de droit il importe que les justiciables-citoyens victimes puissent obtenir une réparation symbolique et effective. Le temps de l'omerta est révolu. C'est donc un nouveau champ de recherche qui s'ouvre.

Le JAC, comme en d'autres matières, vous en rendra compte. Deux décisions ont retenu notre attention car elles ont donné gain de cause à des justiciables dont la vie a été brisée ou bouleversée par des décisions révélant a posteriori un dysfonctionnement lourd du systéme judiciaire. Il y a bien des analogies entre les deux situations.

TGI Rennes 27/11/2000

CA Paris 25/10/2000


(...) De cela, le tribunal déduit que se trouve caractérisé un fonctionnement défectueux du service public de la justice qui procède d’une faute lourde.
Par contre, le tribunal de Rennes a estimé que la faute ainsi commise avait seulement fait perdre aux époux Esnault une chance d’obtenir gain de cause, une chance que le tribunal a évalué, en fonction de l’ensemble des éléments du dossier, à 50 %.
Il est particulièrement rassurant que le système judiciaire accepte de se remettre en cause lorsque il ne remplit pas le contrat de confiance qui doit exister vis à vis des justiciables dans le cadre de l’exécution d’un service public de qualité. Il s’agit là d’une tendance forte dont on ne peut que se féliciter.

Il s’agit en plus d’une tendance lourde qui traverse l’intégralité du champ d’intervention judiciaire et nous en voulons pour preuve les avancées considérables de la commission d’indemnisation de la détention provisoire (CNIDP) qui n’hésite pas aujourd’hui à allouer des montants conséquents comme elle l’a fait récemment par une décision du 15 décembre 2000 en allouant 1,5 million de francs à un ancien administrateur judiciaire de Nanterre qui avait fait près de 6 mois de détention provisoire avant d’être innocenté.


Du coup, je découvre l'association ANVEDJ ainsi qu'un texte qui fait écho à « Silence, on souffre » ou même à « ces cris qu'on enterre » :

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines,
Ami, entends-tu les cris sourds du pays qu'on enchaîne...


Vous n'avez réclamé ni gloire ni les larmes
Ni l'orgue ni la prière aux agonisants
Onze ans déjà que cela passe vite onze ans

(...) Vous aviez vos portraits sur les murs de nos villes
Noirs de barbe et de nuit hirsutes menaçants
L’affiche qui semblait une tache de sang
Parce qu’à prononcer vos noms sont difficiles
Y cherchait un effet de peur sur les passants

Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l’heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE
Et les mornes matins en étaient différents

Louis Aragon, Le roman inachevé (1956)


Je découvre encore divers articles au sujet de la « fonction paternelle »... Autant dire de suite aux pères français qu'ils n'ont pas leur place au sein de la société et de leur famille, autant dire aussi de suite que certaines pages ont été tournées :

De la conférence de la famille 2001

Ceci suppose que la place du père soit reconnue.

Comme l’a rappelé le Premier Ministre en la matière, " L’action de l’Etat (…) par des incitations, peut accélérer l’évolution des comportements sans déroger au respect des choix privés ". (Discours du 17 avril 1999 en clôture de la Conférence européenne " femmes et hommes au pouvoir ").

La participation équilibrée des hommes et des femmes à la vie professionnelle et à la vie familiale est un objectif européen (Résolution du Conseil du 29 juin 2000) et de nombreux pays de l’Union développent ou ont déjà développé des congés de paternité.


L'ASE des Hauts de seine, les travailleurs sociaux de l'OSE France ou les juges de Nanterre auraient pu m'infomer qu'en ce secteur, le régime de filiation est entre matrilinéaire et bilinéaire : l'enfant « objet » appartient au clan de la défunte mère ? Et un tel dispositif serait « neutre », « sans orientation idéologique » ? Même les expérimentations sur les rats sont règlementées...

« Ayant décidé d'effectuer ma recherche sur mon lieu de travail, il me paraît nécessaire de m'arrêter quelques instants sur le risque encouru par le chercheur praticien qui travaille sur sa pratique et dans l'institution - l'OSE - dont il est salarié. Concernant la présente recherche, je n'ai été l'objet d'aucune censure et je n'ai pas tenté de valider mon travail professionnel à tous prix [...]. »

Voir « Internat et séparation ».


La délation est de plus en plus courante, mais la justice peine à l'organiser
Extrait de l'analyse de Laurence de Charette
20 juin 2006, (Le Figaro, Rubrique Opinions)

C'est un alinéa un peu fanfaron, un paragraphe bien peigné comme un voeu de début d'année. Parmi les nombreuses propositions qu'ils viennent de rendre publiques, les parlementaires de la commission d'enquête créée à la suite de l'affaire d'Outreau ont glissé celle-ci : non à la délation. Les dénonciations anonymes, argumentent-ils, ne devraient plus suffire à justifier des poursuites judiciaires. Les députés ne sont pas les seuls. Nicolas Sarkozy, ministre victime d'un «corbeau» spectaculaire, s'est le premier insurgé contre cette «pratique d'un autre âge». «Il ne faut plus prêter attention aux dénonciations anonymes», a déclaré le président de l'UMP au cours de la convention consacrée à la justice, au début du mois de mai.


- Article L781-1 du Code de l’organisation judiciaire -

September 27, 2006

Le code noir


« Le Code noir est le texte juridique le plus monstrueux de l'histoire moderne »
Promulgué par Louis XIV en 1685, le Code noir réglemente l'esclavage des Noirs aux Antilles, en Louisiane et en Guyane.
De source Historia


A paraitre,
Le livre noir de la garde alternée

Sous la direction de Jacqueline Phélip
Sage-femme,
Présidente de l'association L'Enfant d'abord.

Préface de Maurice Berger, chef de service en psychiatrie de l’enfant au CHU de Saint-Étienne, ex-professeur associé de psychologie à l’Université Lyon 2, et psychanalyste.

Dunod, collection Enfances
ISBN 2100503650

Jacqueline PHÉLIP. – Je suis tout à fait pour ce mode de garde quand il est pratiqué à l'amiable mais farouchement opposée dès lors qu'il y a un conflit parental car les effets sur l'enfant sont alors désastreux.
Le Figaro, le 12 septembre 2006
«La garde alternée peut être catastrophique pour les enfants»


Un « livre noir » est donc à paraître. Selon son contenu et l'esprit de sa direction, lorsqu'un parent ne veut pas de la résidence alternée, lorsque la situation est trop conflictuelle, l'enfant serait mieux chez la mère ?

En cas de séparation du couple parental il suffirait donc à la mère - ou à des tiers - de créer puis d'alimenter un conflit pour obtenir la garde de l'enfant ? Il serait même possible, sous certaines conditions, d'obtenir que le père soit déchu de tous ses droits ?

De la présentation du livre sur le site de Dunod : La loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale a octroyé aux JAF le pouvoir d'imposer une résidence alternée, au nom de «l’intérêt supérieur de l’enfant». Cet «intérêt supérieur» constitue une formule théorique qui désigne essentiellement l’intérêt des parents.

A mon sens, l'idéologie du livre et son contenu pourront être employés pour exercer un contre pouvoir moral et juridique allant en premier lieu à l'encontre de l'intérêt de l'enfant. Dans ce « livre noir » on pourrait lire une supériorité « acquise » à la mère. Cependant des outils similaires semblent exister pour « noircir » puis déchoir l'un ou l'autre des deux parents, sinon les deux.


On oublie Kutzner contre Allemagne (Requête no 46544/99, 26 février 2002). On oublie la CIDE.

On oublie la cassation et annulation du 4 juillet 2006 (pourvoi 05-17883), on oublie Bianchi contre Suisse (Requête no 7548/04, 22 juin 2006), on ne retient rien ni de l'histoire ni des arrêts de la cour d'appel de Versailles. On oublie l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 juin 2004 (RG 2003/01216). On oublie tous les textes et les circulaires nationales, toutes les conventions et recommandations internationales. On oublie aussi que Jacques Chirac a affirmé que l'autorité parentale est capitale, que tout doit etre fait pour pour préserver la qualité du lien parental. On oublie Saint Omer et la réforme que réclamait déjà Voltaire, en 1771.

On oublie tout, c'est du passé, du blabla.

Seul importe l'intérêt supérieur de l'enfant.

Et de là, une variante moderne : si le père habite à Bagneux (92) et que la mère est décédée en 1999, l'enfant, lorsqu'il est réclamé en 2003, est acquis à une tante maternelle qui réside à Uhrwiller (67), aucune investigation, dialogue ou reflexions ne sont requis :

Article 13 - Voulons que, si le mari esclave a épousé une femme libre, les enfants, tant mâles que filles, suivent la condition de leur mère et soient libres comme elle, nonobstant la servitude de leur père, et que, si le père est libre et la mère esclave, les enfants soient esclaves pareillement.


