March 8, 2006

Des propos "menaçants et racistes", selon la justice

POINTE-A-PITRE (AP), mardi 7 mars 2006, 19h27, extraits - Le procureur de la République de Basse-Terre, Patrick Quincy, a annoncé mardi l'ouverture prochaine de deux informations judiciaires au terme des enquêtes préliminaires ouvertes après la mort du gendarme Raphaël Clin le 12 février sur l'île de Saint-Martin. Selon le magistrat, des propos "menaçants et racistes" ont été proférés à l'adresse des gendarmes le jour du drame.

Le 12 février, ces derniers contrôlaient plusieurs motards, adeptes de courses sauvages. L'enquête préliminaire a permis d'établir, selon le procureur, que les deux gendarmes étaient intervenus "pour faire cesser une course non autorisée d'automobiles".



L'enquête confiée à la gendarmerie donnera lieu "très prochainement" à l'ouverture de deux informations judiciaires, a précisé le procureur. Après plus de vingt jours d'enquête préliminaire, "il est maintenant vérifié" que certaines personnes se trouvant sur les lieux de l'accident et à l'hôpital "se sont ouvertement réjouies de voir un gendarme mortellement blessé", selon le communiqué.

"Ces individus étaient cependant peu nombreux, vraisemblablement moins d'une dizaine. Ils s'exprimaient, pour la plupart, en langue anglaise", selon le procureur. "Tous ne sont pas encore identifiés", ajoute le texte. Ils seront poursuivis pour outrages et menaces à agents de la force publique, injures raciales et provocations à la haine raciale.

February 12, 2006

L'avis du conseil de l'Europe est à suivre...

PARIS (AFP), 11 février 2006 - Surpopulation carcérale, manque de moyens "criants" de la justice, restrictions des droits des étrangers, "sentiment d'impunité" des policiers: la situation des droits de l'homme en France fait l'objet d'un rapport très critique du Conseil de l'Europe qui sera publié mercredi.

Pour le commissaire aux droits de l'homme du Conseil, Alvaro Gil-Robles, "il semble ainsi exister dans certains domaines un fossé qui peut s'avérer très large entre ce qu'annoncent les textes et la pratique", selon ce rapport dont l'AFP s'est procuré une copie.

"La France ne se donne pas toujours les moyens suffisants pour mettre en oeuvre un arsenal juridique relativement complet, qui offre un haut niveau de protection en matière de droits de l'homme", souligne-t-il dans ce document assorti d'une cinquantaine de recommandations, résultat de sa visite en France en septembre 2005.

La France, souvent considérée comme la patrie des droits de l'homme, "n'en reste pas moins traversée par des difficultés persistantes, voire récurrentes, ainsi que l'illustre le nombre d'affaires portées devant la Cour européenne des droits de l'homme", constate-t-il.

Il s'inquiète de la diminution du financement public des ONG, estimant que c'est "tout un pan de l'action en faveur de la lutte pour le respect des droits de l'homme qui s'en trouve remis en question".

M. Gil-Robles s'alarme du "durcissement des politiques d'immigration" qui "risque de contrevenir aux droits des véritables demandeurs d'asile".

Il critique les nombreux obstacles entravant les démarches de régularisation des étrangers, en particulier le recours obligatoire à la langue française pour les formulaires, voire même leur impossibilité à faire valoir leurs droits.

Il cite le cas de deux Congolais, jamais débarqués du navire par lequel ils étaient arrivés, et qui se sont grièvement blessés en sautant par le hublot.

Concernant la justice, confrontée à "un manque criant de moyens", le rapport appelle à un élargissement du rôle de l'avocat en garde à vue, dont la présence est plus "formelle qu'active" et exprime de "fortes réserves" sur son absence jusqu'à la 72ème heure, notamment pour les affaires de terrorisme.

Sur les prisons, M. Gil-Robles dresse "un douloureux constat" en raison d'une "surpopulation chronique" qui "prive un grand nombre de détenus de l'exercice de leurs droits élémentaires" et juge "tout à fait excessive" la durée du placement au "mitard" (jusqu'à 45 jours).

Pour les mineurs délinquants, le rapport approuve la création des "centres éducatifs fermés" mais dénonce leur incarcération, facteur notamment de récidive.

Il appelle "à faire preuve de plus d'humanité" pour les mineurs étrangers qui doivent être considérés comme "enfants en danger".

Il souligne "le besoin de redoubler de vigilance" sur le comportement de la police, rappelant que le nombre de plaintes pour brutalités devant la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a augmenté de 34 % entre 2003 et 2004. Il regrette "le sentiment d'impunité qui domine chez les policiers".

Constatant une montée du racisme, il déplore que les lois soient "peu appliquées et que la répression reste faible", aboutissant à une "situation de malaise" pour les populations concernées.

La question des discriminations (emploi, logement, loisirs) "constitue actuellement l'un des principaux problèmes de société", note le rapport, soulignant que là aussi les condamnations demeurent "extrêmement faibles".

PARIS (AP), 10 février 2006 - L'Inspection générale de la police nationale a ouvert jeudi une enquête afin de vérifier des allégations de tortures sur des suspects interpellés par la police antiterroriste dans le cadre des attentats de 1995 en France, a indiqué vendredi un porte-parole de la Direction générale de la police nationale (DGPN) à l'Associated Press.

Cette enquête fait suite à la parution d'un livre "Place Beauvau" dans lequel des policiers de l'ex-6e Division de police judiciaire, aujourd'hui Division nationale antiterroriste (DNAT), disent avoir été témoin ou acteur d'actes de violence sur des islamistes présumés interpellés dans le cadre de cette enquête.

"Dès que nous avons eu connaissance de cet ouvrage, il a été décidé d'ouvrir une enquête afin de vérifier si ces affirmations ont quelque chose de fondé", a expliqué Patrick Hamon, porte-parole de la DGPN.

Les attentats de 1995, revendiqués par le Groupe islamique armé (GIA) algérien ont fait 10 morts et plus de 200 blessés. L'IGPN devra rechercher et entendre les policiers en poste à l'époque dans ce service et qui ont eu à travailler sur cette enquête, a précisé M. Hamon. Ce service était dirigé à l'époque par Roger Marion, aujourd'hui préfet délégué à la sécurité dans le Nord.

Boualem Bensaïd, condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour sa participation à ces attentats, avait indiqué lors de ses deux procès devant la cour d'assises de Paris avoir fait l'objet de violences lors de ses interrogatoires. AP

January 28, 2006

Le traumatisme colonial et la memoire

La mondialisation de la culture
Jean-Pierre Warnier
Collection Reperes
La Découverte
ISBN 2-7071-2938-0

Le traumatisme colonial et la memoire,
extrait de la page 42 :




Le Monde, 25.06.03
Savoirs,
Les sociétés face à la mondialisation des flux culturels

Conférence disponible via l'article du Monde.

[...] Plus que jamais, l'humanité est fragmentée par des conflits innombrables et souvent violents entre groupes, catégories sociales, communautés, pays. Ces conflits sont d'ordre politique au sens large du terme. Ils sont en partie alimentés par des clivages culturels. Mais ils ont aussi pour conséquence de produire, en permanence, des éléments de culture qui nourrissent la divergence culturelle. En d'autres termes, du fait des conflits politiques, l'humanité est une machine à produire de la différence culturelle. Dans la relation d'opposition, chacun cultive ses spécificités.


Jean-Pierre Warnier est ethnologue, professeur d'ethnologie à l'université Paris-V - René-Descartes et directeur du laboratoire d'ethnologie de Paris-V.

Parcours:
- docteur ès lettres, université Paris-X-Nanterre
- 1972-1978: recherche de terrain dans les montagnes du Cameroun de l'Ouest et mission de 15 jours à 4 mois sur le terrain depuis 1985
- 1974-1975: maître-assistant à l'université de Pennsylvanie
- 1979-1985: maître de conférences à l'université de Yaoundé
- depuis 1985: professeur d'ethnologie à l'université Paris-V - René-Descartes
- 1997-2000: directeur du laboratoire d'ethnologie de Paris-V.

Spécialité:
Spécialiste du Cameroun, les travaux de Jean-Pierre Warnier portent sur la réaction des sociétés face aux flux culturels, ainsi que sur la culture et l'économie matérielle.

Publications:
- Le Paradoxe de la marchandise authentique, L'Harmattan, 1994.
- Construire la culture matérielle: l'homme qui pensait avec ses doigts, PUF, 1999.
- Mondialisation de la culture, La Découverte, 2003.
Jean-Pierre Warnier a écrit de nombreux articles dans des revues spécialisées. Il est membre de 6 ou 7 comités de lecture, ainsi que Research Fellow de l'université de Londres.


Victimes de pensions inégalitaires, les anciens combattants des ex-colonies méritent réparation.
La France a la mémoire qui flanche
Libération vendredi 27 janvier 2006
Par Roland Castro, architecte urbaniste, président du Mouvement de l'utopie concrète.

December 17, 2005

Qu'est ce que le racisme

Le racisme est la valorisation, généralisée et définitive, de différences, réelles ou imaginaires, au profit de l'accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier une agression ou un privilège. Le mécanisme du racisme contient trois éléments liés : 1) la mise en évidence de différences (catégorisation), 2) la valorisation de ces différences (hiérarchisation) et 3) l'utilisation de cette différence contre autrui en vue d'en tirer profit (traitement discriminatoire ou violence). La finalité du racisme demeure l'exclusion et la domination.

Albert Memmi, écrivain.