Un père peut tout de même se plaindre d'une telle situation :

Article 26 - Les esclaves qui ne seront point nourris, vêtus et entretenus par leurs maîtres, selon que nous l'avons ordonné par ces présentes, pourront en donner avis à notre procureur général et mettre leurs mémoires entre ses mains, sur lesquels et même d'office, si les avis viennent d'ailleurs, les maîtres seront poursuivis à sa requête et sans frais; ce que nous voulons être observé pour les crimes et traitements barbares et inhumains des maîtres envers leurs esclaves.


Un père peut aussi faire appel, s'user à épuiser les voies de recours usuelles. Cependant un parent déchu n'a pas de capacité juridique et son témoignage ne vaut que pour aider les juges à s'éclairer :

Article 30 - Ne pourront les esclaves être pourvus d'office ni de commission ayant quelque fonction publique, ni être constitués agents par autres que leurs maîtres pour gérer et administrer aucun négoce, ni être arbitres, experts ou témoins, tant en matière civile que criminelle: et en cas qu'ils soient ouïs en témoignage, leur déposition ne servira que de mémoire pour aider les juges à s'éclairer d'ailleurs, sans qu'on en puisse tire aucune présomption, ni conjoncture, ni adminicule de preuve.


Un parent déchu devrait se faire discret :

Article 16 - Défendons pareillement aux esclaves appartenant à différents maîtres de s'attrouper le jour ou la nuit sous prétexte de noces ou autrement, soit chez l'un de leurs maîtres ou ailleurs, et encore moins dans les grands chemins ou lieux écartés, à peine de punition corporelle qui ne pourra être moindre que du fouet et de la fleur de lys; et, en cas de fréquentes récidives et autres circonstances aggravantes, pourront être punis de mort, ce que nous laissons à l'arbitrage des juges. Enjoignons à tous nos sujets de courir sus aux contrevenants, et de les arrêter et de les conduire en prison, bien qu'ils ne soient officiers et qu'il n'y ait contre eux encore aucun décret.

September 26, 2006

« Jacques, il faut faire quelque chose ! »

L'émotion de Bernadette Chirac après la projection privée du film Indigènes, le 5 septembre, en présence de Jamel Debbouze et Rachid Bouchareb, a convaincu le président de la République qu'il fallait «aller plus loin» pour améliorer la situation des anciens combattants coloniaux. Dans les jours prochains, de nouvelles mesures devraient être annoncées. Le ministère des Anciens combattants y travaille avec Bercy, car aucune ligne budgétaire n'est prévue dans le projet de loi de finances pour 2007. «Cela porte sur plusieurs dizaines de millions d'euros supplémentaires», indique-t-on aux Anciens combattants. Au total, près de 80 000 vétérans, âgés de plus de 65 ans, sont concernés dans 23 pays. Environ 40 000 vivent en Algérie et au Maroc, et 15 000 en Afrique noire, en particulier au Sénégal et au Tchad.

Libé, 25 septembre 2006

September 18, 2006

La torture dans la République, en 2006

La torture dans la République
Essai d’histoire et de politiques contemporaines (1954-1962)
Pierre Vidal-Naquet
Editions de Minuit (23 Oct 1998)
ISBN: 2707316571

La torture a été officiellement abolie en France en 1788. La révolution n’en usa pas, ni l’Empire. En 1959, pourtant, quatre étudiants portaient plainte à Paris, pour avoir subi la question des mains de policiers en service, rue des Saussaies, à deux pas de l’Elysée. Encore ne représentaient-ils qu’un cas parmi les milliers qu’on aurait découverts au même instant dans ces départements français que formait alors l’Algérie.

Comment en était-on arrivé là ?

Historien, Pierre Vidal-Naquet est animé d’une passion, celle de la justice. Il démonte ici la logique d’un système qui, une fois mis – ou plutôt remis – en marche, est bien difficile à bloquer. Comme il paraît tentant en effet, lorsqu’on est persuadé d’avoir raison, d’user de sa force pour écraser le « rebelle » désarmé ! Raison d’Etat. C’est précisément contre cette forme de régression que les hommes ont inventé le droit. On voit dès lors où se situe le combat véritable, et comment, même gagnées, les « batailles d’Alger » sont toujours des défaites.

Extrait...

Un pays de tradition libérale peut-il voir en quelques années ses institutions, son armée, sa justice, sa presse, corrodées par la pratique de la torture, par le silence et le mensonge observés autour de questions vitale qui mettent en cause la conception même que l’Occident affirme se faire de l’homme ?

Peut-il une fois la page tournée reprendre son chemin comme si rien n’était survenu ?


Réponse, de 1771 à 2006 : la méprise d'Arras, Outreau 1, Outreau bis, Outreau 3, Outreau bis bis (à suivre)... Et tout le reste dont l'institution ne veut pas entendre parler.


De « Rôtisserie » et effet dominos et d'un article de VDN du 7 avril 2006 :

À la barre, les services sociaux en rangs serrés

QUAND une référente des services sociaux évoque «le contexte d’Outreau» en 2001, ça provoque une crise de pseudo-hypocrisie générale, dans la cour d’assises, se terminant, comme souvent, par une poussée de décibels stérile. Faut pas en parler. Même à quelques minutes de l’audition d’un enfant ayant accusé, un jour, le curé… dans l’autre affaire. Avant de l’innocenter.

Ce premier dossier a obligé tous ses intervenants à se poser, un jour, des questions. Ce n’est pas le cas, a priori, des services sociaux: «J’estime que nous travaillons comme il le faut. Je ne ferai pas autrement demain…», a assuré l’attachée territoriale de l’UTAS (Union territoriale d’action sociale) cette semaine. «On n’a pas à avoir d’état d’âme dans quoi que ce soit », a confirmé sa référente, hier.

September 17, 2006

Les affaires dites d'Outreau, c'est historique ?


Heureusement que le ridicule ne tue pas. J'ai déjà distribué des extraits de voltaire devant les ministères. Il s'agissait d'un extrait des arrêts notables :

« Il ne serait pas mal qu’à la porte de tous les ministres il y eût un autre crieur, qui dît à tous ceux qui viennent demander des lettres de cachet pour s’emparer des biens de leurs parents et alliés, ou dépendants... »


Et la réforme réclamée en 1771, c'est pas pour 2007.


PROCÈS CRIMINEL
DU SIEUR MONTBAILLI ET DE SA FEMME.
La méprise d’Arras, Voltaire (1771)


Une veuve nommée Montbailli, du nom de son mari, âgée de soixante ans, d'un embonpoint et d'une grosseur énorme, avait l'habitude de s'enivrer du poison qu'on appelle si improprement eau-de-vie. Cette funeste passion, très connue dans la ville, l'avait déjà jetée dans plusieurs accidents qui faisaient craindre pour sa vie. Son fils Montbailli et sa femme Danel couchaient dans l'antichambre de la mère; tous trois subsistaient d'une manufacture de tabac que la veuve avait entreprise. C'était une concession des fermiers généraux qu'on pouvait perdre par sa mort, et un lien de plus qui attachait les enfants à sa conservation; ils vivaient ensemble, malgré les petites altercations si ordinaires entre les jeunes femmes et leurs belles-mères, surtout dans la pauvreté. Ce Montbailli avait un fils, autre raison plus puissante pour le détourner du crime. Sa principale occupation était la culture d'un jardin de fleurs, amusement des âmes douces. Il avait des amis, les coeurs atroces n'en ont jamais.

Le 27 juillet 1770, une ouvrière se présente à sept heures du matin à sa porte pour parler à la veuve. Montbailli et son épouse étaient couchés; la jeune femme dormait encore (circonstance essentielle qu'il faut bien remarquer). Montbailli se lève, et dit à l'ouvrière que sa mère s'est pas éveillée. On attend longtemps; enfin on entre dans la chambre, on trouve la vieille femme renversée sur un petit coffre près de son lit, la tête penchée à terre, l'oeil droit meurtri d'une plaie assez profonde, faite par la corne du coffre sur lequel elle était tombée, le visage livide et enflé, quelques gouttes da sang échappées du nez, dans lequel il s'était formé un caillot considérable, il était visible qu'elle était morte d'une apoplexie subite, en sortant de son lit et en se débattant. C'est une fin très commune dans la Flandre à tous ceux qui boivent trop de liqueurs fortes.

Le fils s'écrie: Ah, mon Dieu! ma mère est morte! il s'évanouit; sa femme se lève à ce cri, elle accourt dans la chambre.

L'horreur d'un tel spectacle se conçoit assez. Elle crie au secours: l'ouvrière et elle appellent les voisins. Tout cela est prouvé par les dépositions. Un chirurgien vient saigner le fils; ce chirurgien reconnaît bientôt que la mère est expirée. Nul doute, nul soupçon sur le genre de sa mort; tous les assistants consolent Montbailli et sa femme. On enveloppe le corps sans aucun trouble; on le met dans un cercueil; et il doit être enterré le 29 au matin, selon les formalités ordinaires.

Il s'élève des contestations entre les parents et les créanciers pour l'apposition du scellé. Montbailli le fils est présent à tout; il discute tout avec une présence d'esprit imperturbable et une affliction tranquille que n'ont jamais les coupables.

Cependant quelques personnes du peuple, qui n'avaient rien vu de tout ce qu'on vient de raconter, commencent à former des soupçons; elles ont appris que, la veille de sa mort, la Montbailli, étant ivre, avait voulu chasser de sa maison son fils et sa belle-fille; qu'elle leur avait fait même signifier, par un procureur, un ordre de déloger; que lorsqu'elle eut repris un peu ses sens, ses enfants se jetèrent à ses genoux, qu'ils l'apaisèrent, et qu'elle les remit au lendemain matin pour achever la réconciliation. On imagina que Montbailli et sa femme avaient pu assassiner leur mère pour se venger; car ce ne pouvait être pour hériter, puisqu'elle a laissé plus de dettes que de bien.

Cette supposition, tout improbable qu'elle était, trouva des partisans, et peut-être parce qu'elle était improbable. La rumeur de la populace augmenta de moment en moment, selon l'ordinaire; le cri devint si violent, que le magistrat fut forcé d'agir; il se transporte sur les lieux; on emprisonne séparément Montbailli et sa femme, quoiqu'il n'y eût ni corps de délit, ni plainte, ni accusation juridique, ni vraisemblance de crime.

Les médecins et les chirurgiens de Saint-Omer sont mandés pour examiner le cadavre et pour faire leur rapport. Ils disent unanimement « que la mort a pu être causée par une hémorragie que la plaie de l'oeil a produite, ou par une suffocation. »

Quoique leur rapport n'ait pas été assez exact, comme le prouve le professeur Louis, il était pourtant suffisant pour disculper les accusés. On trouva quelques gouttes de sang auprès du lit de cette femme; mais elles étaient la suite évidente de la blessure qu'elle s'était faite à l'oeil en tombant. On trouva une goutte de sang sur l'un des bas de l'accusé; mais il était clair que c'était un effet de sa saignée. Ce qui le justifiait bien davantage, c'était sa conduite passée, c'était la douceur reconnue de son caractère. On ne lui avait rien reproché jusqu'alors; il était moralement impossible qu'il eût passé en un moment de l'innocence de sa vie au parricide, et que sa jeune femme eût été sa complice. Il était physiquement impossible, par l'inspection du cadavre, que la mère fût morte assassinée; il n'était pas dans la nature que son fils et sa fille eussent dormi tranquillement après ce crime, qui aurait été leur premier crime, et qu'on les eut vus toujours sereins dans tous les moments où ils auraient dû être saisis de toutes les agitations que produisent nécessairement le remords d'une si horrible action et la crainte du supplice. Un scélérat endurci peut affecter de la tranquillité dans le parricide: mais deux jeunes époux!

Les juges connaissaient les moeurs de Montbailli; ils avaient vu toutes ses démarches; ils étaient parfaitement instruits de toutes les circonstances de cette mort. Ainsi ils ne balancèrent pas à croire le mari et la femme innocents. Mais la rumeur populaire, qui, dans de telles aventures, se dissipe bien moins aisément qu'elle ne s'élève, les força d'ordonner un plus amplement informé d'une année, pendant laquelle les accusés demeureraient en prison.

Le procureur du roi appela de cette sentence au conseil d'Artois, dont Saint-Omer ressortit. Il pouvait en effet la trouver trop rigoureuse, puisque les accusés, reconnus innocents, demeuraient renfermés dans un cachot pendant une année entière. Mais l'appel fut ce qu'on appelle a minima, c'est-à-dire d'une trop petite peine à une plus grande, sorte de jurisprudence inconnue aux Romains nos législateurs, qui n'imaginèrent jamais de faire juger deux fois un accusé pour augmenter son supplice, ou pour le traiter en criminel après qu'il a été déclaré innocent; jurisprudence cruelle dont le contraire est raisonnable et humain; jurisprudence qui dément cette loi si naturelle, non bis in idem.

Le conseil supérieur d'Arras jugea Montbailli et sa femme sur les seuls indices qui n'avaient pas même paru des indices aux juges de Saint-Omer, beaucoup mieux informés, puisqu'ils étaient sur les lieux.

Malheureusement on ne convient pas trop quels sont les indices assez puissants pour engager un juge à commencer à disloquer les membres d'un citoyen, son égal, par le tourment de la question. L'ordonnance de 1670 n'a rien statué sur cette affreuse opération préliminaire. Un indice n'est précisément qu'une conjecture; d'ailleurs les lois romaines n'ont jamais appliqué un citoyen romain à la torture, ni sur aucune conjecture, ni sur aucune preuve. La barbarie de la question ne fut d'abord exercée sur des hommes libres que par l'inquisition. On prétend qu'originairement elle fut inventée par des voleurs qui voulaient forcer un père de famille à découvrir son trésor; mais soit voleurs, soit inquisiteurs, on sait assez qu'elle est plus cruelle qu'utile. Quant aux indices, on sait encore combien ils sont incertains. Ce qui forme un soupçon violent dans l'esprit d'un homme est très équivoque, très faible aux yeux d'un autre. Ainsi le supplice de la question et celui de la mort sont devenus des choses arbitraires parmi nous, pendant que, chez tant d'autres nations, la torture est abolie comme une barbarie inutile, et qu'il est sévèrement défendu de faire mourir un homme sur de simples indices.

Du moins la torture ne doit être ordonnée en France que lorsqu'il y a préalablement un corps de délit; et il n'y en avait point. Une femme morte d'apoplexie, soupçonnée vaguement d'avoir été assassinée, n'est point un corps de délit.

Après les indices viennent ce qu'on appelle des demi-preuves, comme s'il y avait des demi-vérités.

Mais enfin on n'avait contre Montbailli ni demi-preuve ni indice; tout parlait manifestement en sa faveur. Comment donc s'est-il pu faire que le conseil d'Arras, après avoir reçu les dénégations toujours simples, toujours uniformes de Montbailli et de sa femme, ait condamné le mari à souffrir la question ordinaire et extraordinaire, à mourir sur la roue, après avoir eu le poing coupé; la femme à être pendue et jetée dans les flammes?

se plairaient-ils enfin aux supplices, ainsi que les bourreaux? La nature humaine serait-elle parvenue à ce degré d'atrocité? faut-il que la justice, instituée pour être la gardienne de la société, en soit devenue quelquefois le fléau? cette loi universelle dictée par la nature, qu'il vaut mieux hasarder de sauver un coupable que de punir un innocent, serait-elle bannie du coeur de quelques magistrats trop frappés de la multitude des délits?

La simplicité, la dénégation invariable des accusés, leurs réponses modestes et touchantes qu'ils n'avaient pu se communiquer, la constance attendrissante de Montbailli dans les tourments de la question, rien ne put fléchir les juges; et, malgré les conclusions d'un procureur général très éclairé, ils prononcèrent leur arrêt.

Montbailli fut renvoyé à Saint-Omer pour y subir cet arrêt, prononcé le 9 novembre 1770; il fut exécuté le 19 du même mois.

Montbailli, conduit à la porte de l'église, demande en pleurant pardon à Dieu de toutes ses fautes passées; et il jure à Dieu qu'il est innocent du crime qu'on lui impute. » On lui coupe la main; il dit: « Cette main n'est point coupable d'un parricide. » Il répète ce serment sous les coups qui brisent ses os prêt d'expirer sur la roue, il dit à son confesseur: « Pourquoi voulez-vous me forcer à faire un mensonge? en prenez-vous sur vous le crime? »

Tous les habitants de Saint-Omer, témoins de sa mort, lui donnent des larmes; non pas de ces larmes que la pitié arrache au peuple pour les criminels même dont il a demandé le supplice; mais celles que la conviction de son innocence a fait répandre longtemps dans cette ville.

Tous les magistrats de Saint-Omer ont été et sont encore convaincus que ces infortunés n'étaient point coupables.

La femme de Montbailli, qui était enceinte, est restée dans son cachot d'Arras pour être exécutée à son tour, quand elle aurait mis son enfant au monde: c'était être à la potence pendant six mois sous la main d'un bourreau, en attendant le dernier moment de ce long supplice. Quel état pour une innocente!
elle en a perdu l'usage des sens, et sa raison a été aliénée: elle serait heureuse d'avoir perdu la vie; mais elle est mère; elle a deux enfants, l'un qui sort du berceau, l'autre à la mamelle. Son père et sa mère, presque aussi à plaindre qu'elle, ont profité du temps qui s'est écoulé entre son arrêt et ses couches, pour demander un sursis à M. le chancelier: il a été accordé. Ils demandent aujourd'hui la révision du procès. Ils se sont fondés, comme on l'a déjà dit, sur la consultation de treize avocats, et sur celle du célèbre professeur Louis.

Voilà tout ce que je sais de cette horrible aventure, qui exciterait les cris de toute la France, si elle regardait quelque famille considérable par ses places ou par son opulence, et qui a été longtemps inconnue, parce qu'elle ne concerne que des pauvres.

On peut espérer que cette famille obtiendra la justice qu'elle implore; c'est l'intérêt de toutes les familles; car après tant de tragiques exemples, quel homme peut s'assurer qu'il n'aura pas de parents condamnés au dernier supplice, ou que lui-même ne mourra pas sur un échafaud?