Source : aidh.org

Libération, le 17 décembre 2005
L'archéologue, enlevée en Irak depuis trois semaines, est très peu soutenue dans son pays.
Par Odile BENYAHIA-KOUIDER, extrait :

Susanne Osthoff a débuté ses fouilles archéologiques en Irak dans les années 70, participant à la mise au jour du site mésopotamien d'Isin, vieux de quatre mille ans. En 2003, elle est revenue sur le site pour constater les dégâts. Parlant couramment l'arabe et mariée à un Irakien ­ dont elle est séparée depuis ­, elle s'est convertie à l'islam. «Cela joue certainement un rôle dans la faible mobilisation, admet sa soeur Anja. Les Allemands ne veulent rien avoir à faire avec le terrorisme et Al-Qaeda alors ils préfèrent refouler l'enlèvement de Susanne.» «Ma soeur n'est pas une aventurière, insiste-t-elle. Elle a sauvé la vie de beaucoup de gens en apportant des médicaments en Irak.»

Il a y une pétition en faveur de Susanne Osthoff.


Extrait des tontes de la libération :

Chiffrer de manière précise et exhaustive les tondues à la Libération est à l'heure actuelle impossible et paraît malheureusement peu envisageable à l'avenir. Aucun recensement des femmes soumises à la tonte n'a été fait. Étant donné le temps et l'énergie nécessaires pour estimer le nombre des victimes de l'épuration, espérer obtenir celui des tondues paraît bien illusoire. Cette lacune ne doit pourtant pas cacher l'ampleur du phénomène. Plusieurs éléments permettent en effet de souligner le caractère massif des tontes.

C'est avant tout l'ensemble du territoire qui est concerné par cette pratique. Soixante-dix-sept départements, selon l'état actuel des dépouillements, ont connu avec certitude des tontes de femmes.

December 13, 2005

Ethnocentrisme et sociocentrisme

Une introduction à la psychologie sociale :

• Allport (1968) : La psychologie sociale consiste à essayer de comprendre et d’expliquer comment les pensées, sentiments et comportements des individus sont influencés par la présence imaginaire, implicite ou explicite des autres.

• Gergen&Gergen (1981) : Une discipline où l’on étudie de façon systématique les interactions humaines et leurs fondements psychologiques.

• Moscovici : La science du conflit entre l’individu et la société. Elle a comme objet central, tous les phénomènes ayant trait à l’idéologie et à la communication, ordonnés au plan de leur genèse, leur structure et leurs fonctions.


Ethnocentrisme et relativisme culturel,
Extrait :

Tel que nous l'avons déjà vu, tout individu, de sa naissance à la vie adulte est imprégné par la culture de sa société. Ainsi chaque personne est modelée uniformément comme les autres individus de la même société et tous agissent, raisonnent, pensent, de la même façon, c'est-à-dire qu'ils ont tous exactement la même culture et sont complètement identifiés à elle. À chaque occasion qu'un individu a des contacts avec d'autres cultures, le choc qu'il va sentir face aux moeurs ou coutumes des autres n'est autre chose que sa tendance à les traduire, à les expliquer en fonction de sa propre culture. Étant donné que tous les individus sont imbus de leurs propres normes et valeurs culturelles ils sont ainsi incapables de comprendre la culture des autres sociétés. Non seulement les individus ont une tendance à ne pas comprendre les autres mais, en plus, ils vont affirmer que leur propre culture est meilleure que toutes les autres . Ces attitudes que nous venons de décrire constituent un comportement que l'anthropologie nomme ethnocentrisme.

Les manifestations les plus courantes de l'ethnocentrisme se retrouvent dans des attitudes allant des simples moqueries ou rires au refus des rapports avec d'autres individus de différentes cultures. Le tout peut arriver à développer des idées de mépris à l'égard des autres. Telles que soutenir que les autres sont inférieurs, voleurs, sales, etc. L'ethnocentrisme est propre à toutes les cultures puisqu'il est bel et bien un résultat de l'apprentissage d'une culture. Pour cette raison, l'ethnocentrisme est universel. Il faut signaler que, malgré son universalité, le comportement ethnocentrique n'est absolument pas favorable à l'acceptation et la compréhension des autres; et ce, surtout dans des sociétés développées et modernes qui ont une tendance à exprimer leur ethnocentrisme à travers des attitudes de supériorité et de domination. Dans cet contexte les conséquences sont généralement désastreuses pour les sociétés non développées.


Vous avez dit... Pédagogie,
Extrait :

L’assimilationnisme pose la primauté d’une culture sur les autres. L’objectif explicite ou implicite de cette attitude est «l’assimilation des cultures d’une structure sociale donnée à l’une d’entre elles, avec perte, par ces cultures, de leurs caractères spécifiques» (Hannoun, 1987, p.38). La société d’accueil vise donc l’unification culturelle. C’est le modèle des cultures «monolithiques», qui se disent universelles (Ouaknine, 1990, p.213).

«Les nouveaux arrivants doivent abandonner le plus vite possible les caractéristiques culturelles qui les distinguent de la société d’accueil et se fondre dans cette société où ils deviennent des citoyens comme les autres, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs» (Ouellet, 1988, pp.36-7).

Sur le plan scolaire, l’attitude assimilationniste privilégie les approches centrées sur les contenus d’apprentissage, sur les programmes (par opposition aux approches centrées sur l’apprenant). L’enseignement est organisé en fonction des normes du groupe social dominant. Il révèle une forme de sociocentrisme, voire d’ethnocentrisme qui se traduit, au niveau de la classe, «en magistrocentrisme : le maître, porteur des normes permises, est seul décideur de la vie de la classe» (Hannoun, op. cit., p.42). Les enfants appartenant à une culture minoritaire ou dominée sont handicapés scolairement. Des mesures compensatoires sont mises sur pied à leur intention.


Publié en octobre 1999 par l’Organisation des Nations Unies,
pour l’éducation, la science et la culture
CHAPITRE I
LES CECITES DE LA CONNAISSANCE :
L’ERREUR ET L’ILLUSION
Ethnocentrisme et sociocentrisme
Extrait :

Ils nourrissent les xénophobies et racismes et peuvent aller jusqu'à retirer à l'étranger la qualité d'humain. Aussi, la vraie lutte contre les racismes s’opérerait-elle mieux contre leurs racines égo-socio-centriques que contre leurs symptômes.

Les idées préconçues, les rationalisations à partir de prémisses arbitraires, l'autojustification frénétique, l'incapacité de s'autocritiquer, le raisonnement paranoïaque, l'arrogance, le déni, le mépris, la fabrication et la condamnation de coupables sont les causes et les conséquences des pires incompréhensions issues à la fois de l’égocentrisme et de l’ethnocentrisme.

L’incompréhension produit autant d’abêtissement que celui-ci produit de l’incompréhension. L’indignation fait l’économie de l’examen et de l’analyse. Comme dit Clément Rosset : " la disqualification pour raisons d'ordre moral permet d'éviter tout effort d'intelligence de l'objet disqualifié, en sorte qu'un jugement moral traduit toujours un refus d'analyser et même un refus de penser ". Comme le remarquait Westermarck : " le caractère distinctif de l'indignation morale reste l'instinctif désir de rendre peine pour peine ".

L’incapacité de concevoir un complexe et la réduction de la connaissance d’un ensemble à celle d’une de ses parties provoquent des conséquences encore plus funestes dans le monde des relations humaines que dans celui de la connaissance du monde physique.


Les sept savoirs capitaux
Edgar Morin publie aux Éditions du Seuil, avec le soutien de l’UNESCO, les Sept Savoirs nécessaires à l’éducation du futur. Il s’agit, pour l’anthropologue, de recenser les grandes questions préalables à l’acquisition de tout savoir et qui, précisément aujourd’hui, ne sont pas enseignées.
Extraits :

Le premier chapitre vise les cécités de la connaissance : principalement l’erreur et l’illusion. Tout se passe comme si la connaissance pouvait être considérée comme un outil prêt à l’emploi, que l’on pourrait utiliser en dehors de toute réflexion sur sa nature. Il faut bien reconnaître que l’éducation transmet des connaissances sans rien dire ni sur leurs valeurs ni sur leur nécessaire hiérarchisation. Rien sur les risques permanents d’erreurs et d’illusions, et surtout rien sur le plus terrible d’entre eux qui consiste à croire que l’on peut se prémunir une fois pour toutes contre l’erreur et que l’on peut se débarrasser à jamais de l’illusion. Nos sens, par exemple, découpent dans le réel des messages discontinus qui sont généralement présentés en dehors du processus dont ils sont tirés. Les ultrasons, les infrarouges, ou les ultraviolets, sont des objets déconnectés de tout savoir sur la continuité dont ils sont issus. Rien, ou si peu, sur l’unité contradictoire de la matière et du mouvement. Qu’on le veuille ou non, cette situation accroît l’inégalité sociale des esprits face à l’indispensable effort de lucidité à fournir sur la façon de valider les savoirs.

Le second chapitre concerne la méconnaissance des rapports entre la partie et le tout. Comment " promouvoir une connaissance capable de saisir les problèmes globaux et fondamentaux pour y inscrire les connaissances partielles et locales " ? L’importance accordée à une connaissance fragmentée, d’emblée découpée en disciplines, rend aveugle au lien qui unit les parties à la totalité. Comment, dans ces conditions, relativiser le savoir par rapport à un contexte ; comment l’inscrire dans l’Histoire ? Le chapitre suivant porte en titre " Enseigner la condition humaine ". L’être humain est à la fois physique, biologique, psychique, culturel, social, historique.