Si deux époux qui dorment dans l'antichambre de leur mère, tandis qu'elle tombe en apoplexie, sont condamnés comme des parricides, malgré la sentence des premiers juges, malgré les conclusions du procureur général, malgré le défaut absolu de preuves et l'invariable dénégation des accusés, quel est l'homme qui ne doit pas trembler pour sa vie? Ce n'est pas ici un arrêt rendu suivant une loi rigoureuse et durement interprétée; c'est un arrêt arbitraire prononcé au mépris des lois et de la raison. On n'y voit d'autre motif, sinon celui-ci: « Mourez, parce que telle est ma volonté. »

La France se flatte que le chef de la magistrature, qui a réformé tant de tribunaux, réformera dans la jurisprudence elle-même ce qu'elle peut avoir de défectueux et de funeste.

Peut-être l'usage affreux de la torture, proscrit aujourd'hui chez tant de nations, ne sera-t-il plus pratiqué que dans ces crimes d'État qui mettent en péril la sûreté publique.

Peut-être les arrêts de mort ne seront exécutés qu'après un compte rendu au souverain; et les juges ne dédaigneront pas de motiver leurs arrêts à l'exemple de tous les autres tribunaux de la terre.

On pourrait présenter une longue liste des abus inséparables de la faiblesse humaine qui se sont glissés dans le recueil si immense et souvent si contradictoire de nos lois, les unes dictées par un besoin passager, les autres établies sur des usages ou des opinions qui ne subsistent plus, ou arrachées au souverain dans des temps de troubles, ou émanées dans des temps d'ignorance.

Mais ce n'est pas à nous, sans doute, d'oser rien indiquer à des hommes si élevés au-dessus de notre sphère; ils voient ce que nous ne voyons pas; ils connaissent les maux et les remèdes. Nous devons attendre en silence ce que la raison, la science, l'humanité, le courage d'esprit, et l'autorité, voudront ordonner.



« Ne fera-t-on jamais taire cet homme ? », aurait dit Louis XV excédé. De fait, sans doute parce que la censure et les hommes de pouvoir ont cherché sans relâche à le bâillonner, Voltaire a crié toute sa vie plus fort que les autres.


Des citations d’Henrik Ibsen - 1828-1906 - en page 1 de pignoufferies.pdf… « Il existe certains devoirs, certaines obligations auxquelles un homme doit obéir, sous peine de salir son âme.... »

La responsabilité des magistrats

La responsabilité des magistrats
Gwenola Kerbaol
Paris, PUF, 2006, coll. Les Notes
ISBN : 2 13 055871 2

Collection de la mission de recherche Droit et Justice
http://www.gip-recherche-justice.fr/


Texte de la 4ème de couverture :

La question de la responsabilité des magistrats n'est pas nouvelle, mais elle se pose depuis quelques années avec une acuité particulière. Des affaires récentes comme celle d'Outreau mettent en lumière les conséquences des dysfonctionnements de la justice et conduisent à s'interroger sur le rôle des juges. Loin des positions polémiques, cet ouvrage propose une analyse juridique des différents mécanismes de responsabilité auxquels sont soumis les magistrats de l'ordre judiciaire. Il constate la primauté de l'action disciplinaire sur les responsabilités civile et pénale. Il présente les justifications, mais aussi les limites du schéma adopté. Il offre au lecteur une cartographie des débats et des différents arguments habituellement avancés. Il invite à poursuivre la réflexion sur le terrain qui finalement en constitue l'enjeu : la légitimité de l'autorité judiciaire.

Docteur en droit, Gwenola Kerbaol a enseigné à l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse. Elle a soutenu sa thèse sur " la responsabilité personnelle des magistrats de l'ordre judiciaire " à l'Université de Montpellier I..

"Les Notes" de la Mission de recherche Droit et Justice visent à contribuer aux débats sur la justice en diffusant des travaux de recherche auprès d'un large public.

Pour ne pas se faire couper la tête, le Roi se doit d'agir pour le bien du peuple. Il n'a d'autre choix que d'administrer sa justice avec sagesse et équité.


Oeuvre de Voltaire,
Commentaire sur le livre
des délits et des peines
1766

Extraits 

II. — Des supplices
Les supplices recherchés, dans lesquels on voit que l’esprit humain s’est épuisé à rendre la mort affreuse, semblent plutôt inventés par la tyrannie que par la justice

III. — Des peines contre les hérétiques
L’habitude devient loi; et depuis ce temps jusqu’à nos jours, c’est-à-dire pendant plus de sept cents années, on a brûlé ceux qui ont été ou qui ont paru être souillés du crime d’une opinion erronée.

X. — Des sorciers
Les médecins cherchèrent encore la marque satanique. Ils la trouvèrent à un petit seing noir sur une de ses cuisses. Ils y enfoncèrent l’aiguille. Les tourments de la question avaient été si horribles que cette pauvre créature expirante sentit à peine l’aiguille elle ne cria point; ainsi le crime fut avéré. Mais comme les moeurs commençaient à s’adoucir, elle ne fut brûlée qu’après avoir été pendue et étranglée.

Tous les tribunaux de l’Europe chrétienne retentissaient alors de pareils arrêts. Les bûchers étaient allumés partout pour les sorciers, comme pour les hérétiques. Ce qu’on reprochait le plus aux Turcs, c’était de n’avoir ni sorciers ni possédés parmi eux. On regardait cette privation de possédés comme une marque infaillible de la fausseté d’une religion.

Un homme zélé pour le bien public, pour l’humanité, pour la vraie religion, a publié, dans un de ses écrits en faveur de l’innocence, que les tribunaux chrétiens ont condamné à la mort plus de cent mille prétendus sorciers. Si on joint à ces massacres juridiques le nombre infiniment supérieur d’hérétiques immolés, cette partie du monde ne paraîtra qu’un vaste échafaud couvert de bourreaux et de victimes, entouré de juges, de sbires, et de spectateurs.

X. — De la peine de mort
On a vu des juges qui aimaient à faire couler le sang; tel était Jeffreys, en Angleterre; tel était, en France, un homme à qui l'on donna le surnom de coupe-tête. De tels hommes n'étaient pas nés pour la magistrature; la nature les fit pour être bourreaux.

XII. — De la question
La loi ne les a pas encore condamnés, et on leur inflige, dans l’incertitude où l’on est de leur crime, un supplice beaucoup plus affreux que la mort qu’on leur donne, quand on est certain qu’ils la méritent.


Les bourreaux
Portraits du bourreau
Par E. Thaib, extrait :

« C’est bien le peuple tout entier qui est appelé à juger et à exécuter dans le même moment. » La lapidation n’est pas la réunion de bourreaux d’occasion, c’est tout le groupe qui devient bourreau. Peuple et puissance publique, le temps de l’exécution, se confondent.

Rome connaissait des mises à mort sans bourreau apparent. Que l’on songe par exemple aux jeux du cirque au cours desquels les premiers chrétiens, entre autres, étaient livrés aux fauves. De même, la décapitation à la hache était précédée d’une « promenade infamante » durant laquelle le condamné était conduit à travers les rues de la Ville où la foule, bien souvent, l’insultait et le lapidait3. Enfin, une forme d’ordalie primitive consistait à placer le condamné sur une barque, sans voile ni rame, « laissant aux courants le soin de décider de son sort et aux dieux le loisir de l’absoudre ». On trouve des cas plus tardifs de participation directe de la population aux exécutions. Au Moyen Âge, par exemple, les bûchers étaient montés au ras du sol, donc sans échafaud, pour permettre à chacun d’y apporter une bûche.

On peut légitimement penser que la publicité des exécutions capitales, et l’engouement qu’elles suscitent trouvent leur source dans ce rôle de bourreau originellement dévolu à tout le peuple.

September 16, 2006

L'enfant de justice à Rome

Pour ce qui concerne l'enfant de justice pendant la guerre et l'immédiat après-guerre, voir sur le site de la Revue d'Histoire de l'Enfance Irrégulière, par exemple le n°3, 2000. Le recoupement avec d'autres points de vues ou documents historiques met parfois en évidence des divergences étranges : pour les uns, les compagnons de France ont permis à la France de former une armée pendant l'occupation alors que, pour d'autres, c'était une solution de la panoplie du dispositif de la protection de l'enfance d'alors.

Les deux pages qui suivent, l'enfant de justice à Rome, sont extraites d'un livre très riche d'informations. Aujourd'hui en France, ce n'est plus le père qui décide, ce serait le juge.

Protection de l'enfance
et cohésion sociale du IVe au XXe siècle
De Paul Vasseur
L'Harmattan (15 avril 1999), 318 pages





September 12, 2006

Et l’Etat ? Jusqu'à 28 milliards d'euro dilapidés ?

On connait le dossier des ZEP où, depuis les années 80, les budgets n'allaient pas aux bons endroits. On connait le dossier des prisons. Parmis tant d'autres, il y a eu le rapport Pebereau. On connait aussi le bilan sur le plan de la santé mentale. Il y a eu Outreau, d'autres lièvres encore. Le dossier des sans papiers - ou des irréguliers - j'y reviendrais plus tard. Il pourrait y avoir maintenant un problème avec le dispositif de la formation professionnelle aussi, voir à la suite, alors que, nous savons déjà que le dispositif de la protection de l'enfance est défaillant.

La dernière publiée remonte au 14 aout 2006 à Beauvoir-en-Royans, en Isère. Un mome de 14 ans tuait son père d'une cartouche de chevrotinne. Si rien ne peut justifier un parricide, la situation de la famille et des enfants était assez particulière sinon inquiétante, depuis un moment déjà. La presse semble assez réservée sur la situation de la famille mais j'ai eu l'occasion d'en discuter avec une personne résidant à Grenoble.
Il est réputé qu'on élève pas les chiens en leur frappant sur la gueule, ils deviennent méchants. De même, et l'école des behaviouristes pourrait en convenir, on élève pas les enfants des humains en les maltraitant, ils deviennent dangereux aussi.

D'autre part, la circulaire Circulaire DGAS n° 2001/306, esprit à la suite, aux préfets, n'aurait jamais été appliquée. Vu mes plaintes et ma main courante de janvier 2005, je confirme, la circulaire n'a jamais été appliquée.

Sarkozy, lui, va ouvrir le débat. Moi, j'attend que son cabinet de l'intérieur me réponde à un RAR du 30 juin dernier. Je suis curieux de voir s'il va lui aussi m'écrire ou me raconter n'importe quoi.

Je viens de dénicher le dossier de presse de l'appel des 100. Intro du 8 septembre 2005, extraits d'un truc enterré début mai 2006 :


A chaque fois, la réponse est sur le registre de la dramatisation c’est l’émotion qui prend la première place. Ensuite, le mouvement naturel pour que cela ne se renouvelle pas, c’est de modifier la loi.

Des élus locaux volontaires mais isolés sur cette question dans chaque département, tentent d’une manière autonome, de faire face aux problématiques, qui pour certaines ne sont pas de leurs seules compétences.
Je pense aux actions sur la précarité et sur la santé mentale.
Pourtant, chaque année le poids financier de la Protection de l’Enfance ne cesse d’augmenter approchant les 5 milliards d’euros. Par comparaison, c’est deux fois celui de l’UNICEF pour le monde entier.

Et l’Etat ?
Il faut bien dire qu’il assure une présence en pointillé, considérant qu’il s’agit d’une compétence décentralisée qui relève des conseils généraux. Je cite souvent l’exemple de la circulaire de la Ministre Ségolène Royal de 2001 à l’intention des Préfets, pour leur rappeler leurs compétences en matière de protection de l’Enfance.
Jamais, cette circulaire(*) n’a été mise en oeuvre à part dans un ou deux Départements.

Claude Roméo
Directeur de l’« Enfance et de la Famille »
au Conseil général de Seine-Saint-Denis


Et maintenant,
qu’attendre de cet appel ?

Jean-Pierre Rosenczveig
Président du Tribunal pour enfants de Bobigny
Président de DEI-France


« Plus d’un million d’enfants, de parents et de professionnels de l’action sociale attendent des changements du système de Protection de l’Enfance. Beaucoup a déjà été fait au cours de ces dernières années. Des professionnels et des responsables de terrain ont su innover. Des décisions ont été prises au niveau national. Mais au total, la portée concrète de ces évolutions reste limitée.
Il faut des évolutions en profondeur, dans de nombreux domaines des politiques publiques de l’État et des collectivités territoriales. De multiples rapports nationaux le disent, j’en ai co-signé deux, et d’autres très récents font le même constat et formulent des propositions. Pour accélerer le rythme des changements et ne pas hésiter à mettre en question et des textes de loi et des pratiques, il faut un mouvement mobilisateur qui appuie les volontés politiques.
« L’appel des 100 » constitue un tel vecteur ».

Pierre Naves
Inspecteur général des affaires sociales, (IGAS)
Professeur associé à l’Université
de Marne-la-Vallée


*) Circulaire DGAS n° 2001/306
Diffusée aux préfets le 3 juillet.

Circulaire relative à la prévention des violences et maltraitance notamment sexuelles dans les institutions sociales et médico-sociales accueillant des mineurs ou personnes vulnérables. Elle prévoit qu’une politique de prévention des violences dans les institutions sociales et médico-sociales doit être mise en place autour de trois axes : le contrôle des structures, le renforcement de la vigilance lors du recrutement, l’information et l’accompagnement des victimes, familles et professionnels.


Formation professionnelle : 23 milliards d'euros dépensés en 2005 sans "impact avéré"
LE MONDE | 12.09.06

La France consacre chaque année des sommes considérables à la formation des adultes - 23 milliards d'euros en 2005, soit 1,4 % du PIB ou encore l'équivalent du coût du revenu minimum d'insertion (RMI) - pour des actions "n'ayant, dans la plupart des cas, aucun impact avéré sur les parcours professionnels" : tel est l'un des principaux constats dressés par les économistes Pierre Cahuc et André Zylberberg dans une étude réalisée à la demande du centre d'observation économique de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), elle-même partie prenante de ce système.


mardi 12 septembre 2006, 18h53
Prévention de la délinquance: Nicolas Sarkozy ouvre les débats au Sénat mercredi

PARIS (AP) - Nicolas Sarkozy ouvrira mercredi à 15h au Sénat les débats sur son projet de loi sur la prévention de la délinquance, accusé par la gauche et les associations de défense des droits de l'Homme de privilégier une politique d'enfermement des mineurs.

En gestation depuis 2003, ce texte élargit la gamme des sanctions encourues par les mineurs pour offrir une réponse "proportionnée", "rapide" et "efficace" aux actes de délinquance. Il institue notamment une "présentation immédiate" au tribunal pour enfants des jeunes de 16 à 18 ans. "Il y aura une réponse pour chaque délit. Cette réponse sera la plus rapide possible", expliquait le ministre de l'Intérieur en mai dernier.

Le maire, placé à la tête d'un "conseil pour les droits et devoirs des familles" dans les communes de plus de 10.000 habitants, deviendra le pivot de cette politique de prévention. Il pourra proposer un accompagnement aux parents et, en cas d'infraction, demander une mise sous tutelle des allocations familiales au nom du conseil.

"On est dans la continuité d'une politique qui a échoué. Les lois Sarkozy passent, mais la violence continue et s'aggrave", a dénoncé mardi Delphine Batho, chargée des questions de sécurité au PS. "Il n'y a pas de politique de prévention dans ce texte" mais "une logique d'enfermement des mineurs", a-t-elle déploré. AP


Privé de console de jeux, un adolescent tue son père
TF1-LCI, le 26 août 2006

Un adolescent de 14 ans a tué son père d'un coup de fusil de chasse lundi dans l'après midi à Beauvoir-en-Royans, en Isère. Ce dernier, trés sévère, avait interdit à son fils l'utilisation de sa console de jeux. Le mineur, retrouvé prostré, est aujourd'hui en détention provisoire.

Les habitants de Beauvoir-en-Royans, en Isère, sont sous le choc. Un adolescent de 14 ans, d'une famille très modeste, a tué son père lundi dans l'après-midi. Ce dernier, reprochant à son fils de passer trop de temps devant sa console avait menacé de la brûler.

En colère, le jeune homme, qui supportait de moins en moins les mesures éducatives répressives de son père, réplique. De sa fenêtre située au premier étage, il tire, à coups de fusil de chasse, sur son père qui vient d'allumer un feu dans la cour, pour mettre sa menace à exécution. Un seul coup de feu suffit.

Les voisins chez qui l'adolescent, sous le choc, s'est réfugié, appellent immédiatement les pompiers. Découvrant la scène, la mère, et sa fille de 9 ans préviennent quant à elles, la police. En vain, puisque la victime, un artisan de 63 ans, succombera à sa blessure peu de temps après.

Un jeune homme sans histoire

Contacté par LCI.fr, le capitaine Charpentier de la gendarmerie de Pont-en-Royans a précisé que le jeune homme n'avait absolument aucun précédent. "C'est un bon élève, un jeune homme sans histoire", a-t-il précisé. En garde à vue depuis le crime, le mineur est aujourd'hui écroué dans la maison d'arrêt de Vars.

Une enquête a été ouverte au Parquet de Grenoble: les premières investigations ont eu lieu directement après le meurtre. Une commission rogatoire devrait pouvoir rapidement apporter de nouveaux éléments sur le drame.


D'un echange dans un forum...

Re: le code et les fantasmes...
[re: kurukuru]

> La formation professionel ne sert qu'a une chose , financer les syndicats .
> C'est meme l'une de leur principale source de revenu.

Je ne connais pas ce monde. C'est pour cela qu'une certaine gauche exige que tout travailleur soit syndiqué?

Ca rendrait les syndicats plus forts.


Mais ce qui m'intéresse plus particulièrement, c'est le secteur très mal documenté de la protection de l'enfance. Je viens de déterrer une vieille circulaire aux préfets qui n'aurait jamais été appliquée:

Circulaire DGAS n° 2001/306
Diffusée aux préfets le 3 juillet.