Les Sept Savoirs nécessaires à l'éducation du futur,
d'Edgar Morin,
Editions du Seuil, 2000,
ISBN 2 02 041964 5, 136 pages


Voir aussi le Cahier du millénaire n°31,
Apprendre et éduquer
Du Centre de Ressources Prospectives Grand Lyon

Extraits :

[...] Il n’y a aucune différence intrinsèque entre la perception et l’hallucination. La seule chose qui nous permette de les distinguer, c’est la discussion avec d’autres.

De plus, l’empreinte culturelle, qui commence avec la famille et se poursuit à l’école, imprime des idées reconnues comme évidentes. Certaines s’imposent d’elles-mêmes et d’autres, qui semblent fausses, sont rejetées.

[...] Les idées ne sont pas purement et simplement des instruments par lesquels nous connaissons le réel. Quand elles correspondent à des croyances profondes d’une communauté, les idées prennent une force et une énergie incroyables.

[...] Pendant très longtemps, la science a obéi à un paradigme que l’on peut appeler de disjonction et de réduction. C’est-à-dire que, pour connaître, il fallait séparer, réduire la connaissance d’un tout complexe à celle de ses éléments de base.

Par exemple, un paradigme de relation entre l’humain et le naturel affirme : « pour connaître l’humain, il suffit de le considérer comme un être naturel et de réduire tout phénomène humain à un phénomène naturel. » De fait, on trouve des caractéristiques humaines déjà présentes chez des singes, des mammifères. Mais, en réduisant l’humain au naturel, on oublie ce qu’il y a de plus remarquable : les phénomènes de langage et de conscience. Inversement, on va comprendre l’humain en opérant une disjonction totale, en éliminant l’homme biologique, alors que notre corps est biologique, de même le cerveau grâce auquel je parle. Ce dogme de la disjonction a dominé et continue à dominer notre connaissance universitaire. Il faut comprendre qu’il y a une relation indestructible entre l’humain et le naturel : nous sommes issus d’un monde naturel dans lequel nous continuons à être immergés, mais nous en sommes éloignés par l’esprit, par la conscience.


De l'ordonnance du 9 novembre 2005 :

« que les pleurs de l'enfant à l'audience ainsi que son refus exprimé sans équivoque à la même audience de tout contact et de toutes paroles à l'adresse de son père, démontrent, en l'état, l'impossibilité qui est celle de l'enfant d'entrer, ne serait-ce que de manière simplement ponctuelle et intermittente, dans une relation avec son père ; »

December 11, 2005

Le passant ordinaire

Avec l’avènement de la modernité, et surtout au XIXe siècle en Europe, s’impose la représentation scientifique d’une coupure nécessaire et naturelle, d’une ligne droite, séparant le féminin et le masculin : « […] comme le montre Yvonne Knibiehler, les anatomistes du début du XIXe siècle (Virey notamment), prolongeant le discours des moralistes, tentent de trouver dans le corps de la femme la justification du statut social qu’ils lui assignent au nom des oppositions traditionnelles entre l’intérieur et l’extérieur, la sensibilité et la raison, la passivité et l’activité ».

Selon Michel Foucault, le féminin et le masculin sont alors représentés comme radicalement et naturellement séparés : c’est l’idéal classique de la ligne (../..)

La séparation féminin masculin et l’imaginaire d’une expansion illimitée
Passant n°50 [octobre 2004 - décembre 2004]
Revue internationale de création et de pensée critique

December 6, 2005

Un avis récent du Monde Diplomatique

En marge du pouvoir économique
Que reste-t-il de la démocratie ?
Le Monde diplomatique, août 2004

Par José Saramago
Ecrivain portugais,
prix Nobel de littérature 1998.
Auteur, entre autres,
du Dieu manchot, Seuil, Paris, 1995 ;
de La Caverne, Seuil, Paris, 2002 ;
et d’Essai sur la lucidité, à paraître au Seuil cet automne

Extraits :

La question principale que tout type d’organisation humaine se pose, depuis que le monde est monde, est celle du pouvoir. Et le principal problème est d’identifier celui qui le détient, de vérifier par quel moyen il l’a obtenu, l’usage qu’il en fait, les méthodes qu’il utilise, et quelles sont ses ambitions.

Si la démocratie était vraiment le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple, tout débat cesserait. Mais on n’en est pas là. Et seul un esprit cynique se risquerait à affirmer que tout va pour le mieux dans le monde dans lequel nous vivons.

On dit aussi que la démocratie est le système politique le moins mauvais, et nul ne remarque que cette acceptation résignée d’un modèle qui se contente d’être « le moins mauvais » peut constituer le frein à une quête vers quelque chose de « meilleur ».

[...] Les peuples n’ont pas élu leurs gouvernements pour que ceux-ci les « offrent » au marché. Mais le marché conditionne les gouvernements pour que ceux-ci leur « offrent » leurs peuples. A notre époque de mondialisation libérale, le marché est l’instrument par excellence de l’unique pouvoir digne de ce nom, le pouvoir économique et financier. Celui-ci n’est pas démocratique puisqu’il n’a pas été élu par le peuple, n’est pas géré par le peuple, et surtout parce qu’il n’a pas pour finalité le bonheur du peuple.

« 450 000 enfants font l´objet aujourd´hui d´une mesure de protection judiciaire : enfants maltraités ou en danger – enfants en grande difficulté ou difficiles, enfants en échec scolaire, adolescents déscolarisés, fugueurs ou délinquants, enfants dont, d´une manière ou d´autre, les parents ne parviennent plus à assurer l´éducation. »

« C'est un secteur potentiellement créateur de nombreux emplois (450 000 selon le Plan), à condition que soit proposé un statut suffisamment attractif. »

Voir Risque d´arbitraire pour 450 000 enfants


Deux Manière de Voir...

N°82, Pages d’histoire occultées
ÉVÉNEMENTS OUBLIÉS
Mais la seconde guerre mondiale n’est pas la seule victime de ces phénomènes d’amnésie sélective. Des pages de l’histoire de l’humanité ont disparu des mémoires, en ont été effacées ou y ont été réécrites, non sans arrière-pensées : de la traite et de l’esclavage à la liquidation des Panthères noires, en passant par la Révolution française, la colonisation de l’Algérie, l’expulsion des Palestiniens, la révolte ouvrière à Berlin-Est et le procès Eichmann...

N°80, Combats pour les médias
UN DISCRÉDIT CROISSANT
L’information et l’analyse ont-elles pour de bon cédé le pas au racolage commercial et à la morale ? On connaissait la propagande de guerre, c’est désormais le matraquage en boucle d’« émotions » mises en scène ­ et vite oubliées. Condamnés par le tribunal des médias, des innocents se voient ensuite sanctifiés par leurs anciens accusateurs. Et puis tout recommence. La formation des journalistes mais aussi le mutisme complice des intellectuels jouent leur rôle dans ce naufrage.

Manif contre la « falsification de l'histoire »


« Nous avons dénoncé la démarche de nos devanciers qui tendait à la purification de l'objet, et nous nous sommes précisément regroupés au nom de son «impureté»... parce que nos recherches nous ont enseigné que le droit est un phénomène historique, culturel et social autant que logique... »
Voir Réseau Européen Droit & Société

Voir aussi « ethtnocentrisme et sociocentrisme » mais également « C'est de l'holocauste ! » ou encore trait d'union de l'histoire pour quelques exemples concrets.

Sectes et laïcité (MIVILUDES, 2005, ISBN 2-11-005768-8) aide à l'analyse de telles problématiques.

On m'a accusé de maltraiter ma fille et de souhaiter la délaisser : calomnieux. On m'a soupçonné et accusé de nombreuses choses au fil des tournures et des évènements, on m'a même repproché d'avoir fait rechercher ma propre fille par la gendarmerie nationale...

Et une personne me soupçonne maintenant d'être antisémite. Ca suffit, les travailleurs sociaux m'ont collé bien assez d'étiquettes différentes depuis début 2003 ; ma compagne et maman de ma seconde fille est d'origine juive.

On me soupçonne aussi de vouloir me venger : non, ma première main courante est de 2002 et ma première plainte est de 2004.

Ca suffit, les soupçons et les accusations à mon encontre.

La suite, plus bas.

Des associations d'outre-mer manifestent contre la "falsification de l'histoire"
LE MONDE, 05.12.05, extrait :

Déployée au bas d'un chapiteau encadré de deux drapeaux tricolores, la banderole du collectif des Antillais-Guyanais-Réunionnais était explicite : "Napoléon = négrier = criminel. Non à sa glorification. Non à la falsification de l'histoire."

Cent cinquante à deux cents personnes ont bravé les intempéries, samedi 3 décembre à Paris, devant les Invalides, pour "célébrer" à leur manière le bicentenaire de la bataille d'Austerlitz, commémoré officiellement la veille.

"Napoléon, c'est le code civil, le code pénal, les préfets... Mais c'est aussi celui qui a rétabli l'esclavage, reconnu crime contre l'humanité", a expliqué le président du collectif, Patrick Karam. Auteur d'un violent réquisitoire contre l'empereur, Le Crime de Napoléon (éd. Privé), Claude Ribbe a demandé la création d'un "centre national de mémoire et d'histoire de l'esclavage".

Dans la foule, un homme s'indignait qu'on puisse "souligner le rôle positif de l'esclavage". Ce raccourci vise à la fois l'article 4 de la loi du 23 février 2005, qui dispose que les programmes scolaires doivent reconnaître le "rôle positif" de la colonisation, et les célébrations officielles de Napoléon.

La multiplication récente des polémiques et initiatives qui concernent à la fois l'enseignement de l'histoire de France et la lutte contre les discriminations devient source de confusion.

"Nous ne sommes pas là pour parler d'une mémoire noire. Il n'y a qu'une histoire de France", a affirmé Patrick Karam, tout en évoquant une "histoire spécifique que l'on occulte".

Dans la foule, on déplorait les critiques adressées au CRAN. "Il faut arrêter de se diviser ! Ce qui nous rassemble, c'est une souffrance", s'emportait Marie-Pascale Mirre, originaire de Guadeloupe.


Depuis quelques temps je fais comme d'autres et je m'efforce de rétablir l'histoire en tentant de mettre en avant des faits, des éléments matériels ainsi qu'un discours que je tiens à l'identique depuis très longtemps. Ca pose des problèmes.

Je croise les faits, les éléments matériels avec le contenu de nombreux ouvrages et travaux de référence en tous domaines, y compris d'ordre socio culturels et cultuels et historiques. Cela me permet de mieux comprendre pourquoi certains ont pris telles ou telles décisions et initiatives, de me référer au plus important et au plus grave. Ca pose des problèmes.

Je ne m'arrête pas lorsqu'il y a tabous. Et il y en a car il s'agit pour majeure partie de violence et maltraitance institutionnelle. Ca choque car ce genre de situation ne peut exister pour personne.

Mais cela ne signifie en aucun cas que tous travaillent comme cela. Cette affaire a ses spécificités telles que les diverses collusions d'intérêts et la corruption. Ca pose des problèmes.

Par ailleurs, personne ne sait au juste de quoi je dispose car personne n'a jamais souhaité travailler avec moi. Il s'ensuit qu'un simple conflit familial est devenu une affaire à ce point "complexe". Mais cela n'est pas de mon fait, les professionnels de la protection de l'Enfance sont ailleurs et moi je ne suis rien qu'un bon père de famille selon une définition juridique du terme. Ces professionnels ont tous pouvoirs. J'ai fait de mon mieux avec les moyens que m'a accordé le dispositif de la protection de l'Enfance : aucun moyen sinon celui de faire des constats et de rassembler des preuves pendant plusieurs années.

C'est souvent très dur. Je peux me tromper, je travaille principalement seul mais avec divers conseils (des avocats, des cabinets d'avocats, un médiateur, un notaire, ...). J'ai aussi des échanges avec diverses associations et personnes sensibles à ces divers sujets.

November 25, 2005

Mr R dénonce le retour de la censure

PARIS (AP), 25 novembre 2005 - "Le rap n'est pas responsable de Mai 68", a ironisé vendredi Mr R, l'un des rappers visé par l'initiative de plus de 200 parlementaires demandant des sanctions judiciaires contre sept groupes dont les textes inciteraient à la haine ou la violence.

Le rapper français considère que cette initiative relève "non seulement de la censure mais du racisme". "Les textes de rap sont théâtralisés, usent de la métaphore, il faut les prendre au deuxième degré", a-t-il expliqué à l'Associated Press.

Sa chanson "La FranSSe" est dans la ligne de mire du député UMP François Grosdidier qui a demandé en août au garde des Sceaux d'engager des poursuites contre son auteur. Une enquête préliminaire est en cours à Paris.

Le député UMP, rejoint par plus de 200 parlementaires, a saisi le ministre de la Justice du cas de sept chanteurs ou groupes de rap, dont Mr R, Groupe 113, Lunatic, Minister A.M.E.R, Smala, Fabe et Salif.

Mr R dénonce les accusations de racisme anti-français et réfute l'idée que le rap ait pu avoir une influence dans les violences urbaines. "Je n'accepte pas d'être traité de raciste", dit-il. "On peut avoir une vision critique de l'Etat français sans être anti-français ni raciste", s'est-il indigné.

"Le rap n'est pas responsable des émeutes de Vaux-en-Velin (NDLR: banlieue de Lyon) au début des années 80, ni de Mai 68", répond-t-il aux députés qui voient dans cette musique une idéologie destructrice. "Après les émeutes, il y a autre chose à faire que de s'en prendre aux rappers", assure le chanteur.

"Quand Brassens a des propos très durs contre l'Etat, tout le monde applaudit car il fait partie du patrimoine culturel français. Mais quand ce sont des jeunes colorés, on veut les traîner en justice. Il y a deux poids deux mesures", s'insurge Mr R.

Son l'album "Politkment incorrekt" s'est vendu à près de 15.000 exemplaires depuis sa sortie en mars.

Vendredi matin, le Premier ministre Dominique de Villepin a incité les parlementaires à éviter toute forme d'amalgame. "Est-ce que le rap est responsable de la crise des banlieues? Je réponds non".

Deux députés UMP, Daniel Mach et Jean-Paul Garraud, ont déposé une proposition de loi afin de punir les artistes qui, par leurs oeuvres publiées, mises en ligne, porteraient atteinte à la dignité de la France et de l'Etat ou de ses personnages historiques. AP

November 15, 2005

« Rien de durable sans le respect »

Jacques Chirac : «Nous ne construirons rien sans le respect»
Avec AFP sur le site du Figaro.
[14 novembre 2005]

Le chef de l'Etat, qui intervenait au soir de la prorogation pour trois mois de l'état d'urgence décrété en France le 8 novembre, a expliqué la flambée de violence à la périphérie des villes par «une crise de sens, une crise de repères, une crise d'identité». «Nous y répondrons en étant fermes, en étant justes, en étant fidèles aux valeurs de la France», a-t-il dit.

«Nous ne construirons rien de durable sans le respect. Nous ne construirons rien de durable si nous laissons monter, d'où qu'ils viennent, le racisme, l'intolérance, l'injure, l'outrage. Nous ne construirons rien de durable sans combattre ce poison pour la société que sont les discriminations», a-t-il averti.

«Nous ne construirons rien de durable si nous ne reconnaissons pas et n'assumons pas la diversité de la société française. Elle est inscrite dans notre Histoire. C'est une richesse et c'est une force», a-t-il insisté.

November 8, 2005

NON à l´éthique de soumission

Lettre ouverte au garde des Sceaux : NON à l´éthique de soumission

Syndicat de la magistrature

LETTRE OUVERTE AU GARDE DES SCEAUX

Le Syndicat de la Magistrature a été invité, en urgence par le ministère de la justice, à donner son point de vue sur les propositions de "la commission de réflexion sur l´éthique dans la magistrature" dite commission Cabannes.

Dès sa création, le Syndicat de la Magistrature a toujours porté un regard critique sur l´institution judiciaire plaçant ainsi le justiciable au centre de ses revendications. Les membres du Syndicat de la Magistrature ont cherché à s´interroger sur leurs pratiques professionnelles, à y réfléchir et à travailler avec des partenaires non-magistrats pour critiquer le fonctionnement de la justice. Le Syndicat de la Magistrature a toujours nourri une réflexion sur l´éthique et proposé des réformes ambitieuses en ce domaine.

Le Syndicat de la Magistrature considère que le questionnement sur l´éthique doit, pour être exhaustif, prendre en considération l´institution judiciaire dans sa dimension globale. La mise en œuvre et le respect des principes fondamentaux sont de nature à permettre d´éviter certaines dérives individuelles : la collégialité, la publicité des audiences, l´égalité des armes, le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense. C´est également dans une préoccupation éthique, que le Syndicat de la Magistrature a réclamé la réforme des tribunaux de commerce au sein desquels tant de pratiques abusives ont été constatées.

Or les réformes que vous accumulez nous éloignent de l´éthique du procès équitable telle que définie à l´article 6 de la Convention Européenne des Droits de l´Homme.

C´est ainsi que le recours au juge unique devient la règle au détriment des garanties que la collégialité apporte aux justiciables, la systématisation des comparutions immédiates favorise une justice d´abattage, la mise en place de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité institue un déséquilibre flagrant entre l´accusation et la défense. La délocalisation des salles d´audiences permettra demain de juger les étrangers au sein des aéroports, portant notamment atteinte à la publicité des débats.

Afin de restaurer la confiance des citoyens dans la justice, le Syndicat de la Magistrature a proposé un véritable système d´échevinage au sein des juridictions correctionnelles. Vous avez choisi de faire siéger les juges de proximité, à l´audience correctionnelle, favorisant ainsi des atteintes inadmissibles à l´impartialité et la déontologie avec un risque réel de confusion des intérêts (avocat jugeant un dossier défendu par un proche confrère, salariés de sociétés de crédit jugeant du droit de la consommation).

Afin d´éviter toute tentation corporatiste, le Syndicat de la Magistrature a souhaité que le Conseil supérieur de la magistrature garant de l´indépendance de la justice et chargé de la discipline des magistrats, soit composé majoritairement de personnes issues de la société civile. Dans un souci d´impartialité et de transparence, le Syndicat de la Magistrature a enfin proposé le rattachement de l´inspection des services judiciaires au Conseil Supérieur de la Magistrature. Cette réforme permettrait d´éviter la main-mise inacceptable de votre autorité sur ce service (lequel s´est récemment illustré par votre inertie suite à l´inspection diligentée au tribunal de grande instance de Nice.)

Au-delà de ces positions garantissant une meilleure éthique de l´institution judiciaire, le Syndicat de la Magistrature ne s´est jamais interdit de réfléchir à la responsabilité individuelle des magistrats et a proposé notamment de trouver un cadre adéquat pour examiner les plaintes des justiciables.