Circulaire relative à la prévention des violences et maltraitance notamment sexuelles dans les institutions sociales et médico-sociales accueillant des mineurs ou personnes vulnérables. Elle prévoit qu’une politique de prévention des violences dans les institutions sociales et médico-sociales doit être mise en place autour de trois axes : le contrôle des structures, le renforcement de la vigilance lors du recrutement, l’information et l’accompagnement des victimes, familles et professionnels.

'Cliquez Ici'


En octobre 2005 j'ai eu le sentiment de déranger lorsque je demandais qui pouvait effectuer un contrôle. Je comprend mieux de jour en jour.




Ah, Amazon m'expedie encore 3 livres :

  • 1 ex. de : Contribution à l'etude du delit de manipulation mentale prejudiciable
  • 1 ex. de : Justice en France : Une loterie nationale
  • 1 ex. de : La violence institutionnelle : Une violence commise sur des personnes

Des juges sourds, que s'est-il passé depuis ?


Une grève de la faim pour se faire entendre de la justice
l'Humanité, 14 décembre 1999.

Madame S. a décidé d’engager une grève de la faim avec d’autres parents concernés également par des dénis de justice. Depuis le 3 décembre 1999, à Clermont-Ferrand, quatre mères, une grand-mère et un père tentent ainsi d’alerter l’opinion publique. Dans sa nouvelle réforme, Élisabeth Guigou n’invite-t-elle pas les personnes qui se sentent lésées par la justice à se faire entendre ?
...

Enquête, l'Humanité, 14 décembre 1999
Des juges sourds à la détresse d’un enfant en souffrance

Depuis près de six ans, une mère se bat pour retrouver le droit de voir son fils.

Damien vit avec son père sur décision judiciaire. Pourtant, de multiples signalements de professionnels ont alerté la justice des abus sexuels dont serait victime le petit garçon.

Celui que nous appellerons Damien (1) a huit ans. Il n’en paraît que six. Cet été, quand nous avons croisé cet enfant frêle, au teint pâle et aux grands yeux noirs, il était étrangement silencieux. Figé, le regard triste, dans le vague, hébété. Ce mercredi-là, comme convenu par la justice, il aurait dû retrouver sa mère, pour un droit de visite de quatre heures dans un " lieu de médiation ". Mais son père en a décidé autrement. Arraché des bras maternels dans les cris et les larmes, une fois de plus, le petit garçon n’a pas eu voix au chapitre. Il n’a pu que lancer un regard. Désespéré. Pétri de peur. Il ne s’agit pas d’une histoire banale de droit de garde d’enfant. Depuis 1994, Mme S., la mère de Damien, est convaincue que son fils, victime d’abus sexuels, est en danger auprès de son père. Après douze signalements pour présomption d’abus sexuels, quarante-deux attestations en faveur de Mme S., deux plaintes classées sans suite, deux rapports de gendarmerie ignorés..., un non lieu a été prononcé en faveur du père de l’enfant, en début d’année.

Retour sur des événements qui ne seraient que péripéties judiciaires si elles ne portaient pas gravement atteinte aux droits élémentaires d’un petit garçon.

Février 1992. Mme S. et M. P. qui vivent en concubinage, se séparent. Leur fils Damien, âgé d’un peu plus d’un an, est confié à sa mère. Celle-ci a déjà élevé trois enfants d’un premier mariage. Dès cet instant, M. P. multiplie les procédures juridiques pour obtenir l’exclusivité de l’autorité parentale et la garde de l’enfant. Les relations entre les deux parents sont houleuses.

Février 1994. Damien rentre de chez son père où il a passé ses vacances. Un médecin de Sainte-Marie-de-Ré constate alors " des lésions anales à type de fissures " sur le petit garçon. Dans les semaines et les mois qui suivent, plusieurs praticiens s’inquiètent de l’état de l’enfant : " Prostré, anorexique, il fait des cauchemars et s’enferme dans un mutisme inquiétant ", notent-ils. Dans un premier temps, Mme S. demande à l’un des juges aux affaires matrimoniales de Charente-Maritime, une suspension du droit de visite de son ex-concubin. En vain.

31 décembre 1994. Après huit longs mois d’hésitation, la maman de Damien porte plainte contre X pour agression sexuelle sur mineur de quinze ans, témoignages et certificats médicaux à l’appui.

Février 1995. Le juge aux affaires familiales (JAF) ordonne une enquête sociale et deux examens médicopsychologiques. Parallèlement, l’enquête des gendarmes conclut " que les faits relatés sont susceptibles de constituer le délit d’agression sexuelle sur mineur ". Et demande " des investigations supplémentaires au domicile de M. P. ".

5 juillet 1995. Le parquet clôt l’instruction et décide de ne pas renvoyer l’affaire devant un tribunal.

Durant cette période, l’institutrice de Damien, plusieurs médecins mais aussi des psychiatres qui suivent l’enfant, font des signalements de présomption d’abus sexuels au procureur de la République. " Il s’agit d’un problème grave de névrose traumatique incluant une présomption d’abus sexuel chez un petit garçon de quatre ans ", affirme un pédopsychiatre parisien. Les confidences que lui fait l’enfant sont effrayantes : " Papa m’a défoncé le cul. " Ses dessins le sont tout autant. Damien évoque sans cesse " le zizi, le cul, l’endroit qui fait mal, papa me fait mal ". D’où le cri d’alarme de ce praticien : " Une prise en charge psychothérapique s’impose, à condition que cet enfant soit protégé par la justice. Car il est en danger. " Un avis partagé par deux de ses consours de Charente-Maritime. L’une d’elle fera six signalements entre 1994 et 1995. Aucun d’entre eux ne sera pris en compte par la justice.

Le juge aux affaires familiales préfère s’accommoder des conclusions contradictoires de l’examen médicopsychologique qu’il a commandé. Les experts reconnaissent que le petit garçon souffre " de manifestations régressives avec un vécu dépressif " et qu’il doit bénéficier d’un suivi psychologique. Mais sans vouloir approfondir les raisons de sa souffrance, ils estiment que l’état de Damien trouve sa source dans le " conflit parental ".

Madame S. demande une contre-expertise. En vain. Les attestations et signalements continuent à affluer. En vain. Pourquoi ? Aujourd’hui encore, le procureur que nous avons joint au téléphone, " ne veut rien dire ". " Il s’agit, dit-il seulement, d’une histoire très difficile. Et j’ai mon opinion. "

8 novembre 1995. Le juge aux affaires familiales du même parquet enfonce le clou. Il transfère l’hébergement de Damien chez son père. Explications : " Mme S. est hystérique et narcissique (...) Il y a un réel danger pour le développement harmonieux d’un enfant de quatre ans et demi à être maintenu quotidiennement dans un cadre de vie où l’image de son père sera aussi négative. " Muté depuis dans l’est de la France, le magistrat, que nous avons contacté, s’est réfugié derrière son " obligation de réserve ", et a refusé de s’exprimer à ce sujet.

Loin d’être satisfait des bonnes grâces du JAF, M. P. en rajoute. L’ordonnance du 8 novembre à peine annoncée, il exige la suspension des droits de visite de la mère et l’autorité parentale exclusive. Sans succès dans l’immédiat.

Le dossier est alors transféré devant la juridiction du domicile de M. P. Là, nouveau coup de théâtre : Allant à l’encontre de tous les avis médicaux, y compris ceux d’experts auprès des tribunaux, le juge aux affaires matrimoniales interdit - sur la demande du père - toute thérapie de l’enfant. Une décision incroyable, inédite. Comment le magistrat, qui n’a jamais rencontré Damien, explique-t-il sa décision ? " L’enfant n’a que trop vu de psychologues... ", dit-il.

Année 1996. Plusieurs médecins continuent à s’inquiéter de l’état du petit garçon. Et en juin, des psychiatres réitèrent leurs signalements. Plusieurs d’entre eux font alors l’objet de pressions. L’un note ainsi " avoir reçu de M. P., des lettres d’intimidation, véritable violence concrètement inscrite noir sur blanc ". Certains médecins ont même été convoqués par la section disciplinaire du conseil de l’Ordre. Un chef de service en psychiatrie, qui témoigne de la bonne santé mentale de la mère de Damien, n’hésite pas à dire que " tous ceux qui ont essayé de défendre Mme S. ont été massacrés ".

Il faut dire que M. P. n’est pas n’importe qui. Fils d’une grande famille d’industriels de Limoges, cotée dans les grandes fortunes de France, il a des relations... Ce n’est pas le cas de son ex-concubine, aujourd’hui RMIste.

À la fin novembre 1996, le procureur persiste et signe. Pour lui, toute cette affaire ne relève que " d’un contentieux sur l’exercice de l’autorité parentale ". Et le " danger ", c’est la mère. Le juge des enfants n’a donc pas à s’en mêler.