Or, vous n´envisagez aucune réforme d´ampleur, seule de nature à restaurer la confiance du citoyen envers la justice. Une telle réforme serait fondée sur une éthique collective de l´institution et ne reposerait pas uniquement sur l´éthique individuelle des magistrats " dits de base" comme le propose la commission Cabannes.

Vous choisissez de limiter ce débat d´importance aux conclusions du rapport de cette commission.

Le Syndicat de la magistrature voit dans cette délimitation du débat, une volonté d´instrumentaliser la notion d´éthique aux seules fins de mieux contrôler et de modéliser l´institution judiciaire.

Sur la méthode adoptée par votre ministère, le Syndicat de la Magistrature continue de dénoncer ce faux-semblant de dialogue social. Vous aviez déjà publiquement annoncé votre volonté de modifier le serment des magistrats avant même d´obtenir les conclusions définitives du rapport Cabannes. Ces conclusions, dans leur seconde mouture, n´ont d´ailleurs tenu compte ni des positions des organisations professionnelles ni même de la consultation contestable par voie de questionnaires.

Sur le fond, le Syndicat de la Magistrature est frontalement opposé aux mesures phares de ce rapport.

La modification du serment proposée par le rapport Cabannes traduit la volonté de museler les magistrats en renforçant leur devoir de réserve. Vos services tentent aujourd´hui de minimiser le contenu de cette obligation pourtant clairement définie dans les premières conclusions de la commission Cabannes, comme une interdiction de tout militantisme actif politique ou syndical.

Cette politique de soumission s´intègre d´ailleurs parfaitement dans le contexte politique actuel et dans votre gestion du ministère public. Réaffirmant dans le code de procédure pénale la prééminence de l´exécutif sur les magistrats du parquet, vous avez placé de façon méthodique comme procureurs de la République des personnes qui vous sont proches, rejetant tout pluralisme et passant allègrement outre les avis contraires du conseil supérieur de la magistrature. Après l´avoir coopté, vous soutenez le directeur de l´École Nationale de la Magistrature, qui fait enseigner avant l´heure « la déontologie version Cabannes », multiplie les atteintes aux droits syndicaux et érige la censure en méthode pédagogique. Ces exemples illustrent votre souhait constant de limiter la parole des magistrats pour mettre en place une véritable culture de soumission bien loin de l´indépendance, nécessaire à la mission de garant des libertés des citoyens assignée aux magistrats par l´article 66 de la constitution.

Cette mise sous tutelle se retrouve dans le rôle prépondérant que vous souhaitez conférer aux chefs de cours et de juridictions par l´instauration "d´une veille déontologique". Cette fonction inédite, liée aux pouvoirs accrus des hiérarques à l´occasion de la mise en place de la LOLF et aux modalités discrétionnaires d´attribution des primes de rendement confirme votre conception d´une justice de rendement, conçue à l´aune des seules statistiques. Les magistrats qui oseront encore travailler de manière autonome, indépendante, qui privilégieront la qualité au rendement ne manqueront pas de se voir rappelés à l´ordre.

De nombreux exemples viennent d´ores et déjà conforter nos craintes et nous renforcent dans notre opposition de principe à votre projet :

• le mépris affiché pour les avis non conformes du CSM estimant que le candidat ne correspondrait pas au profil de poste (procureur nommé alors que son expérience avait été jugée insuffisante) ou encore considérant qu´il y a un risque d´atteinte à la déontologie (magistrat détaché à la COB embauché par un établissement bancaire.);

• le comportement que vous qualifiez de "simple maladresse" du chef de cour faisant installer un système permettant d´écouter les conversations téléphoniques au sein d´un palais de justice;

• l´absence de réaction de la hiérarchie judiciaire à l´égard d´un magistrat auquel il est reproché d´avoir tenu des propos racistes à l´audience;

• le silence de la chancellerie à propos de l´annonce par le quai d´Orsay de la transmission aux autorités djiboutiennes du dossier d´instruction de l´assassinat du juge Borrel et ce malgré le refus du magistrat instructeur;

Dans ce contexte, le Syndicat de la Magistrature réaffirme que le but de votre réforme n´est pas de garantir au justiciable une meilleure justice mais de vous assurer le silence et la dépendance de la magistrature.

Si tel n´est pas le cas, nous vous demandons solennellement d´ouvrir le débat aux propositions du Syndicat de la Magistrature.

Veuillez agréer, Monsieur le garde des Sceaux, l´expression de notre considération.

Paris le 12 avril 2005

Pour le Syndicat de la Magistrature
Aïda Chouk, présidente

November 7, 2005

La République plus forte que Sarkozy ?

PARIS (AP), le 6 novembre 2005, extraits - Priorité absolue au rétablissement de l'ordre public. Après une dixième nuit consécutive de violences urbaines marquée par l'extension des déprédations, en province mais aussi, dans Paris intra-muros pour la première fois depuis le début de la crise, Jacques Chirac, est sorti du silence qu'il observait pour tenir un langage de fermeté.

"La République est tout à fait déterminée par nature à être plus forte que ceux qui veulent semer la violence ou la peur, et ceux-là seront appréhendés, jugés et punis, a-t-il martelé dans sa brève déclaration, très attendue au vu de l'aggravation de la crise. S'il s'est dit prêt à "poursuivre l'effort engagé" en matière de "respect de chacun, (de) justice et (d)'égalité des chances", cela interviendra une fois le calme revenu.

PARIS (AP), le 6 novembre 2005 - Un atelier de confection de bouteilles incendiaires a été découvert samedi soir dans un local désaffecté à Evry dans l'Essonne, en banlieue sud de Paris, et six mineurs ont été interpellés, a indiqué dimanche à l'agence Associated Press (AP) Jean-Marie Huet, directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la Justice.

"Cent-cinquante bouteilles préparées pour être des cocktails Molotov, dont 50 déjà prêts à l'usage, des dizaines de litres d'essence et des cagoules ont été découvertes à Evry, dans un ancien local désaffecté", a expliqué par téléphone M. Huet à l'AP.

Il a précisé que cette découverte avait eu lieu samedi soir.

"Il y a eu six mineurs qui ont été interpellés", a-t-il ajouté. Selon lui, cette découverte "veut dire que ce ne sont pas des gamins qui improvisent ça dans leurs salles de bains". AP


PARIS (AFP), le 7 novembre 2005 - La Ligue des droits de l'Homme (LDH) a demandé lundi un "changement radical de politique gouvernementale" jugeant, à propos des appels à la démission de Nicolas Sarkozy, qu'il "est illusoire de personnaliser des responsabilités qui concernent le gouvernement en son entier".

"Le ministre de l’Intérieur, en tenant des propos incendiaires et méprisants pour préparer sa campagne présidentielle en direction de l’extrême droite, a certes commis une faute politique et morale", a déclaré la LDH dans un communiqué. "Mais le Premier ministre lui a solennellement renouvelé sa confiance à plusieurs reprises, et la responsabilité du gouvernement, comme des gouvernements dont M. Raffarin fut le Premier ministre, est entière et collégiale", a-t-elle ajouté.

Pour elle, "ce n’est pas seulement le langage du ministre de l’Intérieur, ce sont les actes de l’ensemble du gouvernement qui relèvent d’une logique d’apprenti sorcier" et "ce sont des années de politique centrée sur le tout sécuritaire qui sont en cause". Soulignant que "la violence destructrice ne résout rien, elle aggrave même les maux contre lesquels elle prétend se dresser", l'association a affirmé qu'il "n’en est que plus urgent de construire une mobilisation civique qui permette aux victimes de l’injustice de s’unir pour qu’il y soit mis fin".

"C’est une véritable campagne pour le respect, pour l’égalité et pour les droits civiques qu’il faut aujourd’hui engager, +tous ensemble+, afin que les actes des gouvernants cessent de contredire la devise de la République", a conclu la LDH.

> 7 novembre 2005 - Violences urbaines

Communiqué de la LDH

Contrairement à ce qu’indiquait samedi 5 novembre un grand journal du soir, la Ligue des droits de l’Homme n’est pas préoccupée par la démission de M. Nicolas Sarkozy. Pour symbolique que soit cette demande, elle ne résoudra rien. La LDH considère en effet qu’il est illusoire de personnaliser des responsabilités qui concernent le gouvernement en son entier.

Le ministre de l’Intérieur, en tenant des propos incendiaires et méprisants pour préparer sa campagne présidentielle en direction de l’extrême droite, a certes commis une faute politique et morale. Mais le Premier Ministre lui a solennellement renouvelé sa confiance à plusieurs reprises, et la responsabilité du gouvernement, comme des gouvernements dont M. Raffarin fut le Premier Ministre, est entière et collégiale.

Ce sont des années de politique centrée sur le tout sécuritaire qui sont en cause. Le sabotage des actions de prévention, l’asphyxie du monde associatif, la démolition de la police de proximité, la tolérance à l’égard des discriminations quotidiennes, notamment à l’égard des personnes étrangères ou supposées telles en raison de leur faciès, l’état d’une école qui ne peut réduire la ségrégation nous font mesurer aujourd’hui non seulement l’échec mais la redoutable nocivité de cette politique. Ce n’est pas seulement le langage du ministre de l’Intérieur, ce sont les actes de l’ensemble du gouvernement qui relèvent d’une logique d’apprenti sorcier.

Au-delà, c’est aussi l’incapacité des gouvernements successifs depuis des décennies à faire reculer le chômage massif, l’explosion de la précarité, la systématisation des discriminations racistes et territoriales, qui apparaît en pleine lumière aujourd’hui. Les émeutes sont auto-destructrices voire suicidaires, elles nuisent essentiellement à ceux dont elles dénoncent l’exclusion. Mettre fin à la spirale de violence et de destruction est vital pour l’avenir même de ceux qui se révoltent aujourd’hui. L’intervention des forces de l’ordre est inévitable mais la réponse purement policière à la protestation désespérée des exclus, seule envisagée dimanche par le président de la République, accentue le sentiment d’injustice. Il n’y aura pas de retour au calme sans que la République reconnaisse les injustices subies. Il n’y aura pas de paix sans justice, sans révision profonde des politiques publiques qui creusent les inégalités et les discriminations dans ce pays.

La violence destructrice ne résoud rien, elle aggrave même les maux contre lesquels elle prétend se dresser, mais il n’en est que plus urgent de construire une mobilisation civique qui permette aux victimes de l’injustice de s’unir pour qu’il y soit mis fin. C’est d’une véritable mobilisation de toutes les forces sociales et politiques qui rejettent les discours d’élimination du gouvernement et notamment du ministre de l’Intérieur que nous avons besoin. C’est une véritable campagne pour le respect, pour l’égalité et pour les droits civiques qu’il faut aujourd’hui engager, « tous ensemble », afin que les actes des gouvernants cessent de contredire la devise de la République.

Paris, le 7 novembre 2005

LES MUREAUX (AFP), le 6 novembre 2005 - La thèse gouvernementale sur "les bandes organisées" jouant les pyromanes d'une banlieue à l'autre fait sourire des jeunes des Mureaux qui assurent que leurs actions sont improvisées "d'après ce qu'ils voient à la télévision".

"C'est comme une compétition", dit Moussa (les prénoms ont été changés NDLR), adolescent franco-malien du quartier des Musiciens. "On voit ce que les autres font à la télévision, on essaie d'être à la hauteur".

Chaque soir depuis le début du "dawa" (le bordel), une dizaine de copains de Moussa qui se connaissent depuis l'enfance se retrouvent "comme pour un match de foot" autour d'un téléviseur dans leur HLM aux cages d'escaliers décrépites, aux murs roses et blancs. Même "uniforme" pour tous: tennis de marque, jeans baggy, sweat à capuche, cette dernière, de préférence blanche, mangeant le visage.

"On kiffe trop de voir tout flamber à la télé", se réjouit Youssef. "Le 9-3, je connais pas - je sors presque jamais de mon quartier sauf pour aller au bled en Algérie - mais on communique avec les mecs de Seine-Saint-Denis via l'écran, toutes les chaînes passent des images, même les télés arabes sur satellite".

"On se défie à distance", renchérit Mamadou, Malien de 19 ans, qui participe aux violences avec deux de ses jeunes frères. "Ceux de Clichy brûlent 15 voitures, il faut faire mieux, mais on quitte jamais notre territoire".

Ces jeunes affirment ne pas être des "caïds" qui existent selon eux dans le quartier mais préfèrent que les cités soient calmes pour faire prospérer petits et grands trafics. "Les caïds, ils aiment pas trop que les keufs soient là, alors en ce moment, ils sont pas à la fête", plaisante Youssef.

"Si on parle de nous à la télé, si on dit qu'on a été caillasser les keufs (policiers), pour nous c'est une victoire, une façon de montrer qu'on est des hommes, comme au Mali pour les rites de passage" à l'âge adulte, assure Moussa, soudain grave.

La télévision véhicule aussi des images qui les stimulent autrement, de manière négative: "on voit tout le temps la face de Sarko (le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy ndlr) à l'écran, ça me donne la rage, je voudrais tout brûler quand je l'entends nous cracher dessus. La racaille c'est lui", hurle presque Jean-Jacques, un autre membre du petit groupe.

Souvent rivaux, les groupes de jeunes de banlieues différentes se sont unis dans la colère contre la police, accusée une fois encore d'avoir provoqué la mort de deux jeunes, électrocutés à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) le 27 octobre, dans la fureur contre Nicolas Sarkozy et ses propos sur la "racaille" et dans le rejet d'une société dont ils se sentent exclus.

"Je n'aime pas les bandes de Chanteloup (les-Vignes, Yvelines), je ne connais personne à Clichy, mais on est tous dans la même galère, tous pas de la bonne couleur, pas de la bonne religion, sans avenir, sans taf (travail)", dit ce jeune musulman au chômage. "C'est aussi pour ça qu'on se comprend et qu'on s'entend sans se connaître".

Parfois, plus rarement, l'information passe de manière plus directe via des SMS avec des "cousins" d'autres banlieues, voire de province. "Kes kvou cramé cte nuit?", interroge ainsi via son téléphone portable Mamadou, à l'adresse d'un de ses cousins du Nord. "Tous kon peu et ++++", répond l'interessé dans une orthographe tout aussi revisitée.

November 1, 2005

Azouz Begag conteste

"Il faut que les esprits s'apaisent. Il faut que la loi s'applique fermement et dans un esprit de dialogue et de respect", a déclaré Jacques Chirac, mercredi 2 novembre en Conseil des ministres.
Le Monde, le 2 novembre 2005


Libération, le 1er novembre 2005
REPORTAGE «C'est la présence des flics qui nous énerve»
Par Gilles WALLON

Lundi vers minuit, à Clichy-sous-Bois, autour de la mosquée Bilal. Là où, la veille, une grenade a relancé les hostilités, il ya ce soir une quarantaine de CRS. Ils coupent l'avenue liant Clichy à Montfermeil. Quelques jeunes sont là, quatre ou cinq. Ils grondent, toisent les CRS, leur lancent des regards noirs, mais ne font rien. Plus tôt, un cocktail Molotov a pourtant été jeté sur les policiers.
Pour l'instant, la rumeur court. « Parmi les CRS, là en face de nous, il y a une petite blonde. C'est elle qui a lancé la grenade sur la mosquée », assure Aziz, la trentaine, un bonnet enfoncé sur les oreilles. Les autres ne l'écoutent pas. « C'est la présence des flics qui nous énerve, c'est de la provocation. », enrage Stéphane sous sa capuche noire. « Ça ne fait que stigmatiser encore plus le quartier. Comme toujours, on ne parle de nous que quand ça va mal. » Plus tôt dans la journée, trois jeunes ont été condamnés à deux mois de prison ferme, pour avoir lancé des pierres et des bouteilles sur les policiers. « Ici, on pense tous qu'ils ont été pris pour faire un exemple, poursuit Stéphane. On continue de nous enfermer, sans preuves. »


Le Monde, le 1er novembre 2005
Azouz Begag sous le feu des critiques

Les propos du ministre délégué ont fait vivement réagir les proches de Nicolas Sarkozy. Thierry Mariani, député UMP du Vaucluse, a affirmé qu'Azouz Begag, "a perdu une bonne occasion de se taire" en critiquant Nicolas Sarkozy. Selon lui, les propos du ministre sont "un peu une condamnation du travail de la police".

Alain Marleix, député du Cantal, est allé plus loin , exigeant la démission de M. Begag. "J'ai été très choqué par le comportement" de M. Begag, a déclaré M. Marleix, par ailleurs secrétaire national UMP aux élections. "Dans pareille circonstance, la solidarité gouvernementale est une exigence minimale", a déclaré M. Marleix. "M. Begag a besoin d'exister, il a un ministère gadget et doit montrer qu'il a une utilité", a poursuivi le député. "Mais ça ne doit pas se faire au prix d'un manquement grave à la solidarité gouvernementale".

PARIS (AP), le 1er novembre 2005 - Après plusieurs nuits de violences à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) consécutives à la mort par électrocution de deux adolescents, Azouz Begag critique les propos du ministre de l'Intérieur sur les banlieues mais entend faire aussi son "mea culpa".

Dans une interview publiée mardi par "Libération", le ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances "conteste cette méthode de se laisser déborder par une sémantique guerrière, imprécise", en réaction aux termes "voyous et racaille" utilisés par Nicolas Sarkozy à Argenteuil (Val-d'Oise) la semaine dernière.

"Je regrette de ne pas être associé (au ministre de l'Intérieur) quand il y a un dialogue difficile avec des jeunes. A chaque fois que mon collègue (Nicolas Sarkozy, ndlr) intervient en banlieue même quand il s'agit d'égalité des chances, je ne suis jamais contacté. Quand on nomme un préfet musulman, quand on dit vouloir donner le droit de vote aux étrangers et qu'on envoie des CRS contre les jeunes de banlieue, il y a un décalage", souligne Azouz Begag.

Par ailleurs dans une autre interview au "Parisien-Aujourd'hui en France", Azouz Begag tient à faire son "mea culpa": "Ca fait cinq mois que je suis au gouvernement et je n'ai pas été assez incisif. J'ai été trop faible. A moi de faire le tour des ministères pour discuter avec mes collègues et leur expliquer ce qui se passe réellement dans ces quartiers où l'on souffre. A moi d'aller voir Sarkozy pour qu'on trouve des solutions ensemble, qu'on répare les malentendus, qu'on apaise les tensions".

"Il faut certes tenir un langage de la fermeté, pour le rétablissement de l'ordre. Mais c'est en luttant contre les discriminations dont sont victimes les jeunes qu'on rétablira l'ordre, l'ordre de l'égalité. Pas en amenant plus de CRS", insiste le ministre dans "Libération".

Pour autant, Azouz Begag dénie à la gauche le droit de critiquer l'action du gouvernement: "La gauche n'a rien à dire, quand on voit la manière dont elle nous (les enfants d'immigrés, ndlr) a éloignés de la représentation politique. Aujourd'hui profiter de la mort ces deux jeunes pour se refaire une virginité politique sur la question des banlieues, c'est un scandale".