Année 1997. Deux nouveaux signalements de professionnels pour présomptions d’atteintes sexuelles sur l’enfant sont transmis au parquet limougeaud. La mère porte plainte avec constitution de partie civile contre M. P. Le médecin de famille de Sainte-Marie-de-Ré constate que " l’enfant est dans un état dépressif grave et qu’il refuse d’aller chez son père ". Pour la praticienne : " Cet état de fait, ajouté aux autres éléments à ma connaissance, me fait penser que Damien est en danger et que la vie avec sa mère est plus sécurisante pour lui. " Vu les circonstances, le petit garçon est hospitalisé. La justice s’en émeut et nomme un expert médical. Ce dernier estime qu’au moment de l’examen, " les conditions de remise de Damien à son père, étaient désastreuses et génératrices d’une déstabilisation qui mettait l’enfant en état de fragilité extrême... " Malgré tout, Damien est rendu quelques jours plus tard à son père.

À la même époque, un psychiatre psychanalyste, spécialisé dans les problèmes de maltraitance, écrit au juge des enfants : " En corrélation avec les paroles de cet enfant et ses symptômes de régression, on reconnaît ici des éléments de preuve, au sens clinique, allant dans le sens d’une présomption de maltraitance et d’abus sexuel... " Une de ses consours conforte ce point de vue : " Il est de mon devoir de signaler le danger grave qu’encourt cet enfant et d’attirer votre attention sur ce dossier afin d’éviter l’irréparable. "

23 octobre 1997. Ces témoignages n’empêchent pas le juge aux affaires matrimoniales en charge du dossier de garder son cap. Pour lui, toutes les attestations et signalements ne sont que " pure complaisance à l’égard de la mère ". Et celle-ci n’ayant pas respecté l’interdiction de suivi psychologique de Damien, le JAF décide carrément de priver Mme S., de son droit de visite et d’hébergement.

Un mois plus tard, M. P. emmène son fils vivre avec lui en Suisse, sans en informer la mère. Le 5 décembre, plus de trois ans après les faits présumés, le tribunal met, enfin, le père en examen pour " viol sur mineur de quinze ans ". Damien, pour autant, reste chez son père.

Aujourd’hui encore, ce petit garçon de huit ans vit en vase clos dans l’univers paternel, suivant sa scolarité par correspondance. Nous aurions voulu en savoir plus. Mais à Limoges, l’avocat de M. P. "ne donne pas de renseignement sur cette affaire ".

27 janvier 1998. La cour d’appel a rétabli le droit de visite de Mme S. : deux fois par mois, dans un lieu neutre. À Limoges (c’est-à-dire loin, très loin de là où elle habite désormais). Droit de visite que ne respectera pas son ex-concubin, pendant... un an et demi.

Juillet 1999. Cet été, enfin, Damien a pu revoir sa mère. Quatre heures de visite, deux fois par semaine, dans la première quinzaine de juillet. Idem dans la seconde quinzaine d’août. Depuis, plus rien... Aucun droit de visite n’est prévu. Et la chambre familiale de la cour d’appel n’entend régler ce vide juridique qu’en... juin 2000. " Une date de faveur ", selon le président de la cour. Veut-on pousser la mère au désespoir ?

Aujourd’hui. Mme S. continue à se battre. D’autant que les professionnels qui ont expertisé les dessins faits par Damien à sa mère, sont formels : " Même avec des traumatismes - sauf s’il s’agit de traumatismes d’abus sexuels —, les dessins d’enfants ne sont jamais aussi vides. Ceux-là montrent un être en grande détresse psychologique, qui n’a plus dans son psychisme la force, l’imagination, la richesse intérieure pourtant immenses au moment de l’enfance. "

Mme S a donc déposé une nouvelle plainte, demandant à la justice de considérer les dernières expertises de dessins comme des faits nouveaux. Elle a récemment interpellé le doyen des juges de Paris, pour une réouverture du dossier. L’enfant vivant en Suisse, l’affaire peut être désormais traitée par n’importe quel tribunal. Une chance peut-être pour que le dossier soit enfin pris en compte par un juge des enfants.

France Berlioz

(1) Dans ce lourd dossier, il nous a paru pour le moment préférable, dans l’intérêt de l’enfant, de préserver l’anonymat de toutes les personnes concernées...

September 2, 2006

Lumières, colonialisme et traite

Les trafics négriers européens (d'abord anglais et français) sont aujourd'hui assez bien connus, mieux que la plupart des autres grandes migrations de l'histoire. En 1999, une recherche recensait les 27 233 expéditions négrières réalisées entre 1595 et 1866. On estime que plus de onze millions de captifs furent déportés par les traites atlantiques, dont plus du dixième moururent lors de la traversée. L'apogée des trafics fut atteint entre 1750 et 1850, même si la traite déclina dès les années 1790, avant même l'essor véritable du mouvement abolitionniste. L'idée que la traite négrière atlantique était moribonde au XIXe siècle est pourtant un cliché : elle resta très active jusqu'aux années 1850 car l'offre de captifs africains demeura élevée et les plantations de Cuba et du Brésil importèrent encore beaucoup d'esclaves (rappelons que, si les Etats-Unis restent un pays esclavagiste jusqu'à la guerre de Sécession, ils ont, au moins en théorie, interdit la traite dès 1807).
Source : Droits humains


Aujourd'hui, bien évidemment, chacun est choqué par le comportement du directeur du "jardin d'acclimatation Geoffroy Saint-Hilaire", qui, après la guerre de 1870 (pendant le siège de la capitale, les parisiens avaient croqué tous les animaux) organisa des spectacles exotiques qui faisaient fureur avec des indigènes achetés à des fournisseurs patentés, et par l'attitude des "scientifiques" d'alors venus mesurer et étudier ces hommes. Mais on est moins choqué par ce mouvement qui fit que ces indigènes des colonies furent intégrés à la nation française à l'occasion de la grande guerre et envoyés au front dans des conditions qui rappellent la vulgaire boucherie.

L'aliénation est subtile, elle prend des formes qui évoluent avec leur temps, qui s'essayent à la rendre toujours un peu plus tolérable en l'apprêtant avec des habits civilisés.
Cahiers de l'Actif
Septembre/Octobre 2000, n°292/293
Dossier: Les travailleurs sociaux ont-is peur du changement?
Extrait du contre point.


La culture c'est le choix de l'anachronisme, c'est décider que la visée suprême de l'humain ce n'est pas de vivre avec son temps.

Alain Finkielkraut
'Répliques' 14 décembre 2002 France-culture


28 janvier 2006 - Le Président de la République s’est enfin résigné à faire disparaître du droit français l’article 4 de la loi du 23 février 2005 qui enjoignait aux enseignants de faire état du rôle positif de la colonisation française.

August 26, 2006

L'assistance publique du XXIe siècle

1838, instauration de la loi relative à la protection des malades (leur internement) et de leurs biens confirmée en 1990.

Vers 1850, fin officielle de la traite dite "des nègres".


"La société en recevant l'enfant se met à la place de la famille; elle en accepte les devoirs (...) elle doit faire pour l'enfant ce que ferait la famille elle-même, supposé qu'elle* connût ses devoirs et qu'elle eût la volonté et le pouvoir de les remplir (...) elle doit veiller au développement des facultés morales de l'enfant trouvé"
Paris, 1838

Dès 1850, les pères pouvaient être déclarés "indignes" .

En 1865, la SPE (Société de Protection de l'Enfance) ouvre ses portes à Paris.

Les momes doivent alors être placés chez des personnes honnêtes, ayant des ressources suffisantes et pouvant donner une bonne éducation aux "élèves" : les momes sont de préférence expédiés aux champs, chez les agriculteurs.

Protection de l'enfance
et cohésion sociale
Du IVe au XXe siècle
Paul Vasseur, l'Harmattan, 1999

*: la société ou la famille, dans une logique évidente de distinction des classes et origines ?


En 1876 paraît "L'homme criminel" de Lombroso ce qui situe bien ce qu'était le "psy" de 1850.

9 décembre 1905, séparation de l'Eglise et de l'Etat.
12 décembre 1905, circulaire Chaumier (ça, c'est une grande très intrigue, je ne sais pas encore ce qui l'a motivée)

En 1960, Debré raflait encore des momes en Réunion, pour repeupler les champs de la Creuse.


2003, les psys se rebellent, états généraux qui ne s'étaient pas tenus depuis 1970.

Libération, 17 septembre 2005
Feu sur Freud, suite à la parution du «Livre noir de la psychanalyse»

Péremptoire : «Moi, j'applique à la lettre le principe de l'historien Vidal-Naquet. On ne discute pas avec des gens qui veulent vous tuer. On parle d'eux, sans eux. Pas de débat», s'enflamme Elisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse.



Rapport 2005 de l'Inserm.

Historiquement, l'assistance publique "rééduque et moralise" la marmaille du dit "bas peuple" mais distingue cependant les filles (couture, ménage) ainsi que les mauvais garçons de bonne famille :

- en 1881, l'administration souhaite avoir un regard plus présent sur ces jeunes de 12 à 16 ans - de l'assistante publique - qui doivent apprendre un métier ,

- vers 1888, la volontée affichée de s'occuper de tous les enfants - de l'assistance publique - va faire évoluer cette institution vers l'accueil des enfants victimes et des enfants difficiles.


2006, Madison, Mathias, des affaires de meurtre abominables : réforme du dispositif.