"Le PS n'a rien à dire sur la question des banlieues", ajoute Azouz Begag dans "Le Parisien-Aujourd'hui en France": "Elle est où la France black-blanc-beur que les socialistes nous promettaient. Nulle part. De Mitterrand à Jospin, cela n'a été qu'un grand bla-bla saupoudré d'un peu de SOS-Racisme. Et nous payons aujourd'hui ces vingt ans d'inaction". AP

PARIS (AFP), le 1er novembre 2005 - Ministre hors norme grandi dans un bidonville, Azouz Begag, resté jusqu'ici dans l'ombre, a fait entendre sa différence dans le dossier brûlant des banlieues, avec des critiques contre la "sémantique" du ministre de l'Intérieur qui ont suscité mardi la colère des sarkozystes.

Ses propos ont résonné d'autant plus fort que le président de la République et le Premier ministre étaient restés jusqu'à mardi en fin d'après-midi silencieux sur la crise de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis).

Azouz Begag, sociologue d'origine algérienne, natif de Lyon, promu en juin par Dominique de Villepin ministre délégué à la Promotion de l'égalité des Chances - un intitulé inédit - a pris la parole à plusieurs reprises depuis le déclenchement de ces événements pour regretter le vocabulaire de Nicolas Sarkozy.

Dimanche, il jugeait impropre de "dire aux jeunes qu'ils sont des racailles". "Il ne faut pas dire aux jeunes qu'on va leur rentrer dedans et qu'on va leur envoyer la police. Il faut y aller avec une volonté d'apaiser", avait-il déclaré à France 2.

Le mot "racaille" a été utilisé par le ministre de l'Intérieur lorsqu'il s'était rendu la semaine dernière dans le Val-d'Oise pour vérifier un dispositif contre les violences urbaines.

Azouz Begag est revenu à la charge dans deux interviews mardi.

Au Parisien-Aujourd'hui en France, il livrait des recommandations : quand on parle avec des pauvres, "il faut toujours choisir ses mots".

Interrogé par Libération sur les formules de son collègue à l'Intérieur, ("racaille", mais aussi "Kärcher"), il a marqué une désapprobation plus vive, dénonçant une "sémantique guerrière, imprécise". "Il faut cesser d'aller avec caméras et journalistes dans ces zones de pauvreté et de susceptibilité", a-t-il demandé.

De plus, il a déploré ne jamais avoir été "contacté" par Nicolas Sarkozy pour des déplacements en banlieue. "J'en suis surpris, alors que je suis l'un des rares au gouvernement à être légitimé par 25 ans d'expérience et de travail sur ces quartiers".

Des propos qui ne pouvaient manquer de susciter l'ire des amis du ministre de l'Intérieur. Begag "a perdu une bonne occasion de se taire", selon Thierry Mariani (UMP, Vaucluse). "Il a manqué à la nécessaire solidarité gouvernementale", a dénoncé Alain Marleix (UMP, Cantal), réclamant carrément la démission du ministre délégué.

Interrogé par l'AFP sur cette demande, Brice Hortefeux, bras droit de M. Sarkozy, a glissé : "je peux comprendre l'exaspération d'Alain Marleix, car notre pays a besoin d'unité et le gouvernement de cohésion, même si je ne partage pas toutes ses conclusions".

Yves Jégo (UMP, Seine-et-Marne) a souhaité que Dominique de Villepin rappelle Azouz Begag à l'ordre. Pierre Cardo (UMP, Yvelines) lui a demandé de "remettre l'église au milieu du village".

Pour un sarkoziste qui a requis l'anonymat, si le ministre délégué a tant parlé, c'est "qu'il en a, au minimum, reçu le feu vert".

"Je ne crois pas au caractère spontané d'Azouz Begag", a fait valoir cette source : "voilà un type qu'on n'a pas entendu pendant cinq mois, et brusquement il est partout".

"Une déclaration, ça peut être spontané et normal. Mais quand on donne des interviews dans tous les sens, surtout pour un ministre sans assise politique, ça ne peut être qu'après un feu vert" (sous-entendu : du Premier ministre).

Avant d'entrer au gouvernement, M. Begag s'était vu confier une mission sur l'égalité des chances par M. de Villepin, alors ministre de l'Intérieur, qui, deux mois avant, lui avait remis la légion d'honneur.

PARIS (Reuters), le 1er novembre 2005 - Nicolas Sarkozy, qui continue de prôner la fermeté dans les quartiers sensibles, apparaît isolé au sein du gouvernement face au feu nourri des critiques de la gauche.

Le ministre de l'Intérieur a été reçu à Matignon par Dominique de Villepin pendant une heure lundi en fin d'après-midi pour "faire le point" sur la situation en Seine-Saint-Denis, où des émeutes ont éclaté après la mort accidentelle de deux jeunes, électrocutés jeudi dans un transformateur EDF après une course-poursuite avec la police.

Mais le chef du gouvernement ne s'est pas exprimé sur l'affrontement entre son numéro deux et les jeunes de Clichy-sous-Bois, parmi lesquels Siyakah Traore, le frère de l'un des jeunes décédés, qui a refusé de rencontrer Nicolas Sarkozy, le taxant d'"incompétence", et a demandé à être reçu à Matignon.

Et c'est un proche du Premier ministre, Azouz Begag, ministre de la promotion de l'égalité des chances, qui s'est exprimé pour "contester" la méthode de son collègue de l'Intérieur, qui se laisse à ses yeux "déborder par une sémantique guerrière imprécise".

"Quand on nomme un préfet musulman, quand on dit vouloir donner le droit de vote aux étrangers et qu'on envoie des CRS contre les jeunes de banlieues, il y a un décalage. Il faut certes tenir un langage de la fermeté, pour le rétablissement de l'ordre. Mais c'est en luttant contre les discriminations dont sont victimes les jeunes qu'on rétablira l'ordre, l'ordre de l'égalité. Pas en amenant plus de CRS", souligne-t-il dans une interview à Libération publiée mardi.

Fin juin, Nicolas Sarkozy avait déjà suscité la polémique en affirmant son intention de "nettoyer au Karcher" la cité des 4.000 à La Courneuve, également en Seine-Saint-Denis.

Dominique de Villepin n'avait alors pas condamné les propos du ministre de l'Intérieur mais s'était démarqué en douceur de la méthode de son rival désigné dans la perspective de l'élection présidentielle de 2007.

"MENACES ET PROMESSES"

"Ce qui me choque, c'est de ne rien faire", avait-il dit, sur France 3, avant d'ajouter: " Chacun aborde ces questions avec sa sensibilité. Je suis un républicain convaincu, je crois au respect de la règle. Vous le voyez bien dans ce gouvernement, (...) il y a des sensibilités différentes. Ces sensibilités font la richesse de ce gouvernement et j'assure la direction, la cohérence de l'ensemble et je le fais dans l'esprit de la République".

Mardi matin, le député-maire UMP de Montereau (Seine-et-Marne) Yves Jégo, un proche de Nicolas Sarkozy, a apporté son soutien au ministre de l'Intérieur, jugeant qu'il ne lui appartenait pas de répondre au malaise des banlieues.

"Ce qui manque sans doute aujourd'hui, c'est peut-être la partie intégration, (...) mais ce n'est pas la compétence du ministre de l'Intérieur que de s'avancer sur ces sujets", a-t-il expliqué sur France-Info, appelant à "un grand plan Borloo pour l'intégration".

La gauche s'est emparée de ce dossier des violences urbaines pour faire le procès de la politique de sécurité menée depuis la réélection de Jacques Chirac en 2002.

Pour le porte-parole du Parti socialiste, Julien Dray, l'un des fondateurs de SOS-Racisme, "Sarkozy confond la fermeté réelle avec la fermeté télévisuelle". "Nous sommes au coeur d'une communication spectacle, où l'on préfère l'effet d'annonce au travail sérieux et patient", a-t-il dit dans Le Parisien.

Pour la secrétaire nationale du Parti communiste, Marie-George Buffet, invitée de France Inter, les habitants de la Seine-Saint-Denis "en ont assez de voir le ministre de l'Intérieur qui arrive, qui repart après avoir proféré des menaces ou des promesses".

Pour l'ancien ministre de l'Intérieur, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy "a manqué de sang-froid et n'a pas mesuré ses propos à plusieurs reprises".

Le président d'honneur du MRC a dénoncé sur France Inter l'"abandon" de la "police de proximité" mise en place "de 1998 à 2000". Il a appelé à "renforcer les unités territorialisées, redonner de la chair à cette action de terrain" et à "ne pas croire qu'on va résoudre les problèmes en faisant intervenir les BAC, CRS et escadrons de gendarmerie mobile".

Mais l'ancien ministre de Lionel Jospin a reconnu que "le ministre de l'Intérieur ne peut pas faire tout ça: faire reculer le chômage, enrayer la ghettoïsation, l'ethnisation des rapports sociaux". "C'est une politique d'ensemble du gouvernement tout entier", a-t-il souligné.