2006, l'AFA (Agence Francaise pour l'Adoption) ouvre ses portes à Paris.

2006, à paraître, rapport de l'UNICEF intitulé "Behind closed doors".


2007, les internats, les CEF, intensification des pistages, plus d'adoptions, toujours des placements en foyers, des placements à la campagne, des parents déclarés "indignes", "déviants", "incapables", "dangeureux", etc, etc.

Extrait du rapport Naves Cathala de juin 2000... Ceux-ci - signalements de l'ASE - se caractérisent essentiellement par des affirmations souvent à caractère psychologique mais rarement étayées par des faits précis.

Renneville, 2003, en référence à la loi de 1838  le diagnostic est susceptible d'advenir là où se porte le simple soupçon de déraison.


A croiser avec d'autres ouvrages tels que :

L'enfance inadaptée
Anthologie de textes fondammentaux
Claude Wacjman, Privat, 1993

Les bagnes d'enfants,
dieu merci,
ça n'existe plus
Jaques Fresco, ed. François Maspero, 1974

S'écarter des normes sociales, c'est s'exposer à connaitre l'institution spécialisée. Si cette "prise en charge" s'opère dans un lieu spécifique - internat, externat, hôpital, foyer, ... -, on parle alors de "placement". Les jeunes des foyers de Flers et des Cytise sont dits "placés".
Le comportement a-normal (c'est à dire différent de celui de la moyenne des gens ou différent de l'attente du pouvoir en place ?) peut concerner la vie sociale (par exemple : oisiveté, vol, agressivité), la vie affective et intellectuelle (bizarrerie, étrangeté, débilité), ou meme la situation familiale (pupille, reccueilli temporaire).

Crime et Folie, M. Renneville, 2003
Née au XIXe siècle dans les grandes affaires de meurtre abominables et sans mobiles, la folie du crime a peu à peu été projetée sur d'autres actes. Loin de se concentrer sur les transgressions les plus sévèrement sanctionnées par le code pénal, son diagnostic est susceptible d'advenir là où se porte le simple soupçon de déraison. Elle permet dès lors de stigmatiser la délinquance juvénile aussi bien que les crimes politiques.

La lettre de cachet doit suivre une procédure : la famille rédige un placet, l'intendance enquête... La lettre de cachet est aussi le reflet d'une société où la famille est maîtresse de la liberté de ses membres, les surveille et les interne si besoin est. La Révolution Française abolit les lettres de cachet, mais maintient les fous enfermés. 90% des lettres de cachet étaient demandées par les familles en vue de l'emprisonnement des marginaux et déviants, donc des fous.
Source : Centre hospitalier Charcot,
Histoire de la psychiatrie : l'âge classique (XVIIe siècle)


Il n'y a pas de troubles dans les organes de la pensée, qui ne puisse susciter un des aspects de la démence. Il est vrai que Willis lui donne comme signes et caractéristique essentiels la stupiditas. Mais quelques pages plus loin la stupiditas est devenue l'équivallent de la démence : stupiditas sive morosis... La stupidité est alors purement et simplement "le défaut de l'intelligence et du jugement" - atteinte par excellence de la raison dans ses fonctions les plus hautes.
Histoire de la folie à l'ace classique,
Figures de la folie,
Michel Foucault


Les analyses de la manie et de leur évolution au cours de l'âge classique obéïssent à un même principe de cohérence.
Willis oppose terme à terme manie et mélancolie. L'esprit du mélancolique est tout entier occupé par la reflexion, de telle sorte que l'imagination demeure dans le loisir et le repos; chez le maniaque au contraire, fantaisie et imagination sont occupées par un flux perpétuel de pensées impétueuses. Alors que l'esprit du mélancolique se fixe sur un seul bjet, lui imposant, mais à lui seul, des proportions déraisonnables, la manie déforme concepts et notions ; ou bien ils perdent leur congruence, ou bien leur valeur représentative est faussée ; de toute façon, l'ensemble de la pensée est atteint dans son rapport essentiel à la vérité.
Histoire de la folie à l'ace classique,
Figures de la folie,
Michel Foucault


Thomas Willis
English anatomist and physician,
born January 27, 1621, Great Bedwyn, Wiltshire;
died November 11, 1675, London.

La vérité qui déboule à l'audience est un produit de la superstition. Lachée du ciel ou déchiffré dans les cris du supplicié ou les larmes de la victime, elle n'a pas été formée par une enquête serieuse et impartiale mais par un décrêt paré d'autorité de l'Etat. Sous prétexte que le fait à juger a engendré du mal et de la souffrance, les fonctionnaires de la justice tournent le dos à la raison et au bon sens.
Eloge de la barbarie judiciaire
Thierry Levy, ed. Odile Jacob


La parole, ce ne sont pas seulement des mots qui s'inscrivent dans un espace. La parole authentique est celle qu'on ne peut pas ne pas écouter. C'est celle qui, tout à coup, sort l'auditeur du ronron facile à gérer, où la banalité des propos l'enferme, pour le contraindre à se mettre en éveil ou à se réveiller. La parole ne doit pas seulement se contenter de dire.
Extrait de Parole, parole...
Du blog de Philipe Bilger
Avocat Général près la cour d'appel de Paris


Ordonner et exclure
Cluny et la société chrétienne
face à l'hérésie, au judaïsme
et à l'islam (1000-1150)
Iognat-Prat, Champ/Flammarion, 2003

Maât : L'ordre juste du monde
Bernadette Menu, Michalon, 2005

Les groupes d'intérêt
Guillaume Courty, Repères, La Découverte, 2006


On peut aussi s'intéresser au monde carcéral, très bien documenté, surtout depuis que l'OIP y fourre son nez ?


Des hommes et des barreaux : la prison en quête de sens
Où vont les prisons ? Entre réalités et droits
Les cahiers du Conseil National des Barreaux, février 2004
Par exemple, je me suis rendu en août dernier au centre pénitentiaire de Clairvaux. Il s’agit d’un établissement pour longues peines où tout se passe bien en apparence. Le chef d’établissement, qui m’a reçu dans son bureau, loin des bruits de la détention, témoigne de la paix qui réside dans ce centre. Pourtant, les dires des détenus contredisent cette présentation et rapportent des interdictions multiples ainsi qu’une incarcération invivable. Ainsi, quand certains détenus ont voulu se réunir afin de créer un groupe de réflexion sur les conditions de détention et que cela s’est su, les prisonniers ont été transférés dans des établissements différents.
Dès lors, la vie en prison devient de plus en plus difficile et la revendication des droits impossible.

La prison produit ses fous
On entend souvent parler de psychose carcérale. Cette entité clinique est en fait contestée et il semble que ces épisodes puissent être rattachés à la catégorie des épisodes psychotiques réactionnels brefs. Plus généralement on peut distinguer deux sous-catégories de troubles mentaux engendrés par la prison. D’une part, les troubles qualifiés de réactionnels : ils regroupent dépression, anxiété, insomnie voire agitation ou épisode délirant et sont consécutifs soit directement à l’enfermement soit à la rupture qu’il occasionne soit encore à l’acte à l’origine de l’incarcération.

La société envoie ses fous en prison
Si la prison génère ses fous, la société y envoie les siens. On voit en effet de plus en plus souvent arriver en détention des individus qui, de toute évidence, devraient bénéficier davantage d’une hospitalisation que d’une incarcération

Il va de soi que les surveillants ne sont pas formés pour prendre en charge une telle population et que face aux désordres qu’engendrent certaines pathologies, l’administration pénitentiaire n’a parfois pas d’autre recours que le quartier disciplinaire tant pour protéger les malades que leurs codétenus et le personnel de surveillance.

Une question fondamentale est celle des fonctions sociales de la prison. On constate qu’il existe trois grandes raisons, dont deux ne concernent qu’une minorité de détenus :

• Certaines personnes sont envoyées en prison car elles ont eu des comportements qu’à un moment donné on considère inadmissibles. Cette raison ne concerne qu’une minorité de personnes incarcérées, pour lesquelles la prison représente une mise à l’écart de la société.

• Selon un principe ancien et toujours vérifié, le confort en prison ne doit pas être supérieur à un certain standard correspondant au niveau de vie d’un honnête travailleur pauvre. En moyenne, les personnes envoyées en prison perdent donc normalement en confort. C’est aussi le but de la sanction. Pourtant, une minorité de détenus sont tellement perdus, tellement désaffiliés des réseaux de sociabilité ordinaire, qu’ils trouvent en prison un meilleur gîte, un meilleur couvert, de meilleurs soins, et parfois une esquisse de formation professionnelle. La prison fait alors office de soutien social, médical, voire de formation.

• Enfin, pour une majorité de détenus, la prison possède une fonction expiatoire. En effet, selon Emile Durkheim, si le crime trouble la société, la peine est destinée à restaurer l’ordre social. Selon Paul Fauconnet, la société, en voulant annihiler le crime, va opérer un transfert de responsabilité sur une personne donnée, jugée responsable, qui sera donc traitée comme un bouc émissaire et que le société n’hésitera pas à sacrifier.