Libération, le 1er novembre 2005
Hollande : «Tolérance zéro pour Sarkozy !»
par RD et PQ

Interrogé par Libération sur les violences de Clichy-sous-Bois, François Hollande a répondu : «Non seulement la politique de Nicolas Sarkozy est dure à l'égard des plus faibles et outrageante à l'égard des quartiers, mais en plus, elle ne marche pas ! Jamais les violences aux personnes n'ont atteint un tel niveau (+3,5% depuis le début de l'année). Je ne nie pas la difficulté de l'action en la matière et je refuse la polémique simpliste. Mais depuis trois ans et demi, Sarkozy et Chirac ont multiplié les législations de circonstances et les effets d'annonce sans résultat probant ! Aurais-je la cruauté de rappeler les propos du Président, le 14 juillet 2001 : il dénonçait un “manque d'autorité de l'Etat”, il s'affolait d'une “déferlante de l'insécurité”. Et où est-il, Jacques Chirac, aujourd'hui ? Quelqu'un a-t-il entendu le son de sa voix après les très graves événements de Clichy ? Ou l'odieux assassinat d'Epinay. Sarkozy, de son côté, prône la “tolérance zéro”. Et bien, “tolérance zéro” pour Sarkozy ! “Tolérance zéro” pour les provocations verbales, la disparition de la police de proximité, l'absence de toute politique de prévention. En fait, le président de l'UMP n'est plus obnubilé que par sa candidature. Il n'est plus ministre de l'Intérieur, il est ministre de lui-même. Tous les mots sont prétextes à médiatisation. Les uns pour durcir jusqu'à l'extrême, les autres pour amadouer jusqu'à l'ambiguïté. Il parle ainsi de “discrimination positive”, mais stigmatise les jeunes des cités.

September 30, 2005

Ces cris qu'on enterre

Libération, le 27 septembre 2005
Le président Bouteflika entend rayer de la mémoire collective plus d'une décennie de guerre civile. Mais beaucoup d'Algériens ­ qu'ils soient rescapés ou proches de disparus ­ refusent cette amnésie forcée.

Après de longues recherches, il pense que leurs corps reposent là, au fond du trou. «Pour qu'on ne sente rien, il suffit en général de jeter de la chaux.» Lorsqu'il a crié au charnier et exigé son exhumation, il a été réduit au silence. «La gendarmerie m'a harcelé. Mon autre frère a été accusé de liens avec les terroristes et emprisonné pendant trois mois. Tout ça pour m'éloigner d'ici.» Le black out était déjà décrété.

L'homme dirige Al-Soumoud, l'une des associations de victimes d'un conflit qui, durant les années 90, a ensanglanté l'Algérie, faisant 200 000 morts. Une page que le président Abdelaziz Bouteflika veut tourner, une fois pour toutes. Sa «charte pour la paix et la réconciliation nationale», qui sera soumise le 29 septembre à référendum, enterre la «sale guerre», ses cadavres, ses tueurs et ses secrets.

September 17, 2005

La polygamie française

Le Monde, le 07.05.05
La polygamie résiste aux efforts de "décohabitation"

L'ampleur du phénomène demeure mal connue. La dernière étude, réalisée par l'Institut national des études démographiques (INED) et l'Insee en 1993, fait état de 10 000 familles d'origines malienne, gambienne, mauritanienne ou sénégalaise, mais les chiffres varient selon les sources (préfectures, associations).

Pourtant, la réalité de la polygamie et de ses effets est indéniable : promiscuité au sein de la famille, surpeuplement des logements, troubles du voisinage, conflits intrafamiliaux, qui peuvent être source d'échec scolaire... "La vie était devenue impossible à quatorze dans le cinq-pièces" , confie Hawa, dont les enfants étaient victimes de la mésentente entre les épouses. Les violences et les cris provoquaient la visite régulière de la police et l'hostilité du voisinage.

Fatou, qui est arrivée du Mali en 1987, habite un cinq-pièces avec ses six enfants à Boissy-Saint-Léger (Val-de-Marne) depuis 2002. Elle a décohabité parce qu'elle avait peur des conséquences de la législation sur la polygamie. "J'ai demandé à sortir pour avoir la tranquillité avec les enfants et pour être chez moi" , explique-t-elle. Son mari habite à quelques pas de chez elle avec sa première épouse et leurs cinq enfants.

Depuis quelques années, le groupement d'intérêt public (GIP) Habitat et interventions sociales tente d'aider les familles à décohabiter. Il intervient comme garant auprès des bailleurs sociaux ou établit un bail glissant ­ à son nom, dans un premier temps, avant de le faire signer par la coépouse. Le GIP oriente les familles vers les associations et structures locales pour l'accompagnement social des ménages après le relogement.



L'Express, 15/01/2004, Cet interdit qui a droit de cité

Elle vit dans un 4-pièces au papier peint défraîchi avec ses huit enfants, dont sa petite fille de quelques mois, sans parler du défilé incessant de cousins, d'oncles ou d'amis venus du pays. Dans ce brouhaha permanent, que seul l'appel à la prière diffusé par une horloge murale interrompt, Fanta, 53 ans, au sourire triste malgré ses dents du bonheur, le boubou trop large pour son corps frêle, reçoit comme elle peut dans ce capharnaüm. Française d'origine mauritanienne, elle est la première épouse d'un polygame marié à deux autres femmes, dont l'une est repartie au pays.

Des cas comme celui-là, notre pays en compte des milliers. Car, si, selon le droit français, la bigamie est passible de prison, l'administration tolère depuis longtemps la polygamie pour les immigrés, en vertu du respect traditionnel du statut personnel des étrangers, dont l'arrêt Montcho, du 11 juillet 1980, fut la traduction logique.

Le 24 août 1993, Charles Pasqua, alors ministre de l'Intérieur, fait voter une loi qui proscrit le regroupement familial pour les polygames. La France, à cette époque, est en plein débat sur l'immigration. Les préfectures sont priées de ne plus renouveler les titres de séjour des secondes épouses. C'est le tollé.

Des conditions de vie souvent inhumaines, toujours douloureuses.

Le sujet est pollué par le discours xénophobe du Front national sur les immigrés, mais pas seulement. La peur d'être traité de raciste, la célébration «du droit à la différence», déplore aujourd'hui cette assistante sociale de Montfermeil, ont longtemps interdit le débat. Comme cette dernière, des associations, des assistantes sociales demandent à ne pas être citées.

Mais comment faire, quand l'Ile-de-France manque de 300 000 logements sociaux? Que faire, quand les habitations les plus vastes sont conçues pour cinq enfants au maximum? (...) Quand des gens s'entassent à plus de 20 dans trois ou quatre pièces, il faut être naïf pour ne pas imaginer ce que ressentent les voisins».


Extraits d'un article du Figaro,
16 septembre 2005, par Cécilia Gabizon
L'article se concentre et dénonce des filières de faux divorces et le détournement des allocations familiales. Les clichés sont nombreux. Extraits :

Un mari, trois épouses, dix-neuf enfants et autant de bagarres quotidiennes... Fatou n'en pouvait plus de vivre à vingt-deux dans un appartement de La Courneuve (Seine-Saint-Denis). Mariée à 17 ans à un cousin émigré qu'elle ne connaissait pas, l'élégante Peul «avait accepté la polygamie, parce qu'au Mali, c'est normal». Des années plus tard, en France, sans papiers et sans moyens pour nourrir convenablement ses sept enfants – son époux, balayeur, confisque les allocations –, Fatou tente de divorcer. En vain.

Fatou voulait vraiment divorcer. Et s'installer seule. Faute de logement, elle vit toujours avec son ex-mari. La plupart des polygames ne souhaitent qu'obtenir des papiers, un appartement de plus et une allocation de parent isolé. Ce marché de dupes a pourtant ses vertus. «Les enfants vont vraiment mieux lorsqu'ils retrouvent de l'espace. Les femmes en profitent parfois pour prendre véritablement leur autonomie», analyse Mimouna, responsable de l'association Afrika de La Courneuve. Installée depuis vingt ans dans ce quartier décati, Mimouna alphabétise autant qu'elle veille sur les uns et les autres. Au point de signaler aux services sociaux tel cas désespéré. «Un enfant de neuf ans pesait 16 kilos ! La compréhension et le relativisme culturel ont leurs limites !», se justifie-t-elle. Le juge a alors mis les allocations familiales sous tutelle. Cette fois, la somme était versée à la mère, Aminata, avec une liste de courses à réaliser. Au début, lorsqu'elle achetait des yaourts, les autres femmes la houspillaient : «Arrête de jeter ton argent par les fenêtres. Garde-le pour le village.» «Moi, j'ai acheté des marques à mes enfants et de la nourriture. J'ai appris à m'organiser», raconte celle qui n'avait jamais tenu un budget, secrètement satisfaite de cette mesure de tutelle.

L'année dernière, le ministre de l'Intégration, Nelly Olin, avait envisagé la généralisation des tutelles, pour «casser les bénéfices économiques du système polygame». Mais le gouvernement a reculé, se repliant derrière le besoin d'évaluer le nombre de familles concernées. La caisse des allocations familiales n'a finalement jamais été mandatée.

A Matignon, on préfère désormais se concentrer sur l'avenir, pour éviter que de nouvelles épouses n'entrent sur le territoire.

En attendant, dans les foyers polygames, les enfants vivent souvent des situations tragiques, otages dans la guerre que se mènent les épouses pour obtenir faveurs et ressources.

Doucement, la situation évolue. Des filles insistent maintenant pour que leurs mères se séparent. «Avant on dormait à six dans une pièce, avec parfois notre père. On était serrés, c'était horrible», se souvient Hawassa, 13 ans. Pour échapper à la violence domestique, la fillette au sourire espiègle vivait dehors, livrée à elle-même, sans pouvoir appeler au secours. «La polygamie, c'est un secret. On ne le dit pas, par peur d'être jugé», concède l'adolescente. Ses demi-frères, plus âgés, ont tous quitté l'école à 16 ans. Elle a redoublé son CE 2